Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024  (PDF)   

Deux journées intenses, à la rencontre de Marseille et de la « mosaïque » des peuples et des religions qui vivent dans cette ville métissée et sur les rives de la Méditerranée : le pape François aura pu y répéter les messages qu’il martèle depuis le début de son pontificat.

A l’occasion de la conférence Pacem in Terris organisée par l’Académie des sciences sociales les 19 et 20 septembre 2023, le pape François a adressé un message au chancelier de l’Académie pontificale des sciences sociales.

La traduction ci-dessous est extraite du site Zenit Discours du Saint-Père à l’occasion du 60e anniversaire de l’encyclique Pacem in Terris – ZENIT – Francais

À Son Éminence le cardinal Peter K.A. Turkson, Chancelier de l’Académie pontificale des sciences sociales

Je vous salue chaleureusement, ainsi que tous les participants à la Conférence internationale organisée par l’Académie des sciences sociales et l’Institut de recherche sur la paix d’Oslo pour commémorer le soixantième anniversaire de la publication de Pacem in Terris, l’encyclique historique du pape Jean XXIII.  La conférence arrive à point nommé car notre monde est toujours en proie à une troisième guerre mondiale menée au coup par coup et, dans le cas tragique du conflit en Ukraine, non sans la menace d’un recours aux armes nucléaires.

En effet, le moment actuel ressemble étrangement à la période qui a immédiatement précédé Pacem in Terris lorsqu’en octobre 1962 la crise des missiles de Cuba a mis le monde au bord d’une destruction nucléaire généralisée. Malheureusement, dans les années qui ont suivi cette menace apocalyptique, non seulement le nombre et la puissance des armes nucléaires ont augmenté, mais d’autres technologies d’armement se sont développées, et même le consensus de longue date sur l’interdiction des armes chimiques et biologiques est remis en question. Aujourd’hui, plus que jamais, nous devons tenir compte de l’avertissement prophétique du pape Jean selon lequel, à la lumière de la terrifiante force destructrice des armes modernes, « les relations entre les États, comme entre les individus, doivent être réglées non par la force armée, mais conformément aux principes de la droite raison : les principes, c’est-à-dire, de la vérité, de la justice et d’une coopération vigoureuse et sincère ».

À cet égard, il est tout à fait approprié que cette conférence consacre ses réflexions aux parties de Pacem in Terris qui traitent du désarmement et des voies d’une paix durable.  J’espère que vos délibérations, en plus d’analyser les menaces militaires et technologiques actuelles pour la paix, incluront une réflexion éthique disciplinée sur les risques graves associés à la possession continue d’armes nucléaires, le besoin urgent de nouveaux progrès en matière de désarmement et le développement d’initiatives de construction de la paix. J’ai déclaré ailleurs ma conviction que « l’utilisation de l’énergie atomique à des fins de guerre est immorale, tout comme la possession d’armes nucléaires est immorale » (Discours au Mémorial de la paix d’Hiroshima, 24 novembre 2019).  

Il est de notre responsabilité à tous de maintenir vivante la vision selon laquelle « un monde exempt d’armes nucléaires est possible et nécessaire » (Discours au Corps diplomatique, 10 janvier 2022).  À cet égard, le travail des Nations unies et des organisations apparentées pour sensibiliser l’opinion et promouvoir des mesures réglementaires adéquates reste fondamental.

Dans le même ordre d’idées, la préoccupation pour les implications morales de la guerre nucléaire ne doit pas occulter les problèmes éthiques de plus en plus urgents soulevés par l’utilisation, dans les guerres contemporaines, d’armes dites « conventionnelles », qui ne devraient être utilisées qu’à des fins défensives et ne pas viser des cibles civiles. J’espère qu’une réflexion soutenue sur cette question permettra de dégager un consensus sur le fait que ces armes, dotées d’un immense pouvoir de destruction, ne seront pas employées d’une manière susceptible de causer « des blessures superflues ou des souffrances inutiles », pour reprendre les termes de la déclaration de Saint-Pétersbourg. Les principes humanitaires qui ont inspiré ces mots, fondés sur la tradition du ius gentium, restent aussi valables aujourd’hui que lorsqu’ils ont été écrits pour la première fois, il y a plus de cent cinquante ans.

Conscient de l’importance des questions débattues lors de la conférence, j’exprime ma gratitude aux intervenants et aux participants. Je réitère volontiers l’espoir exprimé par le pape Jean en conclusion de son encyclique, à savoir que « par la puissance et l’inspiration de Dieu, tous les peuples puissent s’embrasser comme des frères et sœurs, et que la paix à laquelle ils aspirent puisse toujours fleurir et régner parmi eux ».  

À tous, j’envoie ma bénédiction.

Du Vatican, le 12 septembre 2023

Voir ici :  Message of the Holy Father to Cardinal Tuckson, 12 Sept 2023   le texte original (en anglais).

Les alertes apparues durant l’été deviennent des crises à la rentrée. Les réflexions proposées avec DIÈSE du mois d’août appellent quelques approfondissements en raison de l’actualité : des associations compétentes et solides ne peuvent plus faire face aux besoins sociaux élémentaires ; des solutions d’urgence sont envisagées, mais la question d’une réelle solidarité avec les plus fragiles d’entre nous demeure impérative. On reproche à certains de manquer à leurs devoirs envers la communauté nationale, mais celle-ci maintient une part de ses membres dans des conditions de vie indignes : arrêtons les hypocrisies, notre responsabilité sociale et politique se trouve bien engagée.

1– Aide alimentaire (suite) : que devient la solidarité ?
° Plusieurs associations, dont les resto du cœurs et la Croix rouge, viennent de tirer la sonnette d’alarme : soit elles refusent d’accueillir des personnes et des familles qui ne peuvent par elles-mêmes se nourrir correctement, soit elles diminuent la quantité de produits pour chacune. Les causes sont connues : la forte augmentation des prix de l’énergie et de la nourriture, la tension sur les revenus qui impacte l’ampleur des dons. La guerre en Ukraine joue un rôle important sur ces déséquilibres, ce qui nous rappelle que la justice et la paix doivent marcher la main dans la main. ° Il faut cependant redire avec force que dans un pays riche (la France), des gens ont faim, et on en vient à considérer cette situation comme normale ! Le nombre des enfants qui viennent de faire la rentrée scolaire mais qui dorment dans la rue continue d’augmenter.
° Heureusement, la générosité des citoyens et un engagement bénévole impressionnant apportent des solutions, au moins partielles, à ces dénis de justice sociale. La parole officielle oublie souvent d’honorer ces acteurs de premier plan de la vie citoyenne ; parfois les pouvoirs publics restreignent l’action des associations qui viennent en aide, par exemple aux migrants ; à plusieurs reprises le Secours Catholique a mis en cause des blocages de ses activités. Soulignons que l’aide n’est pas seulement matérielle, elle s’accompagne de relations humaines stimulantes. Cette dimension de générosité, de gratuité, d’humanité partagée est essentielle pour la vie commune, sinon il faudrait rayer le mot fraternité sur nos monuments publics.
° Le cri de détresse des associations a provoqué des promesses de don importantes. Tant mieux dans l’immédiat. L’argent ne manque donc pas dans notre société, mais on doit s’interroger sur l’affectation des ressources quand plusieurs millions de nos concitoyens n’ont pas accès aux biens les plus élémentaires. C’est une question politique, au sens noble du terme, qui mérite mieux que des postures électoralistes.
° Le problème ne se pose pas seulement à l’échelle de notre pays. Les mêmes causes produisent les mêmes effets à l’échelle internationale : le CCFD Terre solidaire note, à partir des données de la FAO, qu’1/3 de la population mondiale se trouve en insécurité alimentaire ; les remous politiques qui affectent des pays pauvres, sur fond de violences, ont souvent à voir avec l’impossibilité d’accéder aux biens vitaux. La justice sociale doit être pensée aussi à l’échelle mondiale, c’est une condition nécessaire pour la paix.

2– Religions et vie commune
° La référence religieuse peut être utilisée pour asseoir une autorité politique en lui donnant une aura sacrale : le critère religieux devient alors un élément central de discrimination à l’égard de certaines parties de la population. Nous en avons un exemple caricatural en Afghanistan, avec l’exclusion des femmes de la vie publique et l’interdiction de scolariser les filles ; ce qui cause des souffrances majeures et prive la société des apports positifs de certains de ses membres. Le pays le plus peuplé de notre monde, l’Inde, n’est pas exempt de ces discriminations à la fois religieuses et socio-ethniques, au détriment des musulmans mais aussi des chrétiens. Comme il s’agit d’un marché important, on préfère fermer les yeux ! Un autre pays proche du précédent, né d’une scission, le Pakistan, discrimine aussi largement les hindous et les chrétiens. Le fanatisme religieux légitimant des violences. (On peut consulter à ce sujet la Lettre de Justice et Paix du mois de septembre.)
° Des mots reviennent dans ces discours qui appellent à la haine et à la violence. Les groupes ethniques et religieux minoritaires sont considérés comme « impurs », ce qui légitime la discrimination, voire l’éradication. On sait combien le mythe de la pureté de la race a provoqué de crimes, demeurons donc vigilants quand il réapparaît subrepticement dans les débats politiques. Le mot «blasphème» (ce qui outrage le divin) se trouve plus d’une fois brandi pour légitimer des violences, tandis que d’autres revendiquent le «droit au blasphème» et le manifestent par exemple en brûlant le Coran. Un mot valise qui, par son imprécision, nourrit les tensions au lieu d’ouvrir au débat. Quant aux chrétiens, ils se souviennent que Jésus a été condamné à mort notamment pour cause de blasphème, il vaut mieux alors être prudent dans l’usage de ce terme !
° Au risque de passer pour un «bisounours», ce qui pour certains équivaut à la disqualification suprême, il vaut mieux promouvoir et pratiquer le respect mutuel, le goût de la rencontre, de l’échange et du débat contradictoire. Ce qui suppose que l’on résiste aux attitudes de mépris qui cherchent à humilier l’adversaire, aux actes violents qui se parent d’un sacré religieux ou laïque.

3- Se lamenter ou innover ?
À partir des années 1990 régnait un climat euphorique avec la fin de la guerre froide et une mondialisation heureuse sous le signe du doux commerce. On peut parler de naïvetés face aux nouvelles dominations : une finance sans frontière ne rêvant que de profits, faisant bon ménage avec des pouvoirs autoritaires. Aujourd’hui, le temps est plutôt à la peur (climat, guerres, pauvretés…) au risque de la paralysie. Mais il y a aussi des ferments de créativité tant en économie que dans la vie sociale. Associons donc lucidité critique et ouverture à l’avenir pour formuler des projets politiques cultivant le goût de vivre ensemble au sein de la famille humaine !

4- De la culture du déchet à la culture du soin !
Dans le cadre de Justice et Paix France, Dominique Coatanéa et André Talbot conduisent un travail sur ce thème. Selon le pape François, la « culture du déchet » concerne les biens matériels, mais aussi des humains laissés en marge de la vie commune.
Une soirée permettra de faire le point sur l’avancée des travaux, avec le témoignage d’acteurs de terrain qui promeuvent des alternatives positives face à ce défi.
Vendredi 6 octobre, de 18h à 19h45, Maison Saint-Hilaire, 36 Bd Anatole France, Poitiers.

 

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