Construction européenne : comment relancer la dynamique ?

En septembre 2015, Jean-Claude Juncker, Président de la Commission européenne, reconnaissait devant le Parlement européen que « notre Union européenne ne va pas bien ».

Il citait alors deux causes immédiates de ce malaise : la crise des réfugiés et la persistance de déséquilibres financiers dans la zone euro.

Face à l’afflux des réfugiés, il demandait plus d’engagement européen dans la solution du conflit syrien et proposait une répartition des demandeurs d’asile entre les pays membres. Pour consolider l’euro, il demandait le retour à la convergence économique par la recherche d’une meilleure productivité, d’une création plus dynamique d’emplois et d’une plus grande « équité sociale ». Mais il évoquait aussi d’autres défis, comme le référendum sur le départ du Royaume-Uni et la faiblesse diplomatique de l’Union face aux crises syrienne et ukrainienne.

Depuis, l’Union européenne a continué, selon son habitude, à gérer au jour le jour les questions les plus urgentes, à l’initiative des principaux pays membres : un accord vient d’être conclu avec la Turquie pour maintenir sur son territoire le maximum de réfugiés, en contradiction avec le régime commun d’asile adopté en juin 2013. Quant à la gestion de l’euro, la priorité a été donnée à l’acceptation par les pays concernés des programmes de redressement de la Commission, de la BCE et du FMI. Pour parer au risque de sortie du Royaume-Uni, quelques dérogations supplémentaires lui ont été accordées.

Faute d’une démarche plus ambitieuse, le risque d’un affaiblissement, voire d’une dislocation de l’Union subsiste : même si les Britanniques refusent d’en sortir, il est à craindre que la logique de l’appartenance « à la carte », qu’ils s’efforcent depuis des décennies de faire prévaloir, ne gagne d’autres pays tentés par le « souverainisme ».

Partout en Europe, des partis hostiles à tout nouveau progrès de l’intégration européenne, voire ouvertement anti-européens, séduisent un nombre croissant d’électeurs. Ce phénomène atteint à présent l’Allemagne, longtemps épargnée.

Quant à l’euro, la persistance d’une croissance trop faible le fragilise. Dans l’état actuel des programmes imposés à la Grèce, ce pays devra dégager un excédent budgétaire primaire (avant service de la dette) de 3,5 points de PIB en 2018 : un tel effort n’est pas réaliste après une longue période d’ajustement qui a réduit la richesse nationale de plus d’un quart et porté le taux de chômage à plus de 25 %. Dans d’autres pays comme l’Italie, l’Espagne, le Portugal et peut-être la France, où la croissance et l’inflation restent faibles, les recettes fiscales ne permettent pas la réduction rapide de la dette.

Actuellement, la Banque centrale européenne s’efforce d’atténuer l’impact récessif des réductions de dépenses publiques par une politique monétaire très accommodante. Mais ce n’est pas sans risques : une accumulation de liquidités dans un contexte de récession peut favoriser une nouvelle crise financière.

Pour assurer leur sécurité, les pays membres s’en remettent pour l’essentiel à leur action nationale et/ou à l’OTAN. La politique de sécurité et de défense commune de l’Union en reste à un stade embryonnaire.

Les pays attachés à la construction européenne doivent prendre la mesure de ces défis. Ils doivent dégager une stratégie de relance européenne dont les axes seraient les suivants :

  • Rassembler les pays qui le souhaitent autour d’un programme ambitieux d’intégration, notamment en matière de coopération industrielle, de renforcement de l’union bancaire et d’harmonisation fiscale et sociale.

 

  • Établir un mécanisme européen de gestion des frontières communes, le doter des moyens matériels et humains nécessaires et intensifier la coopération policière et judiciaire.

 

  • Rendre plus politique la gestion de l’euro, l’inscrire dans une stratégie macroéconomique orientée vers la croissance et faisant de l’investissement privé et public une priorité, au même titre que l’équilibre des finances publiques. Une action corrective s’impose également pour remédier aux excédents excessifs de balance courante dus à la faiblesse de la demande intérieure (y compris d’importation) dans certains pays, comme l’Allemagne.

 

  • Utiliser (même dans le cadre d’une coopération restreinte) les possibilités offertes par le traité de Lisbonne pour mettre sur pied des forces armées européennes communes équipées en commun. Un préalable serait la rédaction d’un livre blanc européen énonçant l’état des menaces et risques géopolitiques et définissant la politique de sécurité et de défense requise pour y faire face.

L’Union européenne ne peut être tenue pour un acquis définitif. Au fil des élargissements, les peuples qui la constituent semblent avoir perdu de vue sa finalité et les contraintes qu’elle impose, notamment en matière de solidarité. Des initiatives nouvelles, qui ne pourront, dans un premier temps, qu’être franco-allemandes, sont aujourd’hui devenues indispensables pour retrouver la dynamique des premiers temps de sa fondation.