Du bon usage des Droits Humains dans la République
Le 6 décembre, Justice et Paix France s’est saisi de l’opportunité d’une rencontre avec Mme Dominique Simonnot, Contrôleure Générale des Lieux de Privation de Liberté (CGLPL[1]) pour susciter, à l’occasion d’un Colloque, une réflexion sur les chantiers urgents repérés comme tels dans le cadre de sa fonction.
Dominique Simonnot, par ailleurs ancienne journaliste, et depuis longtemps habituée des prétoires[2] a exprimé d’emblée combien les mineurs pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) étaient malheureusement exposés au quasi-déterminisme de la filière « Mineurs suivis par l’ASE – Jeunes majeurs passant en Audiences de comparutions immédiates correctionnelles ». Les conditions dégradées du suivi des jeunes en situation de danger doivent interroger en urgence tant la société civile que les acteurs politiques quant au devenir de ces mineurs davantage « cassés » que « réparés » par les dispositifs institutionnels existants. À cet égard, un plus grand engagement du ministère de l’Éducation nationale dans l’enseignement qui leur est délivré apparaît indispensable (actuellement les mineurs en milieu fermé bénéficient d’un nombre d’heures de cours inférieur à celui des autres élèves). Cette situation se révèle être un impératif catégorique pour l’État, et pour la CGLPL un point de vigilance majeur.
En écho à cette vigoureuse interpellation, Jean-Louis Daumas, ancien Directeur de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) a souligné que le principe de l’enfermement des mineurs (en Centres Éducatifs Fermés -CEF-, en Établissements Pénitentiaires pour Mineurs -EPM- ou en établissements pénitentiaires traditionnels) ne pose, en lui-même, pas véritablement d’interrogation. La contention représente dans certaines situations la condition indispensable de l’acceptation des limites et des règles sociales par les jeunes délinquants et garantit leur absence de plongée dans « la folie ». Mais à condition que le respect des « quatre points cardinaux de l’action éducative » revête un caractère impérieux : respect de la dignité physique et psychique du mineur détenu ; accès à la culture et à l’émotion artistique ; travail du lien entre le mineur détenu et sa cellule parentale ; libre accès du mineur détenu aux soins et aux compétences de professionnels de la jeunesse.
La réunion de conditions idoines de prise en charge de ces mineurs (ASE, CEF, EPM ; établissements pénitentiaires traditionnels etc.) renvoie ainsi à l’importance du Comment soulignée par le père Marc Génin, aumônier orthodoxe de la Centrale de Poissy, lequel doit tout autant être priorisé selon lui que le Quoi. En effet, l’efficience de l’action mise en œuvre au service du détenu découle de façon déterminante de ses conditions de mise en œuvre. Sur ce chemin, la proposition de la Justice Restaurative, qui permet la rencontre d’un groupe d’auteurs d’infractions et d’un groupe de victimes de ces infractions, peut favoriser, voire déclencher une vraie prise de conscience chez l’auteur de la souffrance subie par la victime et constitue, tant pour l’un que pour l’autre, un précieux chemin de restauration, voire de renaissance personnelle offrant la possibilité d’un véritable « nouveau départ » une fois leur peine purgée.
Encore faut-il que la société civile comprenne l’importance de ce cheminement et c’est bien dans ce domaine de la communication que l’ACAT (Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture) développe son action, a exposé Yves Rolland, président de l’ACAT-France, soulignant la nécessité de s’emparer du combat des droits humains et d’interpeller les consciences, les institutions et les États.
Ainsi qu’il a été rappelé en clôture, c’est bien la notion de dignité qui, de façon transversale, demeure au cœur de l’action à mener, à développer et à toujours mieux parfaire au service de la personne en général et du mineur retenu ou détenu en particulier. C’est là qu’un avenir se joue, tant pour le jeune que pour notre société.
PS : on pourra retrouver les interventions de cette soirée sur le site https://justice-paix.cef.fr/ à partir du 15 janvier.
[1] Le législateur français a institué, par la loi n°2007-1545 du 30 octobre 2007, un Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) bénéficiant du statut d’autorité administrative indépendante et qui peut visiter et contrôler à tout moment, sur l’ensemble du territoire français, les conditions de rétention ou de détention des personnes privées de liberté.
[2] « Coup de barre. Justice et injustices en France » Le Seuil 2019.