Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

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1 – À propos de Jeux
Ne boudons pas notre plaisir, les jeux olympiques ont offert comme une parenthèse dans une période plutôt instable, notamment sur le plan politique. Plus encore, les paralympiques ont permis que des personnes marquées par le handicap, souvent laissées en marge, se trouvent au premier plan. Je ne prétends pas ajouter des commentaires sur ces événements, la documentation à ce sujet est abondante. Je propose plutôt quelques « pas de côté ».

+ On parle de « jeux », mais pour qui et comment ? Le dictionnaire renvoie à amusement et divertissement, il retient aussi l’aspect ludique, ce qui évoque des activités enfantines marquées d’insouciance. Or, les témoignages des athlètes, et plus particulièrement dans le cadre paralympique, parlent d’efforts et d’entrainements intensifs, y compris dès le jeune âge : des adolescents doivent quitter leur famille et combiner durement les études avec le sport. On doit saluer ces qualités humaines faites de courage, de ténacité, de volonté de rebond face aux difficultés… Mais nous sommes loin de l’insouciance et du ludique. Si l’on parle de jeu, mais cela vaut surtout pour celles et ceux qui regardent !

+ À propos des Jeux, nous sommes tous censés prendre pour devise « plus vite, plus haut, plus fort ! » Et comme ce propos émane d’un religieux, on le pare volontiers de « sacré » ! On peut l’interroger, d’abord parce qu’un certain nombre d’épreuves (encore un terme qui détonne par rapport au ludique) sont évaluées avec des critères de beauté et d’élégance, il s’agit alors de qualifier le « mieux » et non le « plus ». Quant aux sports collectifs, ils supposent une qualité de relation entre les acteurs, sinon l’exploit individuel peut se révéler contreproductif. Ce critère du « plus », avec une coloration individualiste, est sans doute marqué par son époque (fin du XIXème siècle) avec une idéologie de progrès qui met l’accent sur la domination – de la nature mais aussi de l’humain – et l’intérêt personnel. Je préfère garder comme image les marques de respect et parfois d’amitié envers l’adversaire d’un moment : chacun sait que l’autre a dû aussi beaucoup travailler, avec des efforts constants pour arriver à ce niveau.

+ Encore une question : pourquoi ne n’intéresse-t-on qu’aux médaillés ? J’ai une pensée particulière pour ceux qui arrivent 4èmes et même derniers. Il se sont entraînés autant et parfois plus que les vainqueurs, mais il n’y a que trois marches sur le podium. Pourtant, les sportifs porteurs de handicap nous rappellent que la fragilité et la vulnérabilité font partie de notre condition humaine, même chez les plus performants. La polarisation sur le seul record individuel ne rend compte que d’un aspect de nos vies, elle peut être trompeuse.

 

2 – Parlons un peu de politique…
° La lettre de Justice et Paix de septembre évoque la situation politique actuelle à partir de différents points de vue (voir le site : justice-paix.cef.fr), j’ai signé l’un des articles. On peut s’inquiéter que, en raison du flou politique qui a marqué l’actualité, une question majeure telle que celle de l’avenir de la vie sur terre, et notamment du réchauffement climatique, ne trouve place dans les débats ; l’espace public semble saturé par les manœuvres d’appareils et les tactiques liées aux ambitions individuelles. Nous avons le droit de secouer nos élus quand ils risquent d’oublier ce qui est décisif pour notre avenir commun.

° À propos de l’identité européenne, une réflexion de Heinz WISMANN, un philosophe allemand vivant en France (cf. Sciences humaines de septembre, p. 34) : « L’Europe n’est pas une réalité naturelle, géographique ou ethnique, mais une création historique, un geste guidé par le désir de ne pas rester le même, identique, figé. L’esprit européen reprend les différents éléments du passé pour le transformer et faire advenir quelque chose qui n’a pas encore existé. (…) Le geste européen, c’est une forme de renaissance perpétuelle. (…) L’esprit européen, c’est le contraire absolu du traditionalisme. Par opposition, les régimes répressifs établis en Iran, en Chine et en Russie s’appuient sur l’autorité de la tradition. »

° Dans le monde, la phase actuelle est marquée par la militarisation. Face aux menaces, chaque pays renforce sa défense. En écho à la réflexion précédente, il importe d’anticiper et de travailler à l’advenue d’une situation plus correcte d’un point de vue humain. Au plan mondial, les dépenses militaires se montent à 2500 milliards de dollars par an. On en vient à oublier les engagements, pris sous l’égide l’ONU, de mettre en œuvre les 17 Objectifs pour un développement durable (ODD) sur la période 2015-2030. Selon ces ODD, il s’agit de lutter contre la grande pauvreté grâce à l’accès à la nourriture et à l’eau potable, de promouvoir l’éducation et la santé, etc… Les conflits plongent des populations en des situations catastrophiques, tandis que les sommes importantes consacrées aux armes sont détournées des programmes de développement.

° La peur actuelle conduit au repli sur des intérêts particuliers et à court terme.  Or, ne perdons pas de vue la volonté de construire une paix durable dans notre monde. Il s’agit d’abord d’organiser la coopération entre les peuples pour faire face au défi écologique et mettre en place une justice sociale permettant à chacun d’accéder aux biens élémentaires. Plutôt qu’inventer des stratégies de lutte contre l’immigration, parfois avec des moyens ignobles, il vaut mieux faire en sorte qu’une vie digne soit possible dans les différents pays. La plupart de ceux qui arrivent fuient une situation de guerre, de répression violente ou de misère absolue.

 

3 – Pour quel avenir ?
Rappelons-nous que nous sommes de plus en plus dépendants les uns des autres. Il nous faut donc apprendre à penser en termes d’un bien commun mondial pour organiser une solidarité efficace, entre contemporains, mais aussi avec les générations à venir. Nous nous réjouissons de la vitalité des enfants et de leurs sourires, mais quel avenir concret voulons-nous leur préparer ? Est-ce un monde fatalement marqué par la guerre et la destruction de la Planète ? Il n’est pas inutile de lever les yeux au ciel pour voir plus loin que le bout de ses chaussures, pour faire en sorte que la vie ait un avenir ! Cultivons donc l’esprit de responsabilité pour conduire nos vies personnelles, mais aussi pour organiser la vie politique !

® Un signe inquiétant : selon l’UNICEF, en France, 2000 enfants sont à la rue, sans solution d’hébergement, une situation qui empire d’année en année. Dans le même temps, les associations humanitaires enregistrent de plus en plus de demandes d’aide alimentaire, y compris de la part d’étudiants. Des situations qui dénotent d’évidents manques de volonté politique : peut-on se satisfaire d’une société qui oublie ses membres les plus fragiles ?

® Positivement, une rentrée marquée par de multiples solidarités de proximité, par des engagements bénévoles, notamment dans le domaine sportif, les Jeux ayant un impact incitatif. Mais aussi dans le soutien scolaire, l’accueil de familles réfugiées, etc.

 

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Qui connaît la Papouasie occidentale* ? Qui sait que les populations originaires de ce vaste et riche territoire sont sous la coupe de l’armée et de la police indonésienne et d’immigrants indonésiens des îles voisines, ainsi que de multinationales qui prélèvent les richesses minières et forestières de la région ?

De ce mardi 3 au vendredi 13 septembre, le voyage du Saint-Père dans cette zone où se rencontrent l’Asie et l’Océanie, les peuples malais et mélanésiens, nous donne l’occasion de découvrir ce peuple Papou, son Église et ses préoccupations de survie, avec ce numéro spécial hors-série de La Lettre de Justice et Paix.

Se rendant à Vanimo, une bourgade de la côte nord de la Papouasie-Nouvelle-Guinée voisine de la frontière avec la Papouasie occidentale, siège d’un diocèse, le Saint-Père a l’opportunité de dire quelques mots sur les souffrances et les espoirs de ce peuple et sur le rôle que l’Église et la communauté internationale peuvent jouer pour que ses droits soient reconnus et respectés.

L’Église de France peut se souvenir à cette occasion de Mgr Alain de Boismenu, missionnaire du Sacré Cœur de Jésus d’Issoudun, vicaire apostolique de Papouasie de 1912 à 1945, un pionnier de l’évangélisation de cette grande île, et, en rappelant les liens qui nous unissent, soutenir les droits de ce peuple.

*La Papouasie occidentale désigne la moitié occidentale de l’île de Nouvelle-Guinée. Elle comprend les six provinces indonésiennes de Papua, Papua Barat, Papua Tengah, Papua Pegunungan, Papua Selatan et Papua Barat Daya.

La Papouasie occidentale désigne la moitié ouest de l'île de Nouvelle-Guinée. Elle comprend les six provinces indonésiennes de Papua, Papua Barat, Papua Tengah, Papua Pegunungan, Papua Selatan et Papua Barat Daya. Depuis son annexion par l'Indonésie en 1963, la population autochtone de Papouasie occidentale subit des violations des droits de l'homme en raison des conflits politiques et économiques qui l'opposent au gouvernement et à l’armée indonésiens. Certaines ONG humanitaires et environnementales n’hésitent pas à utiliser les termes de « génocide » et d'« écocide » pour dénoncer le comportement du gouvernement indonésien dans les provinces papoues. En effet, derrière des projets de développement orchestrés par Jakarta, se cache une sombre entreprise de déprédation. Les Papous, victimes de la privation de leurs ressources et de leur identité, sont de plus en plus marginalisés. La répression militaire indonésienne a entraîné la mort de plusieurs centaines de milliers de papous. 6 % des terres de Papouasie sont désormais inhabitables en raison de la pollution minière. Sans parler de la déforestation massive au profit des industries agricoles et des plantations de palmiers à huile. Pour comprendre les causes profondes de la tragédie papoue, revenons sur l'histoire de l'annexion de la Papouasie occidentale à l'Indonésie. 1er décembre 1961 : Après plus d'un siècle de colonisation néerlandaise, la Papouasie occidentale a proclamé son indépendance. Le transfert de souveraineté était prévu dix ans plus tard, en 1971. 19 décembre 1961 : L’Indonésie, devenue indépendante des Pays-Bas quinze ans plus tôt, a déclaré la guerre à l'État Papou naissant. Dans un esprit anticolonialiste, le président Soekarno a appelé à la mobilisation générale pour détruire « l'État fantoche néerlandais en Papouasie. » 15 août 1962 : Pour éviter une escalade du conflit, les États-Unis, sous l'administration de John F. Kennedy, ont persuadé les Pays-Bas de céder la Papouasie occidentale à l’Indonésie par l’intermédiaire des Nations unies. Un accord a été signé à New York entre l'Indonésie, les Pays-Bas et les États-Unis, sans la participation des autorités papoues. 1er mai 1963 : Les Nations unies ont remis l'administration de la Papouasie occidentale à l'Indonésie, en vue d'un référendum qui déterminerait le choix du peuple papou. En réalité, l'Indonésie a mené des opérations visant à éliminer les indépendantistes papous. 7 avril 1967 : Le gouvernement indonésien a signé un contrat d'exploitation avec le géant minier américain Freeport McMoRan. En effet, la Papouasie occidentale est riche en ressources naturelles. Ses gisements de cuivre et d'or à Grasberg sont parmi les plus importants au monde. 2 août 1969 : Un « référendum » appelé acte de libre choix organisé par l'armée indonésienne pour légitimer l'annexion de la Papouasie occidentale a été approuvé par seulement 1 025 des 800 000 papous à l'époque. Compte tenu de l’annexion brutale de la Papouasie occidentale par l’Indonésie, la situation ne devrait pas s’améliorer avec le temps. En effet, dès le début, le gouvernement indonésien n'a jamais fait preuve de bonne foi envers les Papous. Sukarno, le premier président indonésien, considérait les Papous comme primitifs. En 1963, le général Ali Moertopo a souligné que l'Indonésie n'avait besoin que des ressources naturelles de la Papouasie et non des Papous. L’Indonésie semble vouloir exterminer systématiquement la population noire mélanésienne de la Papouasie occidentale et la remplacer par des colons indonésiens, venus des îles surpeuplées de Java et des Célèbes. C'est exactement ce qu'a confirmé le général Hendro Priyono dans une interview télévisée en 2021. Dans sa propagande, le gouvernement indonésien prétend que la Papouasie est une terre de paix. Mais en réalité, c'est une terre de guerre : depuis 1963, Jakarta y a mené une quinzaine d'opérations militaires . En 2022, l'état d'alerte au combat a été déclaré. Fin février 2024, une opération conjointe de l'armée et de la police appelée HABEMA a été mise en place. Quatre nouveaux commandements militaires régionaux ont été créés, en plus des deux commandements existant alors. Aujourd'hui, le conflit armé sévit dans de nombreux districts tels que Intan Jaya, Nduga, Puncak Jaya, Puncak Papua, Yahukimo, Kiwirok, Monts Bintang et Maybrat. Les conséquences sont désastreuses. L'ONG Human Rights Monitor, basée en Allemagne, dénonce une crise humanitaire qui a entraîné le déplacement de plus de 75 000 civils. Des cas de torture , de viol et d'exécutions extrajudiciaires continuent de se produire en toute impunité. Pendant ce temps, les militants qui défendent les Papous sont systématiquement stigmatisés, intimidés et criminalisés. Le régime indonésien considère les activités visant à protéger les droits humains des Papous comme un acte de trahison et de séparatisme. L'accès des journalistes indépendants est fortement limité dans la région. Alerte au génocide en Papouasie occidentale L'élection de Prabowo Subianto à la présidence de l'Indonésie en février dernier a sonné le glas du peuple papou. L'actuel ministre indonésien de la défense, ancien général et gendre du dictateur Soeharto (1967-1998), aujourd'hui âgé de 72 ans, est connu pour ses atrocités commises en tant que jeune officier pendant l'occupation du Timor oriental par l'Indonésie (1975-1999). Face à la tragédie papoue, Prabowo a préféré blâmer l'ingérence étrangère plutôt que la politique brutale de son gouvernement. Pour lui, des opérations militaires accompagnées de « développement » constituent la solution la plus appropriée. Or, ce développement est synonyme de la destruction de l'environnement et l'importation massive de migrants de l'extérieur de la Papouasie. Aujourd'hui, les Papous sont minoritaires dans leur pays. Une étude menée par l'United Liberation Movement for West Papua (ULMWP) montre que le pourcentage d'autochtones en Papouasie occidentale est déjà inférieur à 40 %, soit moins de 1 % de la population totale de l'Indonésie. Si l'on compare le taux de mortalité des Papous indigènes à celui des migrants indonésiens en Papouasie, il apparaît clairement que le peuple papou est menacé d'extinction ! Si le malheur des uns fait le bonheur des autres, alors à qui profite la misère des Papous ? En 1970, il n'y avait qu'une seule grande multinationale en Papouasie occidentale. Aujourd’hui, on en compte une vingtaine. Et ce n'est pas tout : 85 compagnies d'huile de palme contrôlent plus de 2 150 000 hectares de terres en Papouasie. 83 sociétés d'exploitation forestière contrôlent 13 500 000 hectares de forêt (enquête menée par Forensic Architecture et Greenpeace Indonésie). 57 000 hectares de forêts papoues à Boven Digoel ont été déboisés par le groupe coréen Korindo depuis 2001. Il y a également 25 sociétés forestières de plantation industrielle qui contrôlent 3 700 000 hectares de forêt. Et 3 sociétés de gestion de produits forestiers de sagou (fécule alimentaire) qui contrôlent 129 000 hectares de hameaux de sagou. 15 sociétés de plantation de canne à sucre qui contrôlent 488 000 hectares de terres. Parallèlement, environ 240 sociétés minières draguent le sol de la Papouasie. La superficie totale des terres indigènes papoues saisies pour l'exploitation minière est de 9 120 000 hectares ! Alerte à l’écocide en Papouasie occidentale Les données de la Fondation Pusaka, de Greenpeace et de Forest Watch Indonesia montrent que chaque année, le taux de déforestation en Papouasie triple ! De 2000 à 2009, il a atteint 60 300 hectares. De 2009 à 2013, la superficie a atteint 171 900 hectares. De 2013 à 2017, elle est passée à 189 300 hectares par an. La déforestation en Papouasie occidentale se poursuit malgré les programmes de protection de l'environnement. À Merauke, les inondations sont fréquentes : les forêts sont défrichées pour cultiver du riz destiné à l'exportation vers l'Arabie saoudite. La construction de l'autoroute Trans Papua, longue de 4 326 km, met en danger l'existence des espèces protégées de flore et de faune, telles que l'orchidée pantoufle violette et le kangourou arboricole Mbaiso. Aux yeux des Papous indigènes, cette autoroute n’est qu’un outil logistique au service des oligarques indonésiens. Ironie de l’histoire, ces crimes odieux se sont produits dans le cadre du programme d'« autonomie spéciale » imposé par Jakarta. En théorie, ce programme vise à assurer la protection des Papous indigènes. Mais en réalité, il protège et soutient les criminels environnementaux et humanitaires en Papouasie. Sur la base des faits présentés, il ressort clairement que les Papous n’ont en aucun cas d’avenir avec l’Indonésie. Dipa Arif

Lorsque l’on parle de mettre fin à la colonisation dans le Pacifique, la Papouasie occidentale aurait dû être l’une des premières à se libérer au début des années 1960. Au lieu de cela, dans une tragique et grave injustice, la Papouasie occidentale reste l’une des dernières, toujours enchaînée sous la brutale domination coloniale de l’Indonésie. Cette oppression persiste parce que le monde a honteusement tourné le dos. Pourtant, seules les voix unifiées des nations du Pacifique ont courageusement commencé à mettre en lumière les atrocités que les Papous endurent depuis des décennies.

Après la Seconde Guerre mondiale, les Néerlandais ont promis aux Papous occidentaux une voie vers l’indépendance, en particulier dans les années 1950, alors qu’ils préparaient la nation à l’autonomie par le biais du programme de « papouanisation », qui favorisait l’éducation et le leadership. Mais dans une ultime trahison, les Néerlandais ont vendu le peuple papou. Ils ont cédé la Papouasie occidentale à l’Indonésie dans le cadre d’un accord conclu en coulisses, sous le contrôle des Nations unies et orchestré par les États-Unis, dont les yeux étaient rivés sur les vastes ressources naturelles de la Papouasie. L’accord de New York, signé le 15 août 1962, n’était rien d’autre qu’une conspiration internationale qui ignorait totalement les Papous, qui disposaient déjà de leur propre parlement démocratiquement élu, le Raad de Nouvelle-Guinée.

Dès le début, l’Indonésie s’est servie des Nations unies comme d’une couverture pour déchaîner une violence génocidaire sur les Papous. Elle a dissous les partis politiques, supprimé la liberté d’expression et traqué, torturé, emprisonné et tué tous ceux qui osaient résister. L’Indonésie a refusé aux Papous leur droit légitime à l’autodétermination, en organisant un simulacre d’« acte de libre choix » en 1969 avec seulement 1 025 personnes triées sur le volet – dont une fraction seulement était même papoue – forcées de déclarer leur destin sous le contrôle indonésien. Les Néerlandais, qui avaient promis la libération, sont restés silencieux. Les Nations unies ont entériné cette parodie. Et les États-Unis, qui se sont assuré l’accès aux immenses richesses de la Papouasie, ont dissimulé la vérité aux médias du monde entier.

Malgré cette conspiration, le peuple papou n’a jamais faibli. Depuis le début des années 1960, il a résisté, menant son combat dans la jungle, refusant d’accepter la fausse réalité imposée par les puissances étrangères. Le 1er juillet 1971, le mouvement de la Papouasie libre (OPM) a déclaré que la Papouasie occidentale était un État souverain et a promis de défendre son indépendance. L’Indonésie a réagi avec une brutalité absolue, lançant des opérations militaires qui ont depuis lors éliminé des centaines de milliers de Papous. Qu’il s’agisse de massacres directs ou de la mort lente due aux déplacements et à la famine, l’objectif était clair : l’extermination d’un peuple entier. Il ne s’agit pas d’une simple opinion, mais d’un fait reconnu et condamné par le rapporteur spécial des Nations unies sur la prévention du génocide.

Les Papous ont également poursuivi leur résistance pacifique pendant la période de réforme de l’Indonésie au milieu des années 1990. Ils ont organisé le deuxième congrès papou en 2000, établissant le conseil du présidium de Papouasie comme plate-forme pour l’indépendance. L’Indonésie a écrasé ce mouvement pacifique, torturant et tuant ses dirigeants. Pourtant, l’esprit de résistance se perpétue grâce à l’activisme des jeunes dans des organisations telles que le Comité national de Papouasie occidentale, l’Alliance des étudiants de Papouasie et d’autres. Les Papous ont à plusieurs reprises cherché à établir un dialogue pacifique, mais le gouvernement indonésien a refusé de s’engager. La lutte pour l’indépendance de la Papouasie a fait des progrès significatifs avec la formation du Mouvement uni de libération de la Papouasie occidentale (ULMWP) fin 2014 à Port Vila, au Vanuatu. L’ULMWP, qui regroupe divers mouvements indépendantistes, a été créé avec le soutien du Groupe Fer de lance mélanésien et financé par le gouvernement du Vanuatu, facilité par le Conseil des Églises du Pacifique et soutenu par la société civile de l’ensemble du Pacifique.

Le gouvernement indonésien a ignoré toutes les tentatives de dialogue, y compris les efforts de l’équipe de négociation choisie par le Congrès de la terre de paix de Papouasie, une équipe formée grâce au travail acharné du réseau Terre de paix de Papouasie dirigé par le regretté pasteur Neles Tebay. La seule réponse de l’Indonésie aux aspirations politiques des Papous est d’arrêter, de torturer, d’emprisonner et de tuer de multiples façons. Aucun cas de violation des droits de l’homme n’a fait l’objet de poursuites judiciaires, malgré les efforts de la Commission indonésienne des droits de l’homme. Cette situation n’est pas passée inaperçue pour la majorité des nations du Pacifique qui, depuis 2015, ont fait des droits de l’homme en Papouasie un point permanent de l’ordre du jour de leurs réunions annuelles. Leurs demandes de visite en Papouasie pour des évaluations des droits de l’homme ont été systématiquement rejetées depuis 2015, même lorsque des envoyés spéciaux, dont deux premiers ministres, ont été nommés.

À l’heure où vous lisez ces lignes, l’Indonésie mène une opération militaire qui a débuté en 2018 et qui s’étend sur l’ensemble des hauts plateaux de la circonscription de Pegunungan Bintang, à la frontière avec la Papouasie-Nouvelle-Guinée, jusqu’à l’extrême pointe occidentale de la Papouasie. Cette opération a déplacé plus de 76 000 personnes, qui sont maintenant confrontées à de graves violations des droits de l’homme et manquent de services de base tels que la nourriture, les abris et les soins médicaux. Malgré l’opposition de la population locale et des gouvernements régionaux, le gouvernement central a divisé la Papouasie en six provinces. Cela a non seulement renforcé la présence militaire, mais a également entraîné la saisie forcée de terres, la destruction de l’environnement et le développement d’infrastructures qui soutiennent les opérations militaires et facilitent l’exploitation des ressources naturelles. La politique de développement du gouvernement indonésien reste ancrée dans une thèse de développementalisme qui ne tient pas compte du conflit armé en cours et de l’identité papoue.

La lutte du peuple papou est plus qu’une lutte pour l’indépendance ; c’est une lutte pour la survie contre un génocide d’État ancré dans le racisme. Il s’agit d’une lutte existentielle contre une menace existentielle. Depuis le début, les Papous occidentaux – des personnes à la peau brune et aux cheveux bouclés – ont été traités comme des sous-hommes, leur vie étant considérée comme sacrifiable. Cette déshumanisation persiste aujourd’hui sous le régime colonial indonésien, soutenu par ses alliés. Le monde a négligé de tenir l’Indonésie responsable de ses actes, lui permettant de commettre ces crimes en toute impunité. La Papouasie reste fermée, interdite aux journalistes, aux organisations humanitaires et même au commissaire aux droits de l’homme des Nations unies, malgré les appels persistants à la transparence lancés depuis 2015 par les dirigeants des îles du Pacifique et le soutien croissant des nations d’Afrique et de la Caraïbe.

La question n’est plus de savoir combien de temps nous allons rester les bras croisés face à cette injustice, mais plutôt de savoir pourquoi nous envisageons même de permettre que cela continue. Le temps de l’observation passive est révolu. Nous devons porter cette question sur la scène internationale, en exigeant justice et redevabilité pour la Papouasie occidentale. Ce n’est qu’alors que nous pourrons faire en sorte que le Pacifique devienne une région de paix véritable, où les derniers vestiges du colonialisme seront enfin éradiqués.

Octo Mote