Les aspects politiques et interreligieux de la visite du Pape François en Irak

Le pape François a voulu, en rencontrant le grand ayatollah Ali Al-Sistani, et avant cela, le grand imam d’Al-Azhar, le cheikh Ahmed Al-Tayeb, tendre la main aux musulmans chiites et sunnites.

La rencontre, le 6 mars, entre ces deux hautes personnalités spirituelles, le pape François et le grand ayatollah Al-Sistani, est considérée comme un rendez-vous historique. Cette entrevue est une première entre le chef de l’Église catholique et l’une des figures chiites les plus importantes, non seulement en Irak, mais aussi dans le monde. On peut considérer aujourd’hui que le grand ayatollah Al-Sistani est, depuis ces vingt dernières années, le personnage le plus influent de la société irakienne, tant sur les plans religieux que politiques. Il a joué un rôle important dans l’apaisement de la guerre sectaire en Irak et au Moyen-Orient. Quant au pape François, est-il utile de rappeler son combat pour la paix mondiale ?

L’appel à la fraternité est non seulement un appel à la fraternité des croyants, mais aussi un appel à la fraternité humaine. Et c’est l’attente forte des jeunes Irakiens aujourd’hui : ils veulent avant tout – avant d’être musulmans, chrétiens, yézidis… – être des citoyens irakiens. Les Irakiens voient dans le pape François un messager de paix. Ils attendent donc de lui qu’il demande aux dirigeants politiques et religieux de choisir l’Irak pour les Irakiens, de prendre parti contre le sectarisme religieux qui a détruit le pays ces dernières années. En venant ici, le pape François encourage les Irakiens à choisir la vie et non le fanatisme religieux. La rencontre de Ur a toute son importance de ce point de vue. Lors de la guerre civile en Irak, le grand ayatollah Al-Sistani a joué un rôle essentiel en tant que pacificateur : lorsque des églises chrétiennes avaient été attaquées en 2004, il a immédiatement fait une déclaration condamnant ces attaques, par une fatwa, en disant qu’il était interdit de verser le sang de l’homme. Al-Sistani a même œuvré pour une séparation de l’État et de la sphère religieuse, et lorsque les jeunes sont descendus dans la rue en 2019 pour exiger des réformes et des changements importants visant principalement à rendre la souveraineté aux Irakiens, Al-Sistani les a soutenus. Il s’agit donc d’un leader spirituel qui encourage les gens à vivre comme des Irakiens sans mélanger la politique et la religion.

« Vous êtes tous frères »

Une autre étape, d’une grande importance, a eu lieu à Ur, ville natale de notre père Abraham. Le pape François a rencontré les chefs religieux chiites, sunnites, chrétiens, sabéens-mandéens, yézidis, shabaks, zoroastriens et baha’is. Ce rassemblement a dessiné un magnifique tableau de la diversité religieuse, culturelle et linguistique du peuple irakien. Cette image a pris forme lors du temps de prière, appelée à juste titre La prière des fils et des filles d’Abraham. « Nous sommes tous frères en humanité et dans notre appartenance à Abraham, quelle que soit notre appartenance religieuse« .

Le pape François a rappelé aux clercs de toutes les religions, la nécessité d’être acteurs de paix et d’harmonie dans la société et la nécessité de jouer un véritable rôle dans la construction de la paix sociale. Tous ont été appelés à rejeter les discours de haine et de violence pour adopter un discours modéré « L’hostilité, l’extrémisme et la violence ne viennent pas d’une âme religieuse et croyante. Ce sont plutôt des trahisons de la religion« . Il a également souligné que le premier devoir de la religion est de parvenir à la justice sociale et de défendre la dignité humaine : « Nous ne pouvons pas garder le silence lorsque le terrorisme offense la religion et il est de notre devoir d’éliminer le malentendu« .

Le pape a aussi souligné que nous n’avons d’autre chemin que le chemin du dialogue entre religions, malgré les difficultés et les dangers que comporte cette voie. Il n’est pas possible de construire un véritable échange entre des personnes de confessions différentes sans donner à l’autre le droit d’être différent. Chaque religion est un chemin, un chemin qui mène à Dieu et appelle au culte, au respect de la vie et de la dignité humaine. Le pape François n’a pas hésité à lancer un appel fort à la liberté de conscience, à la liberté religieuse et au respect des Droits humains à exercer librement sa foi.