La France est notre pays, l’Europe est notre avenir.

Les représentants des six premiers pays européens ont signé, le 25 mars 1957, le traité instaurant la communauté économique européenne.

 

Ils donnaient ainsi vie à la déclaration du 9 mai 1950 de Robert Schuman, inspirée par Jean Monnet : « L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble, elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait. » L’Europe, d’abord et avant tout, a été faite pour faire la paix. Le préambule du traité en pose les principes : établir les fondements d’une union sans cesse plus étroite entre les peuples européens afin de parvenir au progrès économique et social de leurs pays. Mais le traité est ambigu et ne choisit pas entre une organisation politique commune et un grand marché libéral.

Hier et aujourd’hui

En 1957, l’Europe des Six, c’était 163 millions d’habitants, 1,3 million de km² et 22% du PIB mondial. En 2017, l’Europe des Vingt-sept, c’est 443 millions d’habitants, 4,2 millions de km² et toujours 22% du PIB mondial. Le monde a changé, il est devenu multipolaire, la communauté internationale est passée de soixante à plus de cent quatre-vingts pays, la mondialisation est là et des géants économiques sont apparus, en particulier en Asie. Mais assurer la paix et favoriser la construction du grand marché et la libre circulation des biens et des personnes ont permis de multiplier par plus de 4 en France et en Europe le revenu moyen par habitant. Le marché communautaire représente près des 2/3 de notre commerce extérieur et nous sert de « camp de base » dans la mondialisation. Malgré un sentiment répandu, l’euro nous a permis de n’avoir que 1,5% de hausse des prix en moyenne annuelle contre plus de 4% de 1980 à 1999 (en 1981 l’inflation en France était de 13,1%).

Bien sûr tout n’est pas réglé et comme le dit Alain Juppé : Bruxelles est accusée « d’enquiquiner les citoyens ». Les inégalités sociales, de territoires et de revenu se sont creusées, faisant apparaître ce que l’on a, trop vite, qualifié des « deux France ».Au premier tour de l’élection présidentielle, dimanche 23 avril 2017, 1 électeur sur 2 a voté pour un candidat eurosceptique ou europhobe. Attention cependant à ne pas mettre au cœur de notre débat public les seules victimes du marché européen ! Nous sommes aussi responsables de ce qui ne marche pas : le chômage des jeunes, nos déficits et notre dette. Ni l’Union, ni l’euro ne peuvent à eux seuls compenser les anomalies de notre gestion nationale. Que serions-nous devenus sans l’Union ?

Un livre blanc

Mais pour changer l’opinion sur l’Europe, il faut qu’elle modifie ses orientations et son image. L’Europe ne peut plus s’élargir sans réflexion. La libre circulation des personnes est mise en question, y compris pour les travailleurs détachés. Il faut réduire le déficit démocratique, réformer la zone euro, mettre plus l’accent sur le social qui est censé être la contrepartie du marché.

Début mars – anniversaire oblige – Jean -Claude Junker, président de la Commission, a présenté le livre blanc pour l’Europe de 2025 :

  • S’inscrire dans la continuité, réparer l’euro, colmater Schengen et réviser la défense. L’Europe tiendra mais s’affaiblira progressivement (25% de la population mondiale en 1900, 4% à l’horizon 2060).

 

  • Faire beaucoup plus ensemble, un seuil politique fédéral, mais impossible en période de gros temps populiste et autres Brexit.

 

  • Se concentrer sur le marché intérieur et abandonner l’union politique.

 

  • Fabriquer une Europe à plusieurs vitesses, mais, à terme,  c’est un projet des nations d’Europe, pas le projet de l’Union.

 

  • Faire moins mais de manière plus efficace : construire une fédération classique qui disposerait des grandes prérogatives traditionnelles (monnaie, commerce, sécurité), le reste étant du ressort des Etats membres (par exemple la politique agricole redeviendrait nationale). Cela coûterait probablement plus cher mais ferait tomber la défiance d’une grande partie de nos compatriotes vis-à-vis de l’Union actuelle.

 

Redonner un sens au projet

L’Europe, il y a un siècle, c’était le quart de la population mondiale, moins d’un vingtième demain ; l’Europe, il y a soixante ans, c’était un peu plus du cinquième de la richesse mondiale, toujours la même proportion aujourd’hui, mais avec une vingtaine de pays en plus dans l’Europe. La mondialisation est là, et prétendre restaurer la grandeur de la France en s’isolant du reste du monde, c’est aller vers des lendemains qui déchantent. Plus que jamais est vraie cette phrase de François Mitterrand : « La France est notre patrie, et l’Europe notre avenir.» Il faut redonner un sens au projet, montrer que l’Union est un projet commun pour vivre ensemble, que l’Europe, c’est la démocratie, les droits de l’Homme, la liberté d’entreprendre et un modèle social performant. L’Europe, et c’est peut-être ce qui a été trop oublié, c’est une histoire, une tradition religieuse et laïque, et une culture communes. Dans un monde menaçant et imprévisible, ce n’est pas si mal.