Plaidoyer pour une éthique politique au Tchad
À la mort du président Idriss Déby le 30 avril 2021, les tchadiens ont espéré l’avènement de la démocratie, malgré l’installation de son fils Mahamat Kaka à la tête du conseil militaire de transition. Mais le 20 octobre dernier, après l’échec du dialogue national, une manifestation a été brutalement réprimée. « La vérité des événements du 20 octobre est que des citoyens ont manifesté leur mécontentement face aux injustices et face à la volonté de la conservation du pouvoir et que l’on a tiré sur eux pour les tuer. » a osé déclarer Mgr J. Kouraleyo, évêque de Moundou.
Quand je considère la situation socio-politique du Tchad, je me dis que le politicien le plus vertueux aurait du mal à redonner le vrai sens de l’État, de la Nation et du Bien Commun. Il nous faut retrouver une éthique politique au Tchad et je ne crois pas que ce soit le clan au pouvoir et ses affiliés du Mouvement Patriotique du Salut (MPS) qui pourraient nous mener à cette éthique politique.
Le Dialogue national inclusif organisé par les autorités a préconisé l’idée d’un État unitaire fortement décentralisé et non pas celle d’un État Fédéral comme beaucoup de Tchadiens le souhaitaient.
Les maux qui minent le fonctionnement de nos institutions et qui poussent les citoyens à trouver leur salut dans une autre forme d’État sont entre autres : l’injustice sociale, le non-respect des textes de la République, l’impunité, l’absence du vivre ensemble, la non-répartition équitable des responsabilités du pays, la mauvaise utilisation des Ressources Humaines, le partage inéquitable des ressources nationales, etc.
Si ces maux ne trouvent pas de solutions idoines, aucune forme d’État ne pourra résister à la situation de pauvreté, d’insécurité et de rébellion récurrente au Tchad. Le désordre politique et social au Tchad est devenu systémique.
Si la démocratie apparaît comme la forme de gouvernement qui répond aujourd’hui le mieux aux questions sociales, elle a besoin d’être revitalisée en intégrant les valeurs fondamentales de la dignité des hommes et des femmes. C’est à cette condition qu’elle pourra prétendre être un modèle de gouvernement juste et équitable pour le bien des populations.
La démocratie ne peut fonctionner sans un développement économique continu et sûr qui amène à un bien-vivre ensemble. Sans économie viable, pas d’indépendance, donc pas de liberté. Au Tchad, les choses sont mal gérées, nous ne connaissons pas réellement les moyens dont nous disposons pour une vraie indépendance politique…
Il nous faudrait donc, au Tchad, passer par un travail honnête, laborieux et rationnel pour retrouver l’unité ; nous sommes loin du compte.
Le progrès significatif d’un pays ne peut pas reposer sur un groupe infime d’intellectuels ou de dirigeants qui n’ont pour politique que la « violence des armes ». Cela suppose une profonde coordination harmonisée de toutes les forces vives d’une nation capable d’absorber tout changement sans perdre son identité. Il faut donc que les populations du Tchad retrouvent la liberté d’expression et de participation pour construire un État fiable, équitable et prospère.
Je reprendrais bien volontiers à mon compte la définition de l’éthique politique du père Raymond Bernard Goudjo : « il faut comprendre par éthique sociale, la science de la conduite de l’État et de la société selon un ordre moral vivifiant. Elle s’intéresse à la dignité de la personne humaine qui, dans l’expression de sa liberté, œuvre à l’instauration véritable de la justice sociale qui s’énonce dans les principes de solidarité et de subsidiarité et dans la recherche fondamentale du bien commun. Cela suppose d’abord une volonté réelle de créer une société sur les valeurs humaines universelles. »
L’éthique politique donne, aux citoyens et à ceux qui animent la société civile, un cadre pour la promotion des libertés individuelles et œuvre à la prospérité véritable de l’État et de la société.
Les Tchadiens ont vraiment besoin d’apprendre à gérer leurs libertés pour favoriser le « bien humain ».
Le Tchad, en l’absence de toute morale et de tout contrôle de l’honnêteté du chef, croupit sous le poids de la corruption, des détournements, etc. Il n’y a pas encore de consensus moral nationalement reconnu qui permette librement et fermement de dénoncer les abus, sans avoir à faire preuve d’un héroïsme suicidaire ! Les populations survivent et « la loi du ventre qui a faim » prime sur toute morale consensuelle. La mentalité du partage du gâteau national ne peut se solutionner que par une longue et patiente acquisition du vrai sens du bien commun. On ne peut pas « re-fonder » la nation tchadienne, mais on peut changer de direction. Il faut sortir de la nostalgie de la paix et de la concorde nationale perdue en proposant à la jeunesse tchadienne les formations nécessaires pour un nouvel état d’esprit politique. Commencer à éduquer la nouvelle génération des Tchadiens qu’ils soient du nord, du sud, de l’est ou de l’ouest, est la tâche la plus urgente pour retrouver un Tchad « ressuscité », fondé sur les valeurs éthiques d’honnêteté, de justice et d’équité sociale.
Que Dieu nous y aide !