Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024  (PDF)   

Quand les Semaines sociales de France furent créées, il y a plus de 100 ans, pour diffuser et faire vivre l’enseignement social de l’Eglise catholique délivré au travers des premières encycliques sociales, l’enjeu, la « cause », était la condition ouvrière malmenée par une industrialisation en plein essor.

Tout au long de ses années d’existence, l’association des SSF  a travaillé les thèmes liés au travail, à l’économie, à la protection sociale, afin de signifier, comme les papes l’ont dit et redit, que l’économie devait être au service des hommes et non le contraire. Puis, les sujets étudiés et les propositions faites au monde politique ou à celui de l’entreprise se sont élargis : il y eut, par exemple, le projet européen, les relations hommes-femmes, les migrants, le rôle des religions dans la société, l’éducation, les nouvelles technologies etc.,  enrichissant ainsi le contenu du mot social porté fièrement dans le nom des SSF.

En 2019, quelle est donc la question sociale majeure à laquelle sont confrontés nos contemporains ? Est-elle nouvelle ? Pas vraiment, puisque les inégalités et les injustices perdurent, s’accroissent même, que la compétition économique laisse toujours des salariés sur le bord du chemin, que la financiarisation triomphe et que de grands groupes font leur loi sur tous les continents.  Ce qui a changé, c’est la mondialisation, la révolution numérique  et le défi écologique auquel est confrontée la planète.  Mais c’est aussi  l’effritement des réseaux relationnels traditionnels qui structuraient notre société et amortissaient les difficultés de la vie. Jérôme Fourquet, dans son ouvrage l’Archipel français (1), insiste particulièrement sur la disparition de la matrice catholique à partir de laquelle la société se construisait, éventuellement d’ailleurs en franche opposition. Mais bien d’autres institutions ont perdu de leur capacité à rassembler : les partis politiques, les syndicats. La famille, elle-même, se sent fragilisée. Et les liens nouveaux, noués sur les réseaux sociaux, interrogent sur leur capacité à relier autrement que virtuellement et durablement.

Quand les liens se distendent

Quel projet commun, quelle raison de se reconnaître comme membres d’un même peuple, si la tentation est de se regrouper entre pairs, de rester dans l’entre soi, quand les liens se distendent et que manquent les lieux où se rencontrer ? Comment, dans ce contexte, proposer et mener à bien un projet politique ? Le conseil permanent de l’épiscopat pour introduire leur document  d’octobre 2016 (2) en faisait ainsi le constat sévère. Notre pays vit une profonde mutation qui n’est pas encore terminée, constatait-il : « Les évolutions et les transformations ont créé de l’incertitude dans la société. Les références et les modalités de la vie ensemble ont bougé. Ce qui semblait enraciné et stable est devenu relatif et mouvant(…) Le vivre ensemble est fragilisé, fracturé, attaqué. »

Et l’actualité nous en fait la démonstration absurde : à chaque fois qu’un événement, tragique ou moins tragique, entraîne une sorte d’élan national spontané, instantanément vient la polémique,  comme si les Français – et les médias – s’en voulaient d’avoir un instant été d’accord sur quelque chose. L’incendie de Notre Dame en donna l’exemple : l’émotion largement partagée dura quelques jours,  immédiatement contrebalancée par des critiques sur les modalités de sa reconstruction, sur l’argent récolté etc.

Le mouvement des Gilets jaunes fut révélateur de l’éparpillement français. Non seulement le pays se compose de multiples îlots, mais ceux-ci ne communiquent pas entre eux, se méconnaissent  et parfois se haïssent : l’élite et le peuple, Paris et les territoires, les métropoles et les banlieues, le rural et l’urbain, les « mondialistes » et les ancrés dans leur région, sans parler des affinités (ou des rejets) ethniques …  Et puis, il y a ceux qui ne sont nulle part, les oubliés, les exclus , les absents, les migrants (des ronds-points des Gilets jaunes comme du Grand débat, et des scrutins électoraux.)

Faire société

Comment dès lors « faire société », sans nier les différences, les besoins d’autonomie des personnes,  les divergences, les désaccords, les particularités ? Comment créer des liens et des lieux nouveaux pour favoriser la rencontre, le débat constructif et la recherche d’un projet commun, voire du Bien commun ? Comment repérer ce qui, aujourd’hui, témoigne d’une volonté de mieux vivre ensemble ?

Poser des diagnostics sur les fractures de la société mais aussi écouter celles et ceux qui tentent de la réparer : c’est à cet exercice que les Semaines sociales invitent pendant deux années, dans leurs Antennes régionales, sur leur site internet et pendant leur première rencontre nationale sur ce thème, les 16 et 17 novembre prochains à Lille (3). L’année 2020, année des élections municipales, s’attachera plutôt à proposer des pistes d’action politiques, sociales, associatives,  construites à partir du travail collaboratif mené avec les participants aux différents événements et les nombreux partenaires engagés sur le même terrain.  « Nous voulons être des êtres de relation », ont écrit les Semaines sociales dans leur nouveau projet associatif.  Au service des êtres de relation.

  • « L’Archipel français, naissance d’une nation multiple et divisée ». Editions du Seuil.
  • « Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique »
  • « Refaire société. Comment créer des liens dans une France fracturée ». Deux jours de débats, de conférences, de témoignages inspirants, de travail collaboratif, de spiritualité, dans les locaux de l’Université catholique de Lille.  Voir le programme sur le site ssf-fr.org

Dans son livre « Le nom de Dieu est miséricorde » dont la sortie mondiale, dans 84 pays, s’est faite ce 12 janvier, le pape François fait un pamphlet contre les ravages de la corruption. En voici des extraits :

La corruption est le péché qui, au lieu d’être reconnu en tant que tel et de nous rendre humbles, est érigé en système, devient une habitude men­tale, une manière de vivre (…). Le corrompu est celui qui pèche et ne s’en repent pas, celui qui pèche et feint d’être chrétien, et dont la vie est scandaleuse.

Le corrompu ignore l’humilité, ne considère pas qu’il a besoin d’aide et mène une double vie. Il ne faut pas accepter l’état de corruption comme si ce n’était qu’un péché de plus  : même si l’on identifie souvent la corruption au péché, il s’agit, en fait, de deux réalités distinctes, bien qu’elles soient liées. Le corrompu se lasse de demander pardon et finit par croire qu’il ne doit plus le demander. On ne se transforme pas en corrompu du jour au lendemain  : il y a une longue dégradation.

Quelqu’un peut être un grand pécheur et, néanmoins, ne pas tomber dans la corruption. (…) Je pense, par exemple, aux personnages de Zachée, de Matthieu, de la Samaritaine, de Nicodème, du bon larron  : dans leur cœur de pécheur, tous avaient quelque chose qui les sauvait de la corruption. Ils étaient ouverts au pardon, leur cœur connaissait sa propre faiblesse et c’est ce rai de lumière qui a laissé entrer la force de Dieu.

En se reconnaissant tel, le pécheur, d’une certaine façon, reconnaît que ce à quoi il a adhéré, ou adhère, est erroné. Alors que le corrompu, lui, cache ce qu’il considère comme son véritable trésor, ce qui le rend esclave. (…)

Le réseau mondial Coatnet (Organisations chrétiennes contre la traite des êtres humains) s’est réuni du 9 au 11 novembre 2015 à Paris.

La traite des êtres humains est, selon le pape François, un crime contre l’humanité. Ce crime peut prendre plusieurs formes : exploitation sexuelle, exploitation à des fins économiques, servitude domestique, exploitation de la mendicité, incitation à commettre des actes répréhensibles. Autant de crimes dont les premières victimes sont les personnes en situation de pauvreté.

Les trois jours de Paris ont fait le point sur les actions menées aux quatre coins du globe. Une feuille de route a été fixée pour les cinq ans à venir. La stratégie vise à davantage resserrer les liens des membres de Coatnet. Il est apparu prioritaire de porter une attention particulière sur les migrations actuelles : sécuriser les migrants, informer sur leur situation, prendre des mesures pour prévenir les groupes à risque, améliorer leurs conditions de vie, surveiller et évaluer chaque crise pour adapter la stratégie au contexte. Enfin, les membres de Coatnet sont déterminés à poursuivre leurs actions pour informer les mécanismes pertinents des droits de l’Homme, obliger les Etats à répondre à leurs obligations de protéger les droits de toutes les personnes sans discrimination.

Les membres de Coatnet continueront de mobiliser leurs réseaux respectifs et les communautés religieuses pour empêcher l’expansion de la traite des êtres humains, identifier et libérer ceux qui sont asservis, et soutenir la pleine restauration des victimes.