A qui profite l’uranium au Niger ?

L’uranium a été découvert au Niger en 1957 par le Bureau de Recherches Géologiques et Minières.

Aujourd’hui, deux gisements sont exploités par des filiales d’AREVA : la mine d’Arlit, située à proximité de la ville du même nom et exploitée par la Somaïr, et la mine d’Akouta, située dans la commune d’Akokan au sud d’Arlit, gérée par la Cominak.  La Somaïr et la Cominak sont deux sociétés de droit nigérien créées respectivement en 1968 et 1974.

La Somaïr appartient pour  63,6% à AREVA et 36,4% à la SOPAMIN, agence qui assure la gestion des parts de l’Etat du Niger, tandis que la Cominak est partagée entre AREVA (34%), la SOPAMIN (31%), la société japonaise Overseas Uranium Resources Development – OURD (25%) et la société espagnole ENUSA (10%).

Les minerais sont traités sur place, puis le « yellow » cake est exporté via le port de Cotonou, au Bénin, principalement vers les usines de la Comhunex en France où il est enrichi.

Les conventions minières nigériennes qui fixent leur cadre juridique et fiscal depuis dix ans arrivent à échéance le 31 décembre 2013.

Les contrats sont donc actuellement en renégociation. Cela représente une occasion historique pour le Niger d’obtenir de meilleures conditions pour l’exploitation de ses ressources, notamment de plus grandes retombées financières, essentielles pour la mise en œuvre du plan de développement économique et social du pays.

Le Niger est l’un des Etats les plus pauvres du monde. Ayant  près de 60% de sa population qui vit  avec moins de 1$ par jour, il se place au dernier rang du classement de l’indice de développement humain des Nations unies. Son budget annuel s’élève à 2 milliards d’euros.

Il est le 4ème producteur mondial d’uranium, le 2ème fournisseur d’AREVA après le Kazakhstan, et donc un partenaire stratégique de la France à qui il fournit plus de 30% de l’approvisionnement de ses centrales nucléaires.

Entre cet Etat et le leader mondial de l’énergie nucléaire, au chiffre d’affaires qui dépassait les 9 milliards d’euros en 2012, la France a un rôle essentiel à jouer. Le gouvernement français doit exiger que les négociations entre AREVA et le Niger se fassent dans la plus grande transparence, sans pression politique, afin d’assurer des revenus équitables pour le Niger, à la hauteur de l’importance stratégique que revêt cette ressource pour la France. Le gouvernement français  ne doit exercer aucune pression sur le gouvernement du Niger pour obtenir des dérogations à la loi minière de 2006, des exemptions fiscales, ou toute dérogation à la législation nigérienne en faveur d’AREVA, qui réduiraient les retombées financières pour le Niger.

Actuellement, alors qu’il est le principal produit d’exportation du pays, l’uranium ne contribue qu’à hauteur de 4% à 6% de son budget. Faire augmenter cette participation est un enjeu majeur, car le Niger  reste dépendant de l’aide au développement qui représente 40% de son budget.

Le Niger a besoin de revenus supplémentaires  pour répondre à des crises alimentaires récurrentes, assurer la survie d’un système d’accès gratuit aux soins, investir dans l’éducation, l’agriculture et faire face à une situation sécuritaire dégradée. A la  suite de  la guerre au Mali, des ressources budgétisées pour certains secteurs sociaux ont été allouées à la défense, notamment à l’envoi d’un contingent sur place.

L’uranium est l’une des sources possibles d’augmentation des revenus. Selon le représentant du FMI au Niger, il y a des possibilités d’amélioration du partenariat avec AREVA à l’occasion de ces renégociations sur le prix et la fiscalité de l’uranium.

Aujourd’hui, la pression pour augmenter les revenus et la transparence des industries extractives est mondiale.

Au Niger, la Constitution exige désormais la publication des contrats avec le secteur des industries extractives.

L’Union européenne vient d’adopter des Directives pour la mise en place d’un « reporting », pays par pays, dans les industries extractives, qui devrait permettre d’identifier les flux de revenus et de garantir ainsi de meilleures retombées financières pour les Etats miniers et pétroliers.

En France, la transparence et la mobilisation des revenus liés à l’exploitation des ressources naturelles constituent une priorité de la politique de développement. Le gouvernement s’est engagé dans  la mise en œuvre de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives[2] et soutient les initiatives de la Banque Africaine de Développement et de la Banque mondiale pour aider les Etats africains à mieux négocier leurs contrats dans le secteur extractif.

Et pourtant, la première entreprise minière française, dont l’Etat est actionnaire à plus de 80%, résiste aux tentatives de rééquilibrer son contrat avec le gouvernement nigérien.

 

[1] http://www.oxfamfrance.org/

[2] La norme ITIE est une norme internationale de transparence qui garantit la publication des revenus des gouvernements issus de ressources naturelles. Un pays qui met en œuvre la norme ITIE garantira une plus grande transparence dans les paiements versés à l’État qui proviennent des entreprises pétrolières, gazières et minières. Des gouvernements, des entreprises extractives et la société civile y collaborent depuis 2003. http://eiti.org/fr