Le climat, quels enjeux pour les religions ?

Un colloque « Le climat : quels enjeux pour les religions ? » s’est tenu le  21 mai 2015 au Sénat à l’initiative de la Conférence des responsables de culte en France (CRCF)[1] et de la Commission du développement durable du Sénat.

En vue de la COP21, les différents responsables de culte se sont rencontrés pour découvrir comment leurs diverses traditions religieuses pensaient les enjeux liés aux changements climatiques et comment mobiliser leurs fidèles et proposer une « collaboration fraternelle ».

Nicolas Hulot, Envoyé spécial du Président de la République pour la protection de la planète a introduit la table ronde du matin : « La planète peut se passer d’humanité, l’humanité ne peut se passer de la planète. Si la dimension éthique ne dépasse pas la simple expertise, l’effort ne sera pas suffisant. » Il a  souligné le rôle des religions : « Vous avez des voix qui portent au dessus des bruits de fond de nos sociétés. Sans effrayer ni culpabiliser mais en responsabilisant vos fidèles, vous pouvez poser la pierre angulaire de l’engagement sur la justice sociale et le respect de la dignité. » Il a lancé un appel à la solidarité : « L’ultime injustice est que le réchauffement climatique touche les personnes déjà en situation de vulnérabilité. Elles n’ont pas eu les bénéfices des effets du développement mais en ont ses conséquences négatives. C’est le lit de toutes les radicalisations. Saisir le défi climatique c’est pacifier le monde. »

Bouddhistes, protestants, orthodoxes, catholiques, musulmans et juifs ont alors croisé leurs regards. Voici quelques extraits de leurs interventions : « Le Bouddha souligne l’interdépendance et l’impermanence des éléments. Il porte un message d’espoir et d’optimisme pour tendre vers l’apaisement, le respect et l’harmonie », Olivier Reigen Wang-Genh, pour l’Union bouddhiste. « Notre attitude à l’égard de la nature est dans l’erreur. Or la nature est le médiateur de nos relations entre hommes », Georges Prévélakis, pour l’Eglise orthodoxe.

« La création est le premier acte d’amour de Dieu, nous y répondons en la détruisant. L’heure est au changement vers davantage de modération et de sobriété », Martin Kopp, Chargé du plaidoyer pour la justice climatique à la Fédération luthérienne mondiale. « Retrouvons une relation au monde faite d’émerveillement. Nous sommes invités pour cela au courage et à la lucidité. », Christine Lang pour l’Eglise catholique et Pax Christi France. « La vie est un don de Dieu, sa préservation est un devoir sacré », Tarik Bengara, théologien musulman. Et le rabbin Michaël Azoulay : « Il faut être digne de la terre qui nous a été confiée en ne gaspillant ni ne gâchant. »

Tous ont reconnu la brillante intelligence de l’homme parfois capable d’inconséquence et de comportement nuisant.

La table ronde de l’après midi a rassemblé des acteurs de la société civile et du monde religieux.

Sur l’aspect vertueux de la collaboration, Elena Lasida de Justice et Paix a affirmé : « Le climat convoque à une alliance nouvelle entre Églises et sociétés civiles vers un meilleur possible », rejointe par Juliette Rousseau de la Coalition Climat, collectif d’ONG. Guy Aurenche, président du CCFD a insisté sur l’importance de rendre acteurs du nouveau développement et des alternatives aux dérèglements climatiques les partenaires du Sud.  « Il y a un lien direct entre dignité, droit à l’alimentation et dérèglement climatiqueSoyons donc solidaire d’un avenir commun.»

Annouar Kbibech, prochain président du Conseil français du culte musulman a souri en faisant allusion à la couleur verte de l’islam tout en reconnaissant : «On est en retard ; on a la circonstance atténuante d’être les derniers. Mais on a le projet de mosquées vertes fournies à l’énergie renouvelable et avec un système de réduction de la consommation d’eau pour les ablutions. » Il a placé l’adoration de la nature et son respect au même degré d’importance que le jeûne et la prière.

Le Grand Rabbin de France Haïm Gorsia a souligné la responsabilité de l’homme par rapport à la nature à la lumière d’un verset de la Bible : « Si tu es en train de planter un arbre et qu’on t’annonce la venue du Messie, le Messie attendra », rejoint par Tarik Bengazai au nom de l’Islam : « Si vous avez une datte dans la main à l’heure où sonne la fin du monde et que vous pouvez la planter, plantez là, vous en serez récompensé comme pour tout acte de charité.» Une légende assure même que Luther aurait dit : « Si l’on m’apprenait que la fin du monde est pour demain, je veux quand même planter aujourd’hui mon pommier. » Chrétiens, musulmans et juifs se rejoignent ainsi sur la vertu de semer des graines d’avenir. Tous ont alors avancé l’idée de s’interroger avant de poser un acte sur sa « climat compatibilité », autrement dit sur le respect du patrimoine commun qu’est la création.

La présentation du monastère orthodoxe de Solan dans le Sud de la France a enfin permis de donner un exemple concret de sauvegarde de la création au quotidien et Radia Bakkouch, de l’Association Coexister a mis en lumière des initiatives interreligieuses en faveur du climat. La CRCF a annoncé qu’elle rencontrera le président de la République le 1er juillet 2015 pour lui faire part de la mobilisation des religions pour le climat.

 

[1] Depuis 2010 les responsables de culte s’y concertent régulièrement pour favoriser le discernement interreligieux : bouddhisme, catholicisme, islam, judaïsme, orthodoxie, protestantisme.