Revisiter l’Institution à partir de la Fragilité

Le groupe « Développement » de Justice et Paix travaille depuis plusieurs années sur le développement durable. Il vient de  choisir l’institution en tant que thématique de réflexion.

Le lien entre développement durable et institution peut sembler étrange. Pourtant, du moment que le développement durable est conçu comme une autre manière de penser le vivre-ensemble et pas  seulement comme une question touchant à l’environnement naturel, la question de  l’institution devient centrale. De fait, la crise écologique interroge le fondement même de la vie en société. Il ne s’agit pas seulement d’un problème de gestion des ressources naturelles, mais plus profondément d’une question concernant le socle sur lequel s’est construite notre vie commune, autant au niveau local que planétaire. Si les ressources naturelles se dégradent et se font aujourd’hui de plus en plus rares, ceci ne relève pas uniquement d’un problème technique, mais surtout d’un problème sociétal, qui interroge autant le sens de la vie ensemble que la manière de l’organiser. Et l’institution joue un rôle essentiel à ce niveau, car toute la vie collective est organisée autour des institutions.

Or, toutes les grandes institutions autour desquelles se sont construites les sociétés contemporaines sont aujourd’hui en profonde mutation : la famille, l’école, l’Etat, l’Europe, les institutions internationales. Ces mutations sont une opportunité pour penser d’une manière radicalement nouvelle l’institution, ou plutôt le processus d’institutionnalisation. Et au cours de la réflexion, une clé est apparue pour développer une approche nouvelle sur l’institution : la fragilité. Habituellement considérée comme un problème à résoudre ou un manque à combler, la fragilité peut être perçue, au contraire, comme ce qui, dans un processus d’institutionnalisation introduit de la plasticité, du mouvement et de l’interdépendance. A travers une approche positive de la fragilité, se dégage ainsi une autre manière de penser l’institution.

Une  première synthèse du résultat de cette réflexion collective a été publiée dans le numéro de décembre 2014 de la Revue Etudes. Il s’agit de l’ouverture d’un chantier à creuser plutôt que des conclusions d’une réflexion achevée. Mais cette ouverture permet d’ores et déjà de commencer à ébaucher une nouvelle représentation de l’institution. La fragilité conduit ainsi à penser l’institution sous le mode de la fécondité plutôt que de la force, sous le mode du rapport à l’altérité plutôt que sous celui du contrôle, et dans une logique d’habilitation (empowerment) plutôt que de domination. L’institution peut ainsi devenir un lieu d’engendrement plutôt que d’imposition, un lieu qui fait place à la diversité plutôt qu’à la seule uniformité, un lieu qui permet à chacun de déployer sa propre créativité plutôt que d’exiger que tous fassent pareil.

La crise écologique a introduit de la fragilité dans notre conception de l’humain et du vivre-ensemble, nous faisant faire une expérience radicale de finitude. Mais cette fragilité est peut-être une opportunité pour repenser l’institution en termes de fécondité plutôt que de puissance.

A nous de la saisir !