Un autre monde est-il possible ?
Le 7ème Forum Social Mondial (20-25 janvier 2007) a eu lieu pour la première fois dans son intégralité sur le continent africain, à Nairobi (Kenya). Le lieu de rencontre a changé, mais le slogan est toujours le même : « Un autre monde est possible ».
Ayant participé pour la première fois à cette « grand’messe annuelle » des mouvements altermondialistes, j’ai pu déceler quelques signes de cet autre monde possible que le FSM donne à voir.
Ce nouveau monde sera avant tout marqué par l’interculturel, c’est-à-dire par le brassage des cultures différentes. Un brassage qui ne va jamais de soi , même si a priori on défend des principes communs. Un brassage qui a besoin de trouver de nouvelles formes d’expression et de réalisation. En ce sens, le FSM constitue une sorte de laboratoire d’interculturalité qui révèle l’énorme inventivité humaine pour trouver des formes de communication autres que la seule parole. On a ainsi vu que souvent le corps, à travers la danse, le théâtre ou la marche partagée, contribue davantage à la communion que le meilleur des discours. Dans un monde où l’immédiat est devenu roi, le FSM montre qu’il faut commencer par apprendre le rythme de l’autre pour arriver à faire projet avec lui.
Ce nouveau monde sera pluriel et la pluralité fera sens, car elle permettra de composer sans uniformiser, de réunir sans fusionner. Or la pluralité suppose de risquer une perte : celle de la parole unique, aussi juste qu’elle puisse paraître. Car chaque parole est marquée par une histoire et une géographie particulières. Prétendre à une parole commune à l’issue du FSM, c’est violer ce germe de nouveauté qu’il porte en son sein, une nouveauté qui dit la vie au pluriel. Dans un monde à pensée unique, le FSM montre que le multiple est peut-être moins efficace, mais combien plus créateur !
Ce nouveau monde, qui prône l’égalité et la justice, émergera au cœur même de l’inégalité et de l’injustice. Il ne viendra pas de l’extérieur pour remplacer l’actuel. Bien au contraire, il surgira des entrailles du monde actuel, il se forgera à travers ses contradictions et non pas malgré elles. Le monde nouveau n’est pas un monde parfait, préfabriqué d’avance, juste et égalitaire a priori, mais un monde qui risque l’imperfection pour faire naître du radicalement nouveau. Le FSM de Nairobi en est le signe.
Un autre monde est-il possible ? Oui, non pas parachuté de l’extérieur, mais émergeant à travers les brisures de l’actuel !