Une édition commentée de Fratelli tutti

Très prochainement sortira aux éditions Lessius une édition commentée de l’encyclique Fratelli tutti, préparée par le Ceras (Centre de recherche et d’action sociales) et le Service National Famille et Société de la CEF. L’invitation du pape François à la fraternité et l’amitié sociale est stimulante pour relever les défis d’un monde secoué de multiples crises. Nul doute qu’il sera fructueux de s’y plonger (ou replonger) pendant l’année électorale qui vient et au-delà. Mais pour un document aussi long et riche il est bien utile d’avoir quelques aides de lecture. Introductions pour chaque chapitre, commentaires au fil du texte et questions pour la discussion sont proposés par des théologiens et experts (dont Dominique Coatanéa et Cécile Dubernet de la commission Justice et Paix France). L’édition est aussi complétée par un glossaire et quelques échos et réflexions sur l’encyclique venant de France, de Rome et d’autres continents. Quelques extraits choisis pour mettre en appétit !

Mgr Bruno-Marie Duffé (Dicastère pour le service du développement humain intégral) souligne que « Les deux encycliques [Fratelli tutti et Laudato si’] sont comme les deux chapitres d’un même testament spirituel ou les deux poumons d’une même respiration morale : la terre et le frère, la Création et la communauté. Il s’agit de savoir comment penser et vivre un soin et un regard qui rendent possible la réconciliation, avec la Création et avec les frères. »

Rafaël Luciani (théologien laïc vénézuélien) explique des notions à partir du contexte sud-américain cher au pape François. « La politique est pour François un chemin de réponse à la question : comment nous construisons-nous en un peuple ? Le peuple n’est pas un individu, c’est une identité et un projet communs, une manière de mettre ensemble les besoins et d’en faire une force de combat pour une vie ensemble meilleure. Ces mots ensemble, ou liens, sont pour François les mots qui définissent ce qu’il appelle culture. En Amérique Latine, la culture est entendue comme la manière de vivre. Ce n’est pas la culture au sens de l’éducation, de celui qui est cultivé. Mais c’est un style de vie propre à chaque groupe dans un contexte et un temps spécifiques, c’est le mode de vie particulier d’un peuple. Généralement, dans un pays, plusieurs cultures coexistent, plusieurs peuples et manières de vivre interagissent. La manière dont, à la fois, on défend l’identité de chaque culture et, en même temps, on leur permet de vivre ensemble est la clé de la politique aujourd’hui, gardant toujours à l’esprit que nous vivons dans un monde globalisé et interculturel, bien que socialement fragmenté. »

Depuis l’Afrique, Christiane Baka (professeur de philosophie à l’Université Catholique de l’Afrique de l’Ouest, à Abidjan) s’interroge : « Qu’est-ce qui relève de l’ouvert dans la pratique africaine de la fraternité, tel un lieu évangélique à promouvoir et au contraire qu’est-ce qui reste à purifier ? Quelles réalités de cette fraternité attendent toujours la lumière du Christ ? Quelle serait la contribution de l’Église à la résolution de la crise multisectorielle qui sévit en Afrique, fragilise le lien social et met à mal le vivre-ensemble harmonieux ? ». Considérant le cas particulier de la Côte d’Ivoire, la théologienne vient interroger à partir de Fratelli tutti, la notion d’Église-Famille mise en avant par le synode continental de 1995. « Le pays peine à trouver des acteurs capables de le conduire à une paix durable. Celle-ci, comme le souligne Fratelli tutti, ne pouvant s’obtenir sans le pardon ni la réconciliation (FT 237-241). Dans ce contexte, l’Église-Famille de Dieu en Afrique ne se contentera pas de prêcher le pardon. Elle sera elle-même ferment d’unité, pièce maîtresse de la réconciliation entre les peuples. Sa vocation à faire régner la miséricorde divine dans le monde la rendra attentive aux situations de rejet de l’autre à l’intérieur d’elle-même comme dans la société. »

Le Réseau Saint Laurent se fait lui, l’écho de paroles venant de groupes cherchant à vivre un chemin de fraternité et de foi avec et à partir des plus pauvres. « Quand le pape François ouvre son encyclique en disant que le frère d’Assise «invite à un amour qui surmonte les barrières», alors oui nous nous sentons rejoints dans notre désir : vivre la fraternité à partir du plus petit et jusqu’au plus abandonné. Ce qui est un défi, car la misère défigure et n’engendre pas toujours le sens du frère…, et il nous faut sans cesse reconnaître que «nous sommes analphabètes» dans l’écoute du plus faible (FT 64). Mais sans lui, la fraternité universelle ne pourrait être réalisée. »