Dossier d’information : Éthique sociale en Église N° 20
En plus du confinement sanitaire, nous risquons un enfermement médiatique dans la problématique du coronavirus, avec une pointe d’angoisse et la tentation de ne plus voir au-delà du jardin ou du balcon !
Un peu d’air, donc, pour penser et vivre solidaires, pour envisager un avenir qui ne sera sans doute pas dans la facilité, mais qui peut être une occasion de refonder un pacte social. Que désirons-‐nous vivre ensemble ?
Réjouissons-nous de notre esprit citoyen.
Quand on fait appel à notre raison et à notre responsabilité, nous savons répondre « présent » ! Et au-‐delà de l’acceptation des règles, il y a l’engagement multiforme des personnes : des soignants qui quittent leurs proches pour un temps afin de porter leurs compétences là où la situation est tendue ; celles et ceux qui font les courses pour des personnes âgées, qui assurent des prises en charge parce que la famille ne peut venir… Nous voyons autrement les agents du quotidien dans les magasins d’alimentation, dans le ramassage des poubelles ou la distribution du courrier… Nous pouvons être fiers de cette capacité des uns et des autres à assurer leur part au service de la communauté, avec sérieux, créativité et parfois humour. Souhaitons que les médias continuent de s’intéresser aux invisibles, à tous ces héros du quotidien, et non seulement aux postures, voire aux frasques, des gens dits importants. Nous sommes capables de prendre soin les uns des autres et d’y mettre le zeste d’amour qui exhausse le goût de ces gestes tout simples. Arrêtons donc un peu de râler et de considérer nos concitoyens comme seulement de fieffés égoïstes, nous le sommes parfois, mais nous sommes surtout capables de générosités responsables.
Parlons de masques, non pour proposer un nouveau tutoriel.
Je ne sais si vous avez compris le sens de la communication officielle, je reste dubitatif. Mais les gens n’ont pas attendu des discours convenus pour comprendre qu’éviter de postillonner sur son prochain était déjà un signe de respect à son égard, mais aussi pour confectionner et partager des masques de toutes couleurs. Nous avons là des images contrastées de la fourniture des biens : faut-il attendre des avions cargo venant de Chine, avec un gros paquet de propagande en prime, ou se mettre à bricoler (au sens positif du terme) au service de la famille, des voisins, des collègues, des concitoyens ? Nous rejoignons là un thème politique : les « facilités » d’une mondialisation exacerbée sont trompeuses ; il nous faut réapprendre une part d’autonomie, avec des solidarités de proximité.
Masques (suite), mais à propos de l’impact sur nos relations sociales.
Ce n’est pas rien de ne plus pouvoir capter un sourire, une moue d’étonnement ou de demande d’explicitation, sans oublier la difficulté de lire sur les lèvres et d’entendre ce qui se dit à travers un tissu. À cela s’ajoutent les nécessaires « gestes barrière », la « distanciation sociale ». Mais il nous faut apprendre à redoubler d’attention, de délicatesse, puisqu’on ne peut rattraper une parole malheureuse par une bise ou une franche poignée de mains. La vigilance est bonne pour ne pas contaminer, mais elle ne doit pas se muer en défiance : mieux vaut la bienveillance (veiller à faire bien, à faire le bien).
Nous communiquons par mail et grâce aux réseaux sociaux ; mais nous savons que des expressions formulées sous le coup de l’émotion ou de la colère restent en mémoire et continuent de polluer nos relations. Demeurons donc vigilants et bienveillants, apprenons une communication moins agressive. Le coronavirus se transmet par les personnes ; nous risquons de voir l’autre comme une menace et de nous représenter nous-mêmes comme un danger, y compris pour nos proches. Il y a là un enjeu social dont on parle peu. Redoublons d’attention pour cultiver le goût de la rencontre, la joie de l’échange (y compris dans le débat contradictoire). Donnons vie à la belle utopie exposée sur nos édifices publics : fraternité !
Des raisons d’espérer.
* Dans l’entretien des représentants des cultes avec le Président de la République (21 avril), le pasteur François Clavairoly, président de la Fédération protestante de France a invité à penser « l’après ». Pour cela, il faut : + reconnaitre notre finitude, nos fragilités et nos limites, en faisant preuve d’humilité ; + comprendre notre humanité comme intrinsèquement relationnelle et partie intégrante d’un tout écologique interdépendant, dont la vulnérabilité est aussi la nôtre ; + porter haut les exigences de justice et d’une solidarité généreuse envers les réfugiés, les pauvres, les jeunes et tous les vulnérables, dans l’esprit de l’Évangile ; + soumettre au débat sociétal les questions de l’essentiel, des finalités de notre être-ensemble, de la vie bonne et du progrès, et redéfinir nos indicateurs clés ; + formuler un récit commun qui soit porteur de sens, d’envie et d’espérance.
*Le jour de Pâques, le pape François s’est adressé aux membres des mouvements et organisations populaires. Il s’agit de travailleurs précaires et de personnes vivant grâce à l’économie informelle qui sont touchés de plein fouet par les restrictions liées à la crise sanitaire. « Je sais que très souvent vous n’êtes pas reconnus comme il se doit, car dans ce système vous êtes véritablement invisibles. Les solutions prônées par le marché n’atteignent pas les périphéries, pas plus que la présence protectrice de l’État. Vous n’avez pas non plus les ressources nécessaires pour remplir sa fonction. Vous êtes considérés avec méfiance parce que vous dépassez la simple philanthropie à travers l’organisation communautaire, ou parce que vous revendiquez vos droits au lieu de vous résigner et d’attendre que tombent les miettes de ceux qui détiennent le pouvoir économique. Vous éprouvez souvent de la colère et de l’impuissance face aux inégalités qui persistent, même lorsqu’il n’y a plus d’excuses pour maintenir les privilèges. Toutefois, vous ne vous renfermez pas dans la plainte : vous retroussez vos manches et vous continuez à travailler pour vos familles, pour vos quartiers, pour le bien commun. Votre attitude m’aide, m’interroge et m’apprend beaucoup. » * Dans sa bénédiction sur le monde, le pape a demandé un réduction ou une remise des dettes des pays les plus pauvres. Heureusement, la France travaille sur un tel projet.
Le 9 mai, journée de l’Union européenne.
Europe : il ne s’agit pas d’abord d’amour ou de désamour, mais d’une approche raisonnée. Si nous voulons avoir une place dans le monde qui vient, face et avec des pays comme les USA, la Chine, l’Inde, le Brésil, si nous tenons à partager un authentique humanisme, il est nécessaire de renforcer la solidarité européenne et d’approfondir les politiques communes notamment en matière de santé. Dans son message de Pâques, le pape a adressé un appel : « Aujourd’hui, l’Union Européenne fait face au défi du moment dont dépendra, non seulement son avenir, mais celui du monde entier. Que ne soit pas perdue l’occasion de donner une nouvelle preuve de solidarité, même en recourant à des solutions innovatrices. »