Désendettement et développement

Après vingt ans de mise en œuvre, la Plateforme Française Dette et Développement (PFDD) est confortée dans son analyse initiale : les contrats de désendettement et de développement (C2D) n’étaient pas – et ne sont toujours pas – une réponse à la hauteur de la crise de la dette et des besoins de financements des pays en développement. Ils le sont d’autant moins que de nombreux pays bénéficiaires sont aujourd’hui plus endettés qu’ils ne l’étaient au début des années 2000, et parfois dans une situation critique de surendettement.

Position de la plateforme française dette et développement sur les C2D :

  • Le mécanisme n’est pas une véritable annulation, puisque le lien juridique et financier entre débiteur et créancier n’est pas rompu et que le refinancement par dons peut s’interrompre à tout moment. Cette particularité a peu de conséquence si le pays bénéficiaire est en capacité de rembourser ses échéances avec régularité.
  • En écartant l’annulation « sèche » de tout ou partie de ses créances d’APD, la France a refusé de reconnaître sa coresponsabilité dans la façon dont la dette de ces pays s’est accumulée. Pour certains d’entre eux, l’histoire de la politique de prêt et du clientélisme de la coopération française en Afrique devrait pourtant conduire à interroger la légitimité de certaines créances.
  • L’adossement des C2D au calendrier et aux conditionnalités de l’Initiative PPTE a entraîné de multiples reports dans la signature des premiers contrats mais la France a toujours refusé de se démarquer des conditionnalités macro-économiques (programmes d’ajustement structurel) imposées par les institutions financières internationales. Il aura donc fallu attendre 13 ans pour que l’ensemble des pays éligibles atteignent leur « point d’achèvement » et bénéficient des refinancements promis. Des pays dont la dette était considérée comme « insoutenable » ont donc continué à rembourser leurs échéances, y compris pour des créances contractées au titre de l’aide publique dont Paris avait annoncé l’annulation.
  • Ces retards s’accompagnent d’une grande opacité dans la nature des échéances refinancées. Fin 1999, le gouvernement annonçait que 3,7 milliards d’euros de créances (en valeur nominale) étaient concernés. Finalement, à terme, près de 5,4 milliards devraient être remboursés puis refinancés. Ces montants ont ainsi été artificiellement gonflés par le paiement des intérêts et par l’intégration des arriérés accumulés par certains pays éligibles dans l’attente de leur point d’achèvement.
  • Les C2D apportent des ressources supplémentaires importantes aux bénéficiaires mais ils se sont, en partie et dans des proportions variables selon les pays, substitués à d’autres flux d’aide publique française au développement. Les engagements initiaux d’une totale additionnalité des refinancements par dons n’ont pas été pleinement respectés.
  • Pour les C2D les plus importants, l’aide projet a été systématiquement privilégiée par rapport à l’aide budgétaire sectorielle, avec des dispositifs spécifiques contraires aux principes d’appropriation, d’alignement et d’harmonisation de l’aide.
  • Pour les C2D aux montants les plus importants, le dispositif est un outil d’influence assumé par les pouvoirs publics français, parfois mobilisé en soutien aux intérêts économiques hexagonaux.
  • Les C2D sont officiellement alignés sur les priorités nationales du bénéficiaire. Mais la négociation des contrats s’est faite sans débat, lors de négociations diplomatiques confidentielles. Les parlements et les sociétés civiles des pays concernés ont été écartés des discussions.
  • Les financements des C2D ont été principalement « fléchés » sur des programmes de lutte contre la pauvreté. Pour autant, les choix d’affectation résultent aussi de compromis diplomatiques, d’une priorité donnée aux décaissements rapides ou d’une recherche de visibilité, en résumant trop souvent la « bonne utilisation » des fonds à la seule « sécurisation » du circuit des dépenses. L’absence de débat sur les priorités et les orientations des C2D n’a pas permis que les modèles de développement sous-tendus par les programmes financés soient discutés.
  • Au Cameroun et en Côte d’Ivoire, des projets de suivi indépendant ont pu être mis en place, sur financement C2D, par des plateformes nationales d’organisations de la société civile. Ces dispositifs, qui apportent une réponse à l’exigence de redevabilité sur l’utilisation des fonds publics, sont aussi des leviers de participation et de mobilisation citoyenne sur les C2D et plus largement de contrôle citoyen des politiques publiques. Ils contribuent au renforcement et à la structuration de la société civile comme à la création d’espaces de dialogue avec les pouvoirs publics. Ce sont des volets indispensables de l’association des sociétés civiles aux C2D qui n’ont pu être étendus à l’ensemble des pays concernés.
  • La présence de représentant·e·s d’organisations de la société civile – désignés par leurs pairs – dans les instances de gouvernance du dispositif, quand elle a été acceptée, constitue également une réelle avancée. Pour autant, les engagements de « pleine association des sociétés civiles » à la mise en œuvre des C2D n’ont pas été tenus. Les organisations mobilisées ont souvent été cantonnées dans un rôle de simples garants de l’utilisation des fonds. Surtout, à défaut d’une réelle volonté politique et d’une vision stratégique sur le rôle de la société civile commune à l’ensemble des C2D, les conditions n’ont jamais été réunies pour qu’elles puissent peser sur les choix et les orientations des programmes financés.

Voir le texte complet du rapport Bilan d’un mécanisme français de conversion de dette de la PFDD