Le monde, les Etats-Unis et Donald Trump

André Brigot

Compte tenu des imprévisibilités électorales de ces derniers mois, essayons de lire quelques tendances lourdes dans le monde à partir des Etats-Unis et de leur nouveau président.

 

Politiquement, depuis plusieurs années, les nationalismes se multiplient et s’internationalisent. En ce sens la « préférence nationale » du président Trump rejoint un courant dominant, du Japon aux Philippines, de Russie à la Turquie ou à la Hongrie ou à la Pologne, voire à la Grande Bretagne du Brexit. Mais face à ce « moment réactionnaire », doit-on parler d’une volatilité des électeurs européens (rejet des nationalistes en Hollande, en France, en Autriche, en Grande-Bretagne…) ou d’un printemps électoral qui réhabiliterait les valeurs de négociation, de compromis et d’alliances de l’UE, voire annoncerait des transformations institutionnelles en Europe continentale?

Economiquement, la tendance constatée depuis plusieurs années au ralentissement des échanges commerciaux s’accroît d’une volonté protectionniste et isolationniste.

Enfin, l’extension des attentats terroristes comme forme dominante de la violence guerrière s’affirme face aux laborieux processus de pacification à base d’interventions militaires. L’ensemble repose la problématique distinction entre le policier et le militaire.

Il en résulte une re-régionalisation du monde, dont les effets ne sont pas tous négatifs : réévaluation des délocalisations, structuration politique régionale,

Les Etats-Unis de Trump

 

Bien des atouts demeurent. Les Etats-Unis sont redevenus en 2014 les premiers producteurs de pétrole, un des plus puissants instruments de domination. Le Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, M. Tillerson, ex président d’Exxon Mobil, sait utiliser cet atout: le nouvel adversaire qatari est producteur de gaz, non de pétrole.

Première puissance militaire, la tentation de la force reste en arrière-plan, au-delà d’un isolationnisme de façade. Elle repose régionalement sur des choix alarmants : au Moyen-Orient utiliser l’opposition entre chiites et sunnites, au bénéfice d’un leader de ces derniers : l’Arabie saoudite. Soutenir les visées théologico-politiques israéliennes. Mépriser en Iran le soutien populaire à un modéré. Aggraver les tensions dans « l’étranger proche » de l’Europe. Installer en Europe et en Asie des réseaux anti-missiles et d’armements déstabilisateurs, en utilisant les menaces poutiniennes ou les dictateurs irresponsables, comme celui de la Corée du Nord, comme argument de vente.

Mais America n’est plus si first que cela. Le slogan de Donald Trump est plus révélateur d’une inquiétude que créateur de politiques crédibles. L’image internationale des Etats-Unis a considérablement affaibli leurs partisans, notamment du transatlantisme. A l’intérieur même, les initiatives de Trump sont entravées, renouvellent les contre-pouvoirs locaux, urbains, et suscitent le scepticisme, notamment chez les responsables économiques comme l’annonce de contrats pharaoniques avec une l’Arabie saoudite aux ressources pétrolières déclinantes.

En matière environnementale, les Etats-Unis ont toujours privilégié l’approche économique à l’approche prescriptive; mais sortir de l’accord de Paris, est d’abord juridiquement impossible avant trois ans, sauf à ridiculiser la signature des Etats-Unis; ensuite, peu créateur d’emploi pour l’industrie charbonnière déclinante et celle polluante du gaz de schiste. Même le lobby du pétrole est favorable à cet accord, conscient que si les énergies renouvelables ne sont pas une alternative proche, en revanche les recherches dans ce domaine d’avenir vont décliner aux Etats-Unis.

Enfin, acteur majeur, le système financier est transnational, pas américain. Le recours à l’autorégulation du système financier reste un leurre; or Trump favorise l’affaiblissement du rôle des instances politiques étatiques, tout en demandant aux autres Etats des contrôles fermes. Pendant ce temps les risques financiers demeurent. Picsou ne craint pas Donald, il l’utilise ; comme les mafias ont besoin d’un Etat, mais faible. Au total, des initiatives de M. Trump résulte un affaiblissement du droit international et du multilatéral tandis que les acteurs extérieurs sont conscients du piège grossier du bilatéral avec un surpuissant.

L’Europe

 

Face à ces risques, il semble que l’image négative de l’Union, voire la « haine de l’Europe », s’inverse. Les élections allemandes de septembre prochain confirmeront-elles ces éclaircies? L’Europe en profitera-t-elle pour se refonder? Globalement méprisés par les « Trumpistes », individuellement insultés (la méchante Allemagne, les Britanniques délaissés pour Brexit, les nains du Vieux continent priés de payer…), les Européens, inquiets, se retournent vers leurs valeurs. Réticence quant au recours à la force ; leadership dans la lutte contre les pollutions ; réaffirmation de la dimension sociale d’un projet devenu trop économique; premier donateur au Sud…. Ils sont rejoints par d’autres acteurs: maintien des accords sur le climat, appuyé par tous les Etats, y compris la Chine, même si les intentions sont multiples. Et puis, des contre-pouvoirs existent aux Etats-Unis. Les élections des mid-terms à la Chambre des Représentants pourraient redonner des forces aux démocrates. L’impeachment reste inquiétant car le vice-président Mike Pence, moins grotesque, est sans doute plus radical que Donald Trump. En attendant, ce dernier oriente les forces étasuniennes vers un monde plus sale, plus égoïste et plus mensonger.