Bombe climatique et humaine

Il semble difficile pour le commun des mortels de prendre conscience de l’urgence de la transition énergétique. Oui, il faut consommer moins d’énergie et il faut abandonner sans tarder l’énergie fossile, en particulier celle du pétrole.

Or TotalEnergies poursuit son développement dans ce domaine, au-delà des importantes réserves qu’il contrôle déjà, comme si l’avenir devait ressembler au passé. Il se prépare à mettre en production des champs découverts dans l’ouest de l’Ouganda, au cœur du parc national des Murchison Falls au bord du lac Albert, lac frontalier avec une région instable de la République Démocratique du Congo. Comme cet important champ pétrolier est très éloigné des côtes, il est prévu de construire un pipeline (appelé EACOP) de 1440 kms de long pour amener le brut jusqu’à un port pétrolier à construire à Tanga sur l’océan indien dans le nord de la Tanzanie. Ce pipeline devra être chauffé et le pétrole pulsé.

Prouesse technique sans doute, mais catastrophe humaine et désastre écologique. On fait comme si seul le pétrole comptait. Certes il est prévu de compenser financièrement les familles et les communautés concernées, mais cela ne pourra jamais être à la hauteur des bouleversements radicaux que ce projet leur impose : expulsion de leurs terres, destruction de leurs villages, sans réinstallation. Quant à l’environnement naturel, il est largement oublié. Et pourtant, ce projet sera à l’origine de l’émission de plus de 34,3 millions de tonnes de carbone dans l’atmosphère chaque année. Comme dans le delta du Niger, les populations chercheront à se procurer du pétrole en perçant les tuyaux, générant de graves pollutions et des risques d’explosion meurtriers.

Les gouvernements ougandais et tanzanien sont favorables à ce projet qui sera source de revenus et renforcera leur pouvoir. Les populations et leurs organisations sont empêchées de présenter leurs inquiétudes et leurs réserves, sinon leur opposition. Car toute opposition fait l’objet de maltraitance, voire d’emprisonnement. Et les voix qui s’élèvent localement contre le projet se font rares.

TotalEnergies doit abandonner ce projet. Le Saint-Siège a clairement exprimé son opposition à plusieurs reprises, donnant clarté et force à la voix du pape François sur cette question. Soutenons cette position, pour le bien des ougandais et des tanzaniens et pour l’avenir de l’humanité toute entière.