Éthique sociale en Église n°24 septembre 2020
La situation ne favorise guère les déclarations péremptoires. Les spécialistes font preuve de prudence, d’humilité : il est difficile de prévoir. Alors, on arbitre en fonction de ce qui semble possible. Les enfants sont heureux de retrouver l’école, mais on leur apprend à faire attention…
On se remet au travail, c’est précieux pour tout le monde, mais on évite d’exposer les personnes…
Pour trouver la solution la mieux adaptée, ou la moins risquée, le dialogue et la recherche en commun valent mieux que l’édiction de normes générales qui montrent vite leur inadéquation et qui humilient les acteurs concernés. La concertation, qui associe les différents agents, peut se révéler plus humaine, mais aussi plus efficace. Oui, il faut bien s’intéresser aux détails des gestes quotidiens, mais il importe aussi d’aborder les questions de sens, de nous interroger sur ce qui vaut vraiment. Prenons le temps d’y réfléchir et d’en parler (voir en 5 la proposition d’un atelier).
2 – Politique (suite)
À l’échelle mondiale, la démocratie semble secouée par des vents mauvais. Chacun peut visualiser les figures de chefs d’État de grandes puissances (issus ou non des urnes) qui mettent à mal la vie démocratique. La démocratie est aussi à la peine en de nombreux pays, notamment en Afrique. Il s’agit pourtant d’un héritage précieux, tant pour la paix dans le monde que pour le respect de la dignité humaine En France, rares sont ceux qui la contestent ouvertement, même si le désintérêt pour les élections et une certaine brutalité dans les rapports sociaux constituent des signes inquiétants. Mais il ne suffit pas de clamer « démocratie ! » pour la faire vivre. Il vaut mieux cultiver les valeurs fondamentales auxquelles elle se trouve associée : respect de la dignité de chaque personne, notamment les plus fragiles ; volonté de vivre ensemble dans la solidarité, ce qui implique la justice sociale ; participation responsable des citoyens aux décisions qui les concernent, etc. L’éducation à la vie civique peut éviter de réduire l’espace public à une cour des pleurs dans laquelle chacun essaie de crier le plus fort. Elle invite à prendre part à la formulation de projets politiques, mais aussi à prendre soin les uns des autres, tant dans l’exercice des métiers que dans les engagements bénévoles.
3 – Violences
(ce qui est une manière de parler encore de politique) + Il y a les violences effectives dont des personnes sont les victimes, mais aussi un climat tendu qui affecte la confiance mutuelle et met en danger la vie commune. Or le politique a pour fonction de promouvoir la paix civile. On remarque la surexposition d’images de violence. Des médias font commerce de leur diffusion, flattant le goût morbide du public avec deux conséquences : la peur de l’autre, qui est vu d’abord comme une menace ; la propension à casser pour se faire entendre. Les réseaux sociaux amplifient le phénomène avec des images coupées de leur contexte et assorties de commentaires qui attisent les passions et la discrimination envers certaines catégories de la population.
Il nous revient de manifester notre esprit citoyen à l’égard de médias qui distillent des messages de peur et d’exclusion. Cela vaut aussi à l’égard de politiques qui espèrent tirer profit de surenchères sécuritaires, oubliant que la démocratie comprend le respect d’autrui, y compris de l’adversaire. Les débats, même vigoureux, sont nécessaires, mais les arguments de type populiste amplifient les déchirures de nos sociétés toujours fragiles. La vigilance est de mise, ainsi que la promotion du respect mutuel.
+ Sur le temps long, la violence dans notre société baisse en intensité. En 30 ans, le taux d’homicides en France est passé de 3 à 1,3 pour 100 000 personnes, mais avec une hausse l’année dernière. Il y a encore beaucoup à faire. On peut se réjouir des prises de conscience qui ont lieu à propos des violences dans le cadre familial, notamment à l’égard des femmes et des enfants. De même, un rapport sur le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie montre une diminution des préjugés racistes (cf. Lettre de Justice et Paix, septembre 2020), tout en notant une hausse d’actes et discours racistes en 2019. Vigilance, donc.
+ Le tout répressif montre ses limites, le passage par la case prison peut être un problème plus qu’une solution. Il vaut mieux miser sur l’éducation, sur les solidarités au quotidien, en cultivant le respect de la dignité humaine.
+ Quelques mots du Pr Roger Gil à propos de la crise sanitaire : « La rencontre avec le visage d’Autrui accompagne l’histoire de chaque être humain depuis les premiers instants de sa naissance. La mise en présence du visage d’autrui, et d’abord de celui de la mère est aux sources de l’altérité et, au-‐delà, atteste de l’appartenance à la même humanité que l’être humain reconnait non dans son propre visage qu’il ne voit pas mais dans le visage de l’Autre. C’est pour cela qu’Emmanuel Levinas écrivait que la signification du visage est d’emblée éthique. » (Billet éthique, 13 août 2020)
4 – Signes encourageants La polio est éradiquée en Afrique, il reste des foyers au Pakistan et en Afghanistan. On le voit, des actions coordonnées et soutenues portent des fruits ! Écologie : Du 1er septembre au 4 octobre (fête de St François) « Saison de la Création », une initiative œcuménique. * Bonne nouvelle : une délégation française conduite par le président de la Conférence des évêques est allée rencontrer le pape François le 3 septembre. Il y avait des personnages connus : Juliette Binoche, Audrey Pulvar, Gaël Giraud, mais aussi un architecte, un agriculteur… sans oublier Elena Lasida. Une grande diversité de profils, mais une volonté commune de valoriser les ressources spirituelles pour promouvoir les conversions écologiques, tant d’un point de vue personnel que collectif. * Écologie encore : des adultes, dont certains exercent des responsabilités importantes, sont provoqués à des prises de conscience par leurs propres enfants. Des repas familiaux au cours du confinement ont dû été animés ! Pour les jeunes, le danger écologique n’est pas un risque lointain et diffus : c’est leur propre vie qui est en cause. Il est erroné d’évoquer de manière vague « les générations à venir ». Ils sont bien là !
5 – Atelier au Centre théologique : Les leçons d’une pandémie (Animateur : A. Talbot) Un virus inconnu a affecté les populations du monde entier et continue de marquer nos modes de vie. Une réflexion en éthique sociale, ancrée dans l’héritage chrétien, aidera à évaluer les fragilités, mais aussi les capacités humaines révélées par cette crise. Quelles leçons en tirer pour notre vie en commun ? De 16h à 17h30, les lundis 28 septembre, 12 octobre, 2-‐16-‐30 novembre, 14 décembre.