Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

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La crise que nous traversons témoigne de l’importance de la finance pour l’économie et la paix sociale.

La financiarisation de l’économie a accéléré la mondialisation dont il serait injuste de dire qu’elle n’a que des effets négatifs. Elle a facilité le transfert des richesses et des technologies. Elle a été un levier puissant pour des projets d’investissements dans des pays en voie de développement.

Le marché libre, à condition de respecter certaines exigences, demeure sans doute l’instrument le plus efficace pour utiliser les ressources et répondre aux besoins des hommes et des sociétés de façon efficace.

Mais la crise nous révèle nombre de conséquences négatives lorsque les logiques financières poussées à l’extrême sont déconnectées de l’économie et ont pour seule fin la recherche d’un profit immédiat.

Nos sociétés sont ébranlées. Et comme toujours, en pareil cas, les plus pauvres sont les premières et bien innocentes victimes.

Cette crise nous invite tous à nous interroger sur nos modes de vie, sur notre rapport à l’argent, sur nos manières de faire fructifier notre épargne et de recourir au crédit. Nous ne pouvons que saluer les efforts des gouvernements et des responsables politiques pour faire face à la situation.

Il est essentiel que les mesures préconisées se donnent une autre fin que le seul maintien d’un système financier qui a révélé ses faiblesses et leurs conséquences humaines.

Ceci ne pourra se faire :

  •  sans une coopération entre les Etats et naturellement pour nous en Europe,
  • sans la mise en place d’institutions nationales et internationales efficaces d’organisation des marchés financiers,
  • sans se donner les moyens de réorienter nos économies pour qu’elles soient au service des personnes et non du seul profit.

Ceci suppose une réflexion éthique et un engagement :

  • pour que l’on s’interroge sur des pratiques spéculatives visant la rentabilité maximum à court terme,
  • pour que l’on revoie les systèmes de rémunération et de gratification des dirigeants d’institutions financières surtout quand ils ont contribué à la crise ou pourraient en tirer profit de manière inconsidérée,
  • pour que soient mis en place les moyens d’une plus grande traçabilité de l’argent et d’une meilleure identification des risques,
  • pour que l’économie développe un recours plus raisonné au crédit,
  • pour que le marché financier, par des investissements socialement responsables, soit réorienté au service d’une économie productive et modulée par les exigences environnementales.

La crise actuelle peut être l’occasion de resserrer notre lien social.

Quand la finance prétend être sa propre fin et n’est plus animée que par le désir exclusif du profit, elle perd la tête.

Quand le souci de l’homme, de tout l’homme et de tous les hommes redevient prioritaire, la confiance renait.

Les évêques du Conseil pour les questions familiales et sociales

Jean-Charles Descubes, archevêque de Rouen
Michel Dubost, évêque d’Evry – Président de Justice et Paix
Michel Guyard, évêque du Havre
François Jacolin, évêque de Mende
Michel Pansard, évêque de Chartres

Dans l’ensemble de l’Europe, alors que recule l’inquiétude générale au sujet du chômage, les jeunes, eux, paient cher une crise économique dont ils ne sont pas responsables, en subissant un taux de chômage plus élevé que le reste de la population.

Le chômage des jeunes existait déjà avant la crise économique et financière, mais le taux de chômage moyen en Europe est aujourd’hui deux fois plus élevé pour les jeunes que pour les autres groupes d’âge, et, dans plusieurs pays, ce taux dépasse 50%.

En tant que Conférence des Commissions Justice et Paix d’Europe, nous souhaitons ajouter notre voix à celles qui ont récemment appelé à une urgente remise en question de la stratégie apte à corriger cette injustice. Bien qu’au niveau de l’UE il y ait eu une prise de conscience bienvenue, avec des milliards d’euros attribués à des programmes de protection pour les jeunes, cette crise ne sera pas résolue seulement par les politiques économiques. Il faut reconnaître que l’une des causes fondamentales de la crise a été l’incapacité de comprendre que la signification du travail dépasse de loin l’emploi payé, et comporte des implications personnelles, sociales et culturelles d’importance. Pour cette raison, l’enseignement social de l’Eglise catholique a constamment mis l’accent sur le fait qu’un travail convenable est un droit de l’Homme essentiel. Dans de nombreux pays européens aujourd’hui, ce droit est refusé à beaucoup, voire à des millions de jeunes.

Les demandes du marché et du secteur financier ont été mis au-dessus des besoins de la société, et en particulier au-dessus des besoins des jeunes. Ceux-ci représentent l’avenir de notre société, mais leurs projets de vie ont été réduits et leur dignité humaine offensée. Ils courent le risque de devenir une génération perdue. L’accent a été mis sur l’équilibre des budgets nationaux, tandis que le besoin d’investissement humain a été ignoré. Ce choix compromet finalement les possibilités d’une croissance économique durable à long terme. Le poids démoralisant du chômage détourne beaucoup de jeunes de s’impliquer dans la formation et dans l’entreprise. De plus, beaucoup de jeunes paient des droits élevés pour une formation universitaire et professionnelle, s’endettant dès leur jeune âge, alors que des emplois ne sont pas immédiatement disponibles. D’autres choisissent
d’émigrer, à la recherche de meilleures possibilités ailleurs. Bien qu’une plus grande liberté de mouvement à travers les frontières nationales doive aujourd’hui être encouragée, pour les pays qui perdent un grand nombre de jeunes à cause d’un manque de possibilités, les conséquences sont accablantes.

En réponse à cette crise, une priorité essentielle pour les gouvernements, ainsi que le reconnaissent des responsables de l’UE, doit être d’investir dans des possibilités d’emploi pour des jeunes. Pour que cet investissement soit efficace, il faut que des employeurs s’engagent de manière significative à donner du travail à des jeunes. Les employeurs devraient être encouragés à rassembler un ensemble équilibré de travailleurs, afin d’employer à la fois des jeunes qui ont besoin d’expérience et d’autres travailleurs qui ont une expérience à partager. Il est également important que des règles solides existent pour éviter une exploitation des jeunes, s’assurer qu’ils reçoivent une juste rémunération de leur travail et que des possibilités de
formation correctes leur sont offertes. Il faut reconnaître que beaucoup de jeunes ont été déçus par les responsables politiques et par les mesures prises : ils considèrent que leurs besoins et leurs préoccupations ont été dédaignés. La propagation d’une telle déception met la démocratie en danger et menace la stabilité future de nos sociétés. A travers l’Europe, ces sentiments se sont manifestés de différentes manières, y compris par des mouvements violents de protestation, ce qui a encouragé des extrémistes politiques. En parallèle à une politique pour lutter contre le chômage des jeunes, les responsables politiques doivent démocratiquement mettre en place des mécanismes de consultation qui intègrent les jeunes dans les processus destinés à résoudre la crise.

A long terme, l’éducation doit être primordiale pour une politique d’emploi durable. Et les institutions d’enseignement doivent engager un dialogue régulier avec les employeurs pour s’assurer que les cours dispensés sont adaptés à l’état actuel du marché du travail. Le modèle traditionnel d’un « travail pour la vie » ne peut plus être un but réaliste. Beaucoup de jeunes tireraient bénéfice d’une approche plus souple, qui les encourage à acquérir une large gamme de qualifications et à continuer à les développer tout au long de leur vie de travail. Dans ce contexte, les valeurs que nous transmettons aux jeunes concernant le travail et l’emploi sont importantes également. Les valeurs de base de solidarité, de bien commun et de service aux autres peuvent être perdues dans notre société de plus en plus matérialiste.

Cela n’est pas seulement préjudiciable pour la santé mentale et le bien-être de l’individu ; cela peut conduire à une rupture de la cohésion sociale et des liens de solidarité dans la société. Le chômage des jeunes est le symptôme le plus évident et le plus douloureux d’un problème beaucoup plus large : l’incapacité de prendre en considération la signification profonde du travail dans une politique économique et sociale. Certes, le chômage des jeunes devrait être une priorité pour les gouvernements, pourtant ce problème ne devrait pas être envisagé seul, mais comme partie d’un ensemble plus vaste qui envisage les obstacles à l’emploi touchant les gens dans tous les secteurs de la société. Il devrait aussi devenir un point permanent du programme du Conseil européen et figurer comme une priorité pour les organisations internationales concernées. Des interventions d’assistance à court terme sont vitales, mais plus importants encore sont la politique à long terme et les changements culturels nécessaires pour proposer à nos sociétés un modèle d’emploi plus juste et plus durable. La crise actuelle nous donne enfin une réelle possibilité de changement et de reconnaître et encourager l’aspiration légitime des jeunes à participer aux responsabilités.

Dans l’attente des prochaines élections européennes, nous demandons aux gouvernements européens et aux institutions de l’UE de :

• Mettre la priorité sur l’emploi dans les plans de redressement économique, avec des projets spécifiques pour répondre au chômage des jeunes, projets développés en consultation avec des jeunes ;

• faire progresser rapidement la reconnaissance des diplômes à l’intérieur de l’UE

• examiner les mécanismes existants de consultation et d’intégration des jeunes, avec le projet de surmonter à la fois leur absence de la politique et la
montée de l’extrémisme au sein de la jeunesse ;

• soutenir les employeurs qui proposent des possibilités appropriées aux jeunes, tout en vérifiant qu’il existe des règlements de protection contre l’exploitation de jeunes travailleurs ;

• donner une aide financière à l’enseignement et à la formation professionnelle ;

• mettre au point des mécanismes de consultation pour vérifier en quoi nos systèmes actuels d’éducation contribuent à un emploi durable, en y faisant
participer tous les principales parties prenantes, notamment les entreprises, les syndicats, les organisations du travail et les jeunes.

Ce message est important parce qu’il aborde les problèmes actuels : incontestablement, le constat de l’existence d’une crise est universel. Ce n’est évidemment pas la première fois qu’une crise traverse le monde, mais c’est, peut-être, la première fois que l’on peut parler d’une crise de la mondialisation.

Evidemment, un premier réflexe pourrait être de chercher à revenir au temps antérieur… mais cela serait aussi imbécile que de supprimer les trains ou les avions au prétexte d’un accident. Pour le Pape, la crise doit être l’occasion d’un progrès. D’un développement. En ce sens, il reprend la réflexion entamée par Paul VI et poursuivie par Jean-Paul II : « Le développement est le nouveau nom de la paix » (Populorum progressio, 87).
Et il ajoute : « Les Etats sont donc appelés à réfléchir sereinement sur les raisons les plus profondes des conflits, souvent allumés par l’injustice, et à y remédier par une autocritique courageuse ».

Sur quoi doit porter cette autocritique ?
Clairement, le Pape affirme que cette autocritique doit porter sur la place des pauvres dans la société et dans le monde : « Mettre les pauvres à la première place suppose que les acteurs du marché international construisent un espace où puisse se développer une juste logique économique, et que les acteurs institutionnels mettent en œuvre une juste logique politique ainsi qu’une correcte logique de participation capable de valoriser la société civile, locale et internationale ».
Une juste logique économique oblige à constater que la population est une « richesse, et non facteur de pauvreté ».
Une juste logique politique oblige à prendre en compte les enfants et leurs mères : « Là où la dignité de la femme et de la mère n’est pas protégée, ceux qui en subissent les conséquences, ce sont d’abord et toujours les enfants ».
Une juste logique de participation oblige à veiller à un développement qui ne marginalise pas les pauvres. Ce qui demande à ce qu’ils soient partie prenante du développement, et que « chaque homme se sente personnellement blessé par les injustices existant dans le monde, et par les violations des droits de l’homme qui y sont liées ».
Et le Pape de rappeler Vatican II : L’Eglise est « signe et instrument de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain », comme pour inviter chaque communauté à vivre cette solidarité de l’intérieur d’elle-même pour être le signe de la possibilité d’une mondialisation réussie.

Prions pour tous ceux qui ont une responsabilité économique…les politiques, les actionnaires, les syndicats, les travailleurs, afin que dans la crise les pauvres ne soient pas oubliés.