Les générations à venir
Beaucoup, dans les milieux écologistes – mais pas seulement – répètent volontiers que, sur les questions d’environnement, la prise de conscience des catholiques a été tardive.
C’est sans doute vrai pour la masse des fidèles, mais c’est faux en ce qui concerne le magistère.
C’est en effet en 1970, soit deux ans avant 1972 – date à laquelle la question émerge dans le débat public, avec le rapport du Club de Rome sur les limites de la croissance -, que Paul VI déclare devant la FAO : « La détérioration progressive de ce qu’il est convenu d’appeler l’environnement risque, sous l’effet des retombées de la civilisation industrielle, de conduire à une véritable catastrophe écologique. Déjà nous voyons se vicier l’air que nous respirons, se dégrader l’eau que nous buvons, se polluer les rivières, les lacs, voire les océans, jusqu’à faire craindre une véritable ‘mort biologique’ dans un avenir rapproché, si des mesures énergiques ne sont sans retard courageusement adoptées et sévèrement mises en œuvre» (La documentation catholique, n° 1575, pp 1051-1056).
Il récidive l’année suivante : « Brusquement l’homme en prend conscience : par une exploitation inconsidérée de la nature, il risque de la détruire et d’être à son tour la victime de cette dégradation. Non seulement l’environnement matériel devient une menace permanente – pollutions et déchets, nouvelles maladies, pouvoir destructeur absolu – mais c’est le cadre humain que l’homme ne maîtrise plus, créant ainsi pour demain un environnement qui pourra lui être intolérable. Problème social d’envergure qui regarde la famille humaine tout entière. C’est vers ces perceptions neuves que le chrétien doit se tourner pour prendre en responsabilité, avec les autres hommes, un destin désormais commun (Octogesima adveniens, n. 21).
On voit que la « doctrine sociale de l’Eglise » est parfois en avance sur ce que pensent les catholiques, et parfois les bouscule même un peu. Ce fut le cas avec Rerum Novarum (1891), qui suscita bien des réticences chez les patrons catholiques ; c’est le cas aujourd’hui sur des questions comme la peine de mort aux Etats-Unis ou l’accueil de l’étranger dans notre pays.
Autre encyclique à rappeler : Populorum progressio (1967). Certes, ce texte n’aborde pas la question écologique, mais il familiarise les catholiques avec l’idée – devenue aujourd’hui essentielle pour l’avenir de notre planète – que le vrai développement ne s’identifie pas à la croissance du PIB par habitant. Il comprend aussi (au § 17) une phrase qui annonce un thème qui devient aujourd’hui central dans l’argumentaire éthique, le devoir de laisser à nos descendants une planète vivable : « Héritiers des générations passées et bénéficiaires du travail de nos contemporains, nous avons des obligations envers tous et nous ne pouvons nous désintéresser de ceux qui viendront agrandir après nous le cercle de la famille humaine ».
Repris par Jean-Paul II (voir le n° 367 du Compendium), ce thème est développé par Benoît XVI, qui introduit le concept de « solidarité intergénérationnelle », puis souligne que l’adjectif « universel », dans l’énoncé du principe traditionnel de la « destination universelle des biens » ne couvre pas seulement l’espace, mais le temps : « L’environnement naturel a été donné à tous par Dieu et son usage représente pour nous une responsabilité à l’égard des pauvres, des générations à venir et de l’humanité tout entière » (Caritas in veritate 48).