Éthique sociale en Église n°31 avril 2021
1 – Un peu de morale pour soutenir le moral ! Que le mot confinement soit prononcé ou non, c’est reparti pour un tour, avec des aménagements auxquels nous essayons de nous adapter au mieux, ou au moins mal. On ne dit peut-être pas assez que cette pandémie difficile à maîtriser nous conduit à mieux prendre conscience de notre responsabilité morale. Responsabilité tout d’abord à l’égard de soi-même puisque les effets d’une contamination peuvent être mortels ou laisser des traces durables. Nous nous étions habitués à une certaine insouciance : chacun concevait sa liberté comme une manière de suivre ses envies, y compris en des conduites à risque, et la collectivité était censée apporter les nécessaires compensations, bref une attitude quelque peu irresponsable. Or la pandémie provoque aussi chacun à être attentionné pour ne pas contaminer les autres, à commencer par les proches qu’il aime bien. Bref, la morale qui apparaissait comme une contrainte d’un autre âge reprend des couleurs. Il est question de vie et de mort, au point que la liberté se décline aujourd’hui dans les termes d’une responsabilité tout à fait concrète, à l’égard de soi-même et des autres.
Il est vrai que nous ne sommes plus au temps de la contestation tapageuse de toute forme de morale, même si certains réflexes de méfiance réapparaissent régulièrement. Depuis plusieurs décennies, en usant du terme éthique pour éviter des retours de flamme, le sens de la responsabilité personnelle a pu s’exprimer. Mais il est revenu d’abord sous les traits du « souci de soi », avec des quêtes de sagesse qui se réduisaient parfois à des listes de recettes pour être bien dans sa peau ! Heureusement, de nombreux parents, enseignants, soignants, bénévoles humanitaires montraient qu’on peut s’épanouir en servant concrètement la vie autour de soi. Le désir d’une vie bonne pour soi se conjugue alors avec la volonté positive de prendre soin d’autrui. Il vaut la peine d’aller plus profond pour oser parler de notre désir d’alliance avec les autres et mettre en lumière une image du bonheur qui ne se réduit pas à la possession et à la consommation de différents biens, mais qui se déploie en des pratiques de fraternité.
Il ne faudrait pas que la pandémie nous fasse oublier l’écologie, d’autant qu’il peut y avoir un lien entre le Covid et les atteintes à l’environnement. Nous ouvrons alors notre responsabilité à un bien commun qui déborde largement nos avantages individuels et immédiats ; nous portons le souci d’un avenir de la vie pour notre monde et notre humanité. Aujourd’hui, nous comprenons que nous sommes engagés pour faire face à des menaces dont les conséquences peuvent être éloignées dans le temps et l’espace, ce qui relève de la responsabilité de tous et de chacun. De plus, en ce temps de Pâques, il est bon de cultiver positivement le désir d’une vie plus harmonieuse avec la nature et l’ensemble des vivants, d’une solidarité fraternelle entre tous les humains. La responsabilité n’est donc pas une triste contrainte, elle peut prendre les couleurs d’une heureuse créativité. La situation nous provoque ! Répondons avec audace, avec courage !
2 – « Même lorsqu’elle est difficile, j’aime la vie. » (Pascal WINTZER) « Ainsi de la vie, ainsi de la mort lorsqu’elle survient, c’est bien de la même chose que nous aurons besoin, ces présences qui peuvent être aussi techniques, professionnelles, qui auront donné goût aux jours de notre existence. Même ces jours-là, ces heures-là, peuvent conserver du goût, à la mesure où j’aurais appris que c’est grâce aux autres que j’aime la vie. N’attendons pas, apprenons dès maintenant à nous manifester de l’attention, de la reconnaissance, de la gratitude. C’est ainsi que nous continuerons à aimer la vie, jusqu’au bout. » (La Croix, 29 mars 2021, disponible sur le site internet du diocèse de Poitiers)
3 – Des chiffres qui parlent de situations humaines
* En Birmanie (Myanmar), les morts sous les balles de militaires se comptent par centaines. Le monde en reste aux protestations verbales, ce qui est déjà un signal ; partant du principe que chaque pouvoir politique est maître chez lui, on ferme trop souvent les yeux sur les exactions commises au détriment des populations.
* En Irak, 2 800 femmes et filles Yézidis sont toujours portées disparues. Des formes d’esclavage dont les pouvoirs politiques ne semblent pas faire grand cas. Quand la dignité humaine est ainsi bafouée notre commune humanité se trouve trahie.
* Notre pays n’est pas toujours clair : environ 80 femmes françaises, qui avaient rejoint l’Etat islamique, et 200 enfants continuent d’être détenus dans les camps kurdes de Syrie. Quand, en raison de sondages d’opinion, on abandonne ainsi certains de nos concitoyens, c’est notre identité commune basée sur les droits humains qui se trouve mise à mal.
4 – Propositions pour un temps nouveau : Pascal DEMURGER, directeur général MAIF
Entre le libéralisme débridé des Etats-Unis et le « capitalisme d’État » chinois, un autre modèle peut exister. L’Europe a sans doute une carte à jouer en mettant en avant :
Le sens. Les salariés recherchent dans le travail autre chose qu’une relation transactionnelle classique (force de travail contre rémunération), ils veulent s’inscrire dans un « récit » qui fait sens en évoluant dans une entreprise qui apporte sa contribution au monde qui l’entoure.
La confiance. Au lieu de les enfermer dans un cadre étroit, l’entreprise doit faire des collaborateurs non pas des « exécutants », mais des acteurs actifs capables de participer à la résolution des problèmes.
La bienveillance et l’attention. La culture d’entreprise doit davantage privilégier l’attention à l’autre que la compétition, avec des politiques sociales qui traduisent cette volonté. Par exemple, des salariés plus à l’écoute des clients reflète ce qu’est l’entreprise en interne.
5 – Nouvelle menace : les armes hyperfréquences. Il s’agit d’un brouillage par micro-ondes. En détruisant les composants électroniques, cette technologie permet de neutraliser tous les systèmes électroniques ciblés : réseau électrique, matériel informatique, systèmes de communication, véhicules motorisés. Une telle attaque, même si elle ne provoque pas directement des décès, aurait des conséquences redoutables en affectant les communications des forces armées, les démarreurs des véhicules, la fourniture d’électricité, les réseaux informatiques des banques, des hôpitaux, de l’administration. Les USA et la Russie multiplient les recherches en ce domaine. Une telle menace relativise le rôle de la dissuasion nucléaire dans la mesure où les vecteurs des armes pourraient être neutralisés.
On voit ainsi que la course aux armements multiplie les risques pour les populations. Plutôt que jouer sur la peur, il vaudrait mieux miser sur la confiance, ce qui suppose de prendre des initiatives pour des négociations sérieuses en vue du désarmement.
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