Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

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Le message du Pape François pour la Journée mondiale de la Paix est dans le droit fil de celui de 2014, intitulé : « La fraternité, fondement et route pour la paix ».

Le style est plus incisif encore puisque l’esclavage porte un coup mortel à cette fraternité universelle et, par conséquent, à la paix.

L’homme, être relationnel, s’épanouit et se réalise en tissant des rapports interpersonnels inspirés par la justice et la charité. Ainsi, « la fraternité constitue le réseau de relations fondamentales pour la construction  de la famille humaine » (2,3)

L’esclavage n’est-il pas aboli ? Si, dans le passé, l’institution de l’esclavage a pu être acceptée et régulée par le droit, ce crime de lèse-humanité est aujourd’hui fermement condamné par le droit international. Or il prend de nos jours des formes nouvelles et multiples, lorsque « des millions de personnes sont contraintes à vivre dans des conditions assimilables à l’esclavage » (3,3).

Le Pape énumère un certain nombre de situations : « travailleurs et travailleuses, même mineurs, asservis », « les conditions de vie souvent inhumaines de nombreux migrants » contraints à un « travail esclave », « les personnes contraintes de se prostituer et les esclaves sexuels », « les mineurs et adultes qui sont objet de trafic et de commerce pour le prélèvement d’organes », ceux qui sont « enrôlés comme soldats ou pour des activités illégales comme la production et la vente de stupéfiants », « ceux qui sont tenus en captivité par des groupes terroristes »… La liste est longue, comme pour mieux secouer « l’indifférence générale » et nous convaincre « de résister à la tentation de nous comporter de manière indigne de notre humanité » (1,1).

Quelles en sont les causes ? « A la racine, il y a la conception de la personne humaine qui admet de la traiter comme un objet », et donc « la négation de l’humanité dans l’autre ». Parmi les causes, il y a d’abord la pauvreté : les victimes de trafic ne sont-elles pas le plus souvent des personnes qui ont cherché à sortir d’une situation de précarité extrême, et qui sont tombées entre les mains de criminels qui gèrent le trafic des êtres humains ? (4,2) Il y a évidemment la corruption, « quand au centre d’un système économique se trouve le dieu argent et non la personne humaine ». S’ajoutent encore les conflits armés, la criminalité et le terrorisme, au sein de réseaux qui utilisent habilement les technologies informatiques pour appâter les victimes.

Après avoir souligné le travail effectué par « de nombreuses congrégations religieuses, surtout féminines » en faveur des victimes, le Pape appelle à un engagement commun de tous les acteurs de la société pour éliminer la culture de l’asservissement. Ceci, en trois domaines prioritaires : la prévention, la protection des victimes et l’action judiciaire à l’égard des responsables. Aux Etats d’édicter des lois justes qui défendent les droits fondamentaux de la personne humaine, et qui ne laissent pas prise à la corruption et à l’impunité. Les organisations intergouvernementales doivent se coordonner pour combattre les réseaux de crime organisé. Les entreprises sont invitées à la vigilance, et le Pape en appelle à la responsabilité sociale du consommateur : « acheter est, non seulement un acte économique, mais toujours aussi un acte moral ». La Saint-Siège, pour sa part, prend des initiatives pour briser l’indifférence et susciter des collaborations.

« Reconnaître en l’autre, quel qu’il soit, un frère et une sœur en humanité », « faire des gestes de fraternité à l’égard de ceux qui sont tenus en état d’asservissement », et surtout « ne pas se rendre complices de ce mal » : résister à « la mondialisation de l’indifférence » en nous mobilisant pour « une mondialisation de la solidarité et de la fraternité » qui donne l’espérance ! Tel est l’appel du pape François qui ne manque pas de nous rappeler la question ultime : « Qu’as-tu fait  de ton frère ? »

Pierre Toulat, né à Chauvigny (Vienne) en 1922, s’est intéressé dès son temps de séminaire aux questions sociales, notamment au monde rural, mais aussi au renouveau missionnaire.

Ordonné prêtre en 1944 pour le diocèse de Poitiers, il va se trouver rapidement impliqué dans l’Action catholique rurale, tout particulièrement avec la JACF dont il sera aumônier national durant 6 ans. Il est appelé ensuite à travailler pour la formation continue des prêtres.

En 1966, au lendemain du concile, il devient secrétaire général adjoint de l’épiscopat, avec la charge de l’apostolat des laïcs. C’est dans ce cadre qu’il va prendre une part décisive dans la fondation de la Commission Justice et Paix (1967) et de la Commission sociale (1969). Il fut secrétaire de l’une et de l’autre. Il a pris également une part très active dans la fondation de l’Association des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT). Retenons aussi qu’il a été sensible aux engagements de son frère Jean, également prêtre, contre la peine de mort et les armements nucléaires.

Dans cette relecture de sa vie, Pierre Toulat accorde une grande place à Justice et Paix, aux personnes qui ont travaillé avec lui, aux thèmes traités, aux documents produits. Il redit sa volonté de promouvoir les droits de l’homme, en paroles et en actes, au nom même de l’Évangile.

Au terme de son mandat à Justice et Paix, en 1989, résidant alors à Fontenay- sous- Bois, il a renforcé ses liens avec la Mission de France et mis à  profit son esprit créatif en devenant la cheville ouvrière d’un lieu d’accueil pour les SDF et d’un comité de soutien pour les Roms. Il a également travaillé au dialogue interreligieux.

Depuis de nombreuses années, Pierre Toulat est atteint d’un grave handicap visuel. Ce qui l’a conduit à se retirer en 2009 à la maison de retraite des prêtres de Poitiers. Mais, grâce à ses multiples relations et à son grand courage, il se tient au courant de l’actualité, et tout particulièrement des activités de Justice et Paix.

Nous reconnaissons en Pierre une grande figure qui a marqué l’Église de France dans  la deuxième moitié du XXème siècle. Il demeure un artisan passionné de la mise en œuvre du concile, en appelant et en soutenant de nombreuses personnes qui inscrivent la fidélité chrétienne au cœur de la vie sociale.