Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

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La France a ratifié le statut de la CPI le 9 juin 2000. Cette seule ratification ne permet pas la mise en œuvre du statut au niveau national. Il faut pour cela transposer en droit français les dispositions contenues dans le Statut de Rome.

En effet, la CPI n’a pas vocation à se substituer aux tribunaux nationaux. La CPI est en droit d’enquêter et d’engager des poursuites, uniquement dans le cas où l’Etat serait défaillant. Un Etat est défaillant lorsqu’il n’a pas la volonté ou qu’il est dans l’incapacité, de remplir son obligation d’engager des poursuites pénales, de prononcer des condamnations et de fournir une assistance judiciaire. Pour ne pas se voir dessaisis au profit de la Cour, les Etats Parties doivent donc s’assurer que leur législation nationale leur permet bien de juger les individus ayant commis des infractions relevant de la compétence de la Cour. C’est l’objet de cette loi d’adaptation.

Quatre points principaux doivent être l’objet d’une attention particulière : c’est pour eux que les membres de la Coalition française pour la CPI, dont fait partie Justice et Paix-France, se mobilisent.

Les diverses incriminations possibles

En l’état actuel du droit français, il n’existe aucune section générale relative aux crimes de guerre, que ce soit dans le code pénal ou le code de justice militaire [1]. Il y a là un vide à combler. Les Conventions de Genève de 1949 et leurs Protocoles additionnels de 1977 organisaient déjà la répression des crimes de guerre. Ces Traités internationaux ont tous été ratifiés par la France, mais jusqu’à présent, celle-ci ne les a toujours pas intégrés dans son ordre juridique interne. Avec la CPI, la France doit incorporer à son arsenal juridique tous les crimes de guerre énoncés à l’article 8 du Statut de Rome.

Or le projet de loi adopté en première lecture par le Sénat, s’il entend prendre en compte cette dimension, introduit des différences de responsabilité pénale en distinguant crimes et délits de guerre, ce que ne fait pas le Statut de Rome.

Cette exigence de cohérence entre les formulations transposées en droit français et le texte même du Statut de Rome vaut pour d’autres définitions. Ainsi, si le code pénal français dispose d’ores et déjà de définitions des crimes de génocide et des crimes contre l’humanité, ces dernières datent de 1994 et diffèrent de celles du Statut de Rome. Il convient donc de les harmoniser avec leur définition internationale. Or le projet de loi introduit une formulation qui rend plus difficile la constitution du chef d’accusation de crime contre l’humanité [2]. De même, l’esclavage sexuel ne fait partie ni des actes constitutifs de crime contre l’humanité ni des actes constitutifs de crime de guerre, contrairement au Statut.

Il ne s’agit pas là seulement de querelles de techniciens. Compte tenu du principe de complémentarité qui figure dans le Statut [3], de telles distorsions ne permettraient pas de poursuivre les auteurs de crimes internationaux de façon identique devant la justice française ou devant la CPI.

L’imprescriptibilité des crimes de guerre

Tous les crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale sont imprescriptibles. En introduisant une restriction à ce principe général concernant les crimes de guerre, le projet de loi met en péril « l’harmonisation de la répression de ces crimes au niveau international » (Avis de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme – CNCDH du 6 novembre 2008). A l’instar des crimes contre l’humanité et crime de génocide, il est donc important que le droit français reconnaisse l’imprescriptibilité des crimes de guerre. Sans cela, et contrairement à ce que la France veut éviter, des militaires français engagés dans des opérations sur des terrains étrangers pourraient être exposés, au-delà du délai de prescription en droit français, à des poursuites devant les tribunaux de ces pays ou devant la CPI, sans pouvoir être jugés dans leur propre pays.

Limitations à la responsabilité pénale

La distinction entre délits et crimes de guerre évoquée ci-dessus conduit à exclure de la compétence de la CPI certaines infractions qui figurent pourtant dans le Statut de Rome. Au-delà, certaines dispositions du projet de loi en l’état (art 462-11) conduisent à « exonérer la France de l’application des règles du Droit international humanitaire et du Droit international pénal dès l’instant où elle agirait dans le cadre de l’exercice de son droit de légitime défense, ce qui n’est pas acceptable.

La compétence universelle pour les crimes les plus graves

Il nous faut rappeler ici l’objectif principal qui a présidé à la création de la CPI : lutter contre l’impunité, alors que de nombreux tortionnaires s’étant rendus coupables de génocide, massacres ou violences à grande échelle n’étaient jamais poursuivis, faute de juridiction compétente. Cela étant – il faut y insister – la CPI n’intervient que lorsqu’un Etat est défaillant. Mais seule, elle n’a pas les moyens de répondre à toutes les situations. Seule, elle serait impuissante à juger tous les responsables. Son statut prévoit donc qu’ « il est du devoir de chaque Etat de soumettre à sa juridiction criminelle les responsables de crimes internationaux ». C’est ce qu’on appelle la compétence universelle des tribunaux qui permet de juger des crimes internationaux les plus graves commis à l’étranger, contre des étrangers et par une personne étrangère. Cette compétence est déjà reconnue par la France concernant les auteurs présumés de crimes de torture ou de crimes relevant des tribunaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie ou le Rwanda qui se trouveraient en France. On parle alors de compétence extraterritoriale plutôt que de compétence universelle. Les associations qui luttent pour le respect et la promotion des droits de l’homme, tout autant que la CNCDH, demandent que cette compétence extraterritoriale prévue pour les crimes relevant des tribunaux internationaux soit étendue aux crimes relevant de la compétence de la CPI. Le projet de loi voté par le Sénat le prévoit, mais dans des conditions bien plus restrictives, puisqu’il ne suffit pas que la personne concernée soit simplement sur le sol français, mais qu’elle y ait sa résidence habituelle. Autant dire que cette disposition réduit considérablement les possibilités de recours voire les annihile, si l’on ajoute à cela deux autres dispositions tout aussi contestables :

  • l’interdiction du déclenchement des poursuites par les victimes au profit du monopole accordé au Ministère public,
  • et les restrictions apportées à cette compétence extraterritoriale lorsqu’il s’agit d’un ressortissant d’un pays non signataire du Statut, ou lorsque les faits ont eu lieu dans un pays non signataire.

Si le texte était maintenu en l’état, c’est l’idée de justice internationale qui serait fortement mise à mal dans notre pays ; c’est aussi l’image de la France, pays des droits de l’homme, qui serait ternie par son manquement à respecter ses engagements internationaux.

 

L’effervescence du Grenelle de l’environnement est retombée. Cette rencontre aura constitué un tournant sur le fond d’abord, si les mesures annoncées s’inscrivent dans la réalité, mais aussi sur la forme : par le processus retenu, par la diversité des interlocuteurs, par la mise en dialogue, la France aura offert le visage d’une démocratie apaisée, adulte, loin des psychodrames dont nous sommes souvent si friands.

A cette occasion, la presse chrétienne s’est interrogée sur la place des chrétiens dans la lutte en faveur de l’environnement, souvent pour déplorer un engagement tardif et un manque de parole publique sur la question. Cette perspective peut être questionnée : pourquoi chercher à isoler la composante chrétienne ? Avons-nous une contribution spécifique à apporter dans ce domaine ? Y-a-t-il une parole d’Eglise sur l’environnement et le développement durable ?

Certes, l’Eglise n’a pas été pionnière par rapport à ce problème qui constitue pourtant une menace pour la vie humaine. Faut-il alors culpabiliser ? Ou chercher à se justifier ? Ou mettre en avant les quelques déclarations pontificales faites sur la question ? Pourquoi ne pas profiter de ce « retard » pour repenser notre manière d’être présents dans le monde en tant que chrétiens ?

Nous nous sentons souvent responsables d’éclairer le monde, mais peut-être le moment est-il arrivé de nous laisser aussi éclairer par le monde. Le développement durable pourrait constituer une chance de découvrir une nouvelle forme de présence chrétienne dans le monde : une présence qui passe plus par une véritable incitation au dialogue que par la défense de grands principes et de vérités toutes faites.

Le livre de Justice et Paix « Notre mode de vie est-il durable ? » ainsi que la brochure sur une mobilité durable s’inscrivent dans cette perspective. Il s’agit d’une invitation au dialogue plutôt que d’une déclaration de principes. Nous disons comment la réalité du monde d’aujourd’hui interroge et sollicite notre représentation chrétienne de l’avenir, de l’humain et de la transcendance.

A la suite du Grenelle de l’environnement, nous avons peut-être à imaginer un Grenelle de la présence chrétienne dans le monde d’aujourd’hui.

En ce jour des droits de l’homme, les autorités religieuses ont remis à François Hollande et Nicolas Hulot les pétitions pour la justice climatique portées par le Global catholic movement, Religions for peace, Act Alliance et Our voices.

Leonardo Steiner de la Conférence épiscopale brésilienne, membre de la délégation du Saint Siège à la Cop21 et Mgr Brunin de la Conférence épiscopale française représentaient l’Église catholique. Ils se sont fait relai du message fort du pape François face à l’urgence de la situation dans son encyclique Laudato Si.

Les prises de parole de Mgr Steiner, Mgr Holtam, pour l’Eglise d’Angleterre, Dr. Ghaleb Bencheikh, de Religions for Peace et Yeb Saño, ancien chef des négociations des Philippines ont défendu la justice climatique. Le président s’est ensuite exprimé en saluant l’unité qui régnait entre religions quant au respect de la planète « notre bien commun ». Il a qualifié l’accord sur le climat de « défi pour donner de l’espérance, de la confiance en l’avenir. »

La veille de la signature de l’Accord de la Conférence de Paris, le président n’a pas caché des « difficultés sur les financements et leur répartition. Il y a notamment des résistances par rapport à la prise en compte des pertes et des dommages liés au changement climatique et la nécessité que les engagements pris ne soient pas trop lointains. » « Il faut rappeler pourquoi les négociateurs sont là, non pas simplement au nom de leur État, ni au nom de l’histoire de leur continents, ni pour réclamer la justice pour les uns, des délais pour les autres. Ils sont là pour régler l’avenir de la planète. »

Prions pour que l’Accord signé demain soit à la hauteur de ces espérances exprimées.