La guerre du blé : une guerre dans la guerre ?

La Russie et l’Ukraine sont des exportateurs importants de multiples céréales : blé, tournesol, maïs. Ces deux pays représentent 34 % des échanges de blé et 73 % des échanges d’huile de tournesol. Ils sont aussi de gros producteurs de tourteaux de tournesol (dont dépend fortement l’alimentation animale dans le monde entier), de gros producteurs d’engrais, de pesticides (20 % du marché mondial des engrais) et de carburant dont dépendent les agricultures industrielles.

Or les agricultures industrialisées sont devenues très dépendantes du pétrole et du gaz, nécessaires à la production d’engrais et de pesticides. La hausse des prix de l’énergie a donc un impact sur celui de l’alimentation.

Pour nourrir sa population en temps de conflits, l’Ukraine a cessé temporairement l’ensemble de ses exportations de blé, de sucre et de viande. Côté russe, si les sanctions économiques épargnent pour le moment le volet alimentaire, la Russie utilise la faim comme une arme géopolitique. Elle limite actuellement ses exportations alimentaires à destination des pays jugés “inamicaux” notamment pour faire pression sur le groupe des non-alignés.

De surcroît, par crainte d’une future pénurie de denrées alimentaires, les acteurs économiques spéculent sur les marchés boursiers, notamment pour le blé et le soja, pendant que d’autres États se constituent des stocks ou refusent d’exporter pour garantir la sécurité alimentaire de leur population (Inde).

L’Europe, elle, ne connait pas de pénurie de denrées agricoles et alimentaires, mais est sujette à une hausse des prix alimentaires qui va s’aggraver du fait de la hausse du prix de l’énergie.

Ce sont, en fait, les pays du Sud qui sont les plus durement touchés, en particulier ceux qui sont importateurs de céréales russes et ukrainiennes (Liban, Égypte, Tunisie…), ceux qui sont fortement endettés (Sénégal, Madagascar, Côte d’Ivoire…) et ceux qui sont en conflit ou exposés aux changements climatiques (Mali, Yémen, Afghanistan…) ; cette situation risque de provoquer des tensions sociales majeures.

L’enjeu pour sortir de cette crise est donc triple, il convient à la fois de limiter la hausse des prix, de renforcer la capacité des États à y faire face et de limiter les impacts sur les populations les plus vulnérables. Cette triple nécessité demande des actions d’urgence à prendre au cours des 6 prochains mois qui ne peuvent être coordonnées que dans un cadre multilatéral.