Éthique sociale en Église n° 48 sept 2022
1 – Une bonne rentrée… sous le signe de la sobriété !
* Vive la sobriété !
La rentrée paraît d’abord étonnante. Un mot inhabituel est seriné sur tous les tons : la sobriété devient un slogan officiel, chacun est sommé de s’y soumettre. Il est vrai que les séquences de canicules estivales et les incendies redoutables nous mettent face aux effets du changement climatique ; mais, avec le retard pris dans la modification des modes de production et de consommation, il n’est pas sûr que le recours incantatoire à la sobriété soit suffisant. Dans le même temps, la guerre en Ukraine pèse sur l’approvisionnement et les cours de l’énergie, des céréales ; nous avions pu croire naïvement que le « doux commerce » allait engendrer automatiquement la paix et la coopération internationale ; c’était sans compter avec d’autres motivations qui génèrent des conflits. Ces deux signaux, les déséquilibres qui affectent notre planète et la guerre d’agression, relèvent d’une passion humaine dangereuse : l’esprit de domination. Dominer la nature, dominer les humains les plus fragiles, cela peut stimuler des plaisirs pervers tout en semant la mort.
* Il est temps de choisir !
Cette rentrée peut être heureuse si elle nous permet de faire le tri entre les passions qui nous animent, si elle nous aide à être plus clairvoyants en ce qui concerne nos images du bonheur. Le plaisir individuel et immédiat ne peut demeurer le seul critère d’évaluation s’il aboutit à détruire la terre et à obscurcir l’avenir des plus jeunes d’entre nous, s’il conduit à diffuser une violence destructrice. Souvenons-nous que l’emprise dominatrice a toujours un goût de mort.
* Développons notre esprit de responsabilité !
La sobriété se trouve mise au pinacle alors qu’il y a peu, en réponse à la moindre question concernant une nouveauté technologique, était renvoyée l’image des amish (une communauté par ailleurs bien pacifique), ou encore l’appétence pour le retour vers l’âge de pierre et l’éclairage à la bougie. Autant de manières d’humilier l’interlocuteur sans clarifier le débat. Il vaut mieux nous aider mutuellement à développer notre esprit de responsabilité. Mais la sobriété risque d’apparaître comme une punition collective. Ce serait pourtant oublier qu’il y a des gagnants dans les tensions sur les marchés des produits énergétiques et alimentaires. Il est un peu court de dire que ces profits liés à la conjoncture, voire à la spéculation, sont bénéfiques pour la France, alors que beaucoup de Français en souffrent. Il vaut mieux associer la justice sociale à la sobriété.
* Osons parler d’un bonheur partagé !
Il faut dire aussi que la sobriété n’est pas une vertu en raison du « moins » qu’elle induit. Elle peut favoriser un plus grand bonheur dans la mesure où elle nous libère de l’obsession du « toujours plus » qui nous soumet à une course éreintante pour posséder le plus d’objets possible et surtout le dernier gadget à la mode. Au bout du compte, la sobriété ouvre de belles perspectives si elle nous conduit à vivre le partage, à nous engager dans le bénévolat, à densifier nos solidarités.
Oui, cette rentrée peut être heureuse si elle nous provoque à une plus grande lucidité sur nos choix de vie personnels et collectifs, si elle nous ouvre à la joie de la rencontre en nous libérant de la peur, du repli frileux sur nos avantages individuels.
* Pape François, Laudato si’ § 223 : « La sobriété, qui est vécue avec liberté et de manière consciente, est libératrice. Ce n’est pas moins de vie, ce n’est pas une basse intensité de vie, mais tout le contraire. (…) Le bonheur requiert de savoir limiter certains besoins qui nous abrutissent, en nous rendant disponibles aux multiples possibilités qu’offre la vie. »
2 – Quels choix éditoriaux ?
* Durant le mois d’août, nous n’avons rien ignoré des aventures d’un béluga égaré dans la Seine, y compris de sa fin malheureuse. Deux remarques à propos de la fabrique des infos. Rares sont les médias qui ont échappé au récit de ces aventures, doit-on parler de mimétisme ? On a peu parlé du coût de ces opérations et des sources de financement.
* Dans le même temps, on a largement oublié les migrants qui ont perdu la vie en traversant la mer (plus de 3000 en 2021). Nous risquons toujours de faire peu de cas des membres les plus fragiles de notre commune humanité.
* Retenons un point positif : de nombreux reportages ont rendu compte de l’action d’associations humanitaires pour permettre à des enfants et à des familles de prendre quelques jours de vacances au cours de l’été. L’esprit de solidarité demeure bien vivant.
3 – La laïcité peut-elle servir la fraternité ?
Un prise de position qui peut nourrir des débats : Abdennour Bidar, Sciences humaines N° 351« Je définis la laïcité comme le principe d’une liberté inséparablement politique et spirituelle : politique parce que dans un État laïque, l’athée, l’agnostique, le croyant ont un droit égal à la liberté de penser et d’expression relatif à leur vision du sens de la vie ; et, par là même, cette liberté est spirituelle parce qu’elle s’exerce dans un domaine, celui du sens de la vie, qui est précisément celui du spirituel. (…) Et, pour moi, être un « spirituel laïque », c’est me sentir frère avec tout être humain, proche de lui parce qu’au fond, et même si nos réponses sont différentes, nous partageons cette interrogation sur le sens de la vie. »
En écho à l’évocation de la sobriété, nous pouvons noter que nos mentalités sont marquées par un matérialisme qui va parfois jusqu’à récuser l’ouverture spirituelle. Mais la spiritualité doit elle-même se confronter à l’éthique pour vérifier qu’elle sert bien un développement humain ; du spirituel déviant peut conduire à des catastrophes. Osons donc dialoguer sur nos raisons de vivre et nos images du bonheur !
4 – Des chiffres à préciser
Le dernier numéro de DIÈSE évoquait les pourcentages de Français ayant un lien avec l’immigration, comme immigrés eux-mêmes, enfants ou petits enfants d’immigrés. Christian Mellon, jésuite et fin analyste des questions de société, avec qui je suis en contact, m’a alerté : il disposait de chiffres moins élevés. La recherche continue pour établir des références suffisamment fiables !
5 – Un atelier du Centre théologique : Fonder la vie commune. Animé par André TALBOT
Dans un paysage politique incertain et tourmenté, tant au plan national qu’international, sur quelles références majeures pouvons-nous fonder notre vie commune ?
Attention !
La 1ère date est modifiée : Le lundi 26 septembre 2022, puis les mardis, 4 et 18 octobre, 8 et 22 novembre, 6 et 13 décembre. De 16h à 17h30, Maison Saint-Hilaire, 36 Bd Anatole France à Poitiers.
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