Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.
Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.
Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.
Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.
On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.
Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.
Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024 (PDF)
Du 22 au 25 mai 2014, les électeurs des 28 pays de l’Union européenne désigneront les 751 députés, dont 74 venant de France, qui siègeront au Parlement pour représenter plus de 500 millions d’habitants.
Pour la première fois dans l’histoire déjà longue de l’UE, ces élections auront un impact sur la désignation du président de la Commission européenne ; en effet, le Traité de Lisbonne a prévu que le Président sera élu par le Parlement, sur proposition du Conseil européen (Chefs d’État et de gouvernement), en tenant compte du résultat des élections.
En France, le mode de scrutin retenu pour cette élection (proportionnelle à un tour dans le cadre de grandes régions prévues à cet effet) a l’inconvénient de faire la part belle à des tractations au sein des partis politiques. Ce ne sont pas toujours les plus assidus et les plus intéressés par un travail parlementaire relativement austère qui se trouvent placés en tête des listes partisanes. Par contre, ce type de désignation limite le risque de penser que l’on envoie un représentant chargé avant tout de défendre des intérêts locaux ou même nationaux. Il s’agit en fait d’élire des députés qui ont en charge le bien commun de l’ensemble de l’UE.
Un tel vote commun manifeste l’existence d’une citoyenneté européenne. Les décisions du Parlement européen ont un impact sur notre vie quotidienne dans la mesure où les législations nationales doivent en tenir compte. Notre vote contribuera à la désignation du Président de la Commission. Il dépend également de l’engagement des citoyens européens que la voix de l’UE puisse se faire mieux entendre en notre monde.
Or, les commentaires sur ces élections prennent souvent un ton défaitiste. Avec le jeu pervers des prédictions auto-réalisatrices, qui par un travail de sape induisent ce qu’elles annoncent, l’Europe communautaire risque d’obturer son avenir. Il y a bien une responsabilité des médias : nous sommes très mal informés sur les dossiers importants traités au Parlement européen.
Plus profondément, nous risquons d’oublier les drames du siècle dernier : malgré ses lenteurs et ses défauts, l’Union européenne garantit la paix et organise la participation à une citoyenneté commune entre des peuples qui s’entretuaient. Peut-être aussi trouvons-nous un plaisir naïf à nous bercer d’illusions et à rêver des gloires d’antan, oubliant que les « puissances » du siècle dernier pansaient les plaies d’une guerre en préparant la suivante.
Soyons réalistes et utopistes. ! Que pèse réellement, s’il est seul, un pays comme la France face aux pays émergents ? Par contre, si nous savons développer une citoyenneté européenne, la culture commune qui s’élabore aura une influence dans le monde, le modèle politique et social qui se construit portera des fruits. En ce monde ouvert, nous avons une responsabilité historique : manifester que l’union et la coopération peuvent être plus fortes que les haines mortifères.
L’engagement citoyen pour la réussite de l’élection européenne peut encore contredire les noires prédictions d’un pessimisme qui se prétend éclairé.
Madagascar n’a plus fait la une de la presse ces dernières années. Tout juste a-t-on mentionné l’élection de son nouveau président, investi le 25 janvier, en particulier à cause de son nom de famille de dix-neuf lettres et huit syllabes.
La grande île de l’Océan indien a pourtant traversé depuis 2009 une crise peu sanglante, mais néanmoins meurtrière. Dans un contexte d’extrême fragilité – plus des quatre cinquièmes de la population vit sous le seuil de pauvreté – la brutale régression économique ayant fait suite au renversement du président Marc Ravalomanana a bouleversé la (sur)vie de millions de familles.
L’un des indicateurs de ce surcroît de précarité est la hausse de la criminalité, tant dans les villes que dans les campagnes. Alors que 80% de la population vit en milieu rural, le phénomène des « dahalo » (voleurs de zébus) a généré une grande insécurité dans certaines régions. Attaques de villages, embuscades, exécutions sommaires de bandits capturés… Derrière ce phénomène relevant autrefois d’une tradition plutôt pacifique se cachent aujourd’hui des élus, des responsables politiques et sécuritaires qui fournissent armes et munitions et usent de leur entregent pour fournir les certificats nécessaires au « blanchiment » du bétail.
Autre symptôme inattendu de la crise au sommet de l’Etat : une invasion de criquets migrateurs. Cette véritable « plaie d’Egypte » voit des milliards d’insectes, capables de se déplacer sur des milliers de kilomètres, ravager intégralement les cultures sur leur passage. A l’origine de l’invasion de 2013, des conditions climatiques favorables, mais surtout le fait que, sous l’effet notamment de la suspension de l’aide internationale, le gouvernement de transition n’a consacré que 30% des budgets nécessaires à la prévention de ce fléau.
On pourrait multiplier les exemples de conséquences funestes de la soif de pouvoir et de richesse – le plus médiatisé étant le trafic de bois précieux, qui a atteint des sommets ces cinq dernières années, encore une fois grâce à des complicités remontant jusqu’au plus haut sommet de l’Etat.
Expert-comptable de profession, le président Hery Rajaonarimampianina est relativement un nouveau venu dans la vie politique. Les défis qu’il doit relever sont immenses. L’agriculture, le tourisme et le textile, qui étaient avant la crise les secteurs les plus dynamiques de l’économie malgache, sont totalement sinistrés.
Mais, plus largement, c’est une façon de vivre ensemble qui a besoin d’être rétablie. Dans un « message aux gouvernants » publié en novembre dernier, les évêques de Madagascar les exhortaient à « protéger les richesses nationales et à les distribuer selon la justice pour faire épanouir l’homme et tout homme ». Un programme ambitieux pour de nouveaux ministres et parlementaires souvent issus des régimes précédents.
Repères
2002 : Arrivée au pouvoir de Marc Ravalomanana après une crise de sept mois avec son prédécesseur Didier Ratsiraka.
2007 : Marc Ravalomanana est réélu et obtient par référendum un renforcement des pouvoirs présidentiels. Andry Rajoelina, un candidat indépendant récemment entré en politique, est élu maire de la capitale, Antananarivo.
2008 : La chaîne de télévision privée Viva appartenant à Rajoelina est interdite après la diffusion d’une interview de l’ex-président Didier Ratsiraka, exilé en France.
2009 : Après plusieurs mois de manifestations et une tuerie près du palais présidentiel, Rajoelina, devenu le porte-parole de la contestation politique, est porté au pouvoir par des militaires. Ravalomanana est contraint à l’exil.
2013 : L’élection présidentielle désigne Hery Rajaonarimampianina, soutenu par Rajoelina, face au candidat pro-Ravalomanana, Robinson Jean Louis. Les législatives ne donnent pas de majorité claire au nouveau président.