Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024  (PDF)   

Lors de la rencontre de Justice et Paix Europe à Paris, Andriy Kostyuk professeur à l’université catholique d’Ukraine représentait la commission Justice et Paix d’Ukraine. Actuellement, la commission est regroupée à Lviv. Elle a pris fermement position contre l’agression russe et son principal sujet de préoccupation est de traiter les nombreuses et diverses conséquences psychologiques de la guerre sur les populations à tous âges. « Nous n’avons pas le choix et, malgré nos peurs, nous devons tous être solidaires ».

Qui sommes-nous ?

La Commission Justice et Paix Belgique francophone est une association d’éducation populaire et une ONG belge, qui sensibilise et interpelle les citoyens, les responsables politiques, les acteurs de l’enseignement et la société civile sur les enjeux de paix, de démocratie et d’environnement. Notre organisation milite activement pour le respect des droits humains, la justice sociale et la protection de l’environnement. Nous œuvrons à l’émergence d’un modèle durable, accessible à toutes et tous, basé sur les valeurs de paix, de justice, de solidarité et de coopération entre les peuples. En Belgique francophone, l’équipe de Justice et Paix est composée de 12 personnes employées et de 120 volontaires en action, qui participent activement à différents groupes de travail, à la rédaction d’une revue et siègent également dans 3 Commissions régionales autonomes.

La CJP Belgique est créée en 1967, suite à l’appel issu du Concile Vatican II. En se structurant progressivement à travers différentes certifications et accréditations, la Commission belge a pu s’organiser et se professionnaliser, tout en maintenant son rôle d’acteur relais de l’enseignement social de l’Église.

Quels sont nos principaux champs d’action ?

Pour mener notre mission à bien, et encourager nos publics à « comprendre pour mieux agir » sur les thématiques propres à l’ADN de notre Commission (enjeux de paix, démocratie et citoyenneté, environnement et extractivisme des ressources naturelles), nous disposons principalement de 4 leviers d’action :

-La formation des citoyens et des enseignants, et la mise à disposition d’outils pédagogiques ; La sensibilisation du grand public, mais aussi des médias et des responsables politiques ;
-La recherche et l’analyse, afin de permettre aux citoyens belges de s’informer sur de nombreux sujets de société, mais aussi de découvrir des pistes d’action ;
-Le plaidoyer politique, mené avec nos partenaires belges et internationaux. Une pratique nous permettant de toucher les personnes les plus à même d’agir et de légiférer en faveur du bien commun (au niveau belge, mais aussi au niveau de l’Union européenne !).

En effet, le lien européen est essentiel pour la Commission de Belgique. De nombreuses lois et changements politiques doivent être réalisés au niveau de l’UE. D’un point de vue économique, le marché européen représente quelques 450 millions de personnes… de quoi faire bouger les lignes ! L’UE peut donc servir de caisse de résonance pour nos différents plaidoyers. Pour cela, il nous incombe de garantir un message fort et bien structuré depuis Bruxelles, mais aussi de travailler en synergie avec les réseaux européens et internationaux. Le réseau européen des Commission Justice et Paix doit – lui aussi – pouvoir utiliser à bon escient la confiance qui existe entre les différentes Commissions, ainsi que le cadre d’analyse qui est leur est commun. Comme on dit en Belgique, l’Union fait la force !

Quelques projets, actions à mettre en lumière ?

Les grands enjeux de société actuels nous poussent à mettre certaines de nos thématiques en avant. Dans un contexte de conflits internationaux, de bouleversements environnementaux et de replis politiques, un travail structurel sur les enjeux de la paix en Europe et dans le monde, sur le respect de la maison commune et sur la mobilisation citoyenne nous semble plus que nécessaire pour l’année 2023. Nous concrétiserons ces ambitions à travers différents projets spécifiques, dont nous pouvons prendre pour échantillon :

  • La collaboration actuelle avec nos partenaires de la Commission Épiscopale Nationale du Congo (CENCO) à la mise en place d’un plaidoyer international sur la situation sécuritaire à l’est de la RD Congo, ainsi que sur les grands enjeux relatifs au 4e cycle d’élections congolaises (transparence, sécurité, inclusivité).
  • Le plaidoyer sur la transition écologique est également au cœur de nos préoccupations. Nous mettons en lumière, via plusieurs projets de plaidoyer et de sensibilisation, les conséquences d’une transition écologique et énergétique portée par nos responsables politiques, basée sur les batteries, les éoliennes, les panneaux solaires, etc. qui demandent une quantité phénoménale de minerais rares et non recyclables, dont l’extraction à un coût humain et environnemental. Nous souhaitons, par notre travail, mettre à l’agenda politique des alternatives comme la sobriété et les low-tech.
  • La guerre qui sévit en Ukraine pousse la société civile et la population à se questionner sur le projet de paix en Europe. Un conflit peut amener son lot de discours simplistes, complotistes ou encore divisionnistes. Nous essayons, grâce à notre expertise sur les conflits internationaux, d’informer objectivement nos publics et les médias belges par des conférences, des analyses ou encore des formations.

Les ambitions sont nombreuses, nous avons besoin de toutes les mains et de tous les soutiens ! Vous pouvez vous rendre sur www.justicepaix.be, ou vous aurez notamment la possibilité de vous abonner à notre newsletter mensuelle ou de nous suivre sur les réseaux sociaux !

Entretien avec Daniel Darmanin, président de Justice and Peace Malta

Daniel, bienvenue à Paris à l’occasion de la réunion des secrétaires généraux des commissions Justice et Paix des pays européens ! Pouvez-vous nous présenter Justice and Peace Malta en quelques mots ?

Je préside en effet Justice et Paix Malte depuis un peu plus de cinq ans. La commission avait été créée en 1986, mais il est apparu en 2017 qu’il fallait lui donner un nouveau souffle. Nous sommes actuellement huit membres, tous laïcs, hommes et femmes, bien sûr bénévoles. Ce n’est pas un nombre très élevé, mais nous sommes très engagés. Nous sommes assez jeunes, une quarantaine d’années en moyenne, et venons d’horizons sociaux différents : employés, cadres d’entreprises universitaires, membres du secteur médical… Je suis moi-même architecte. Nous sommes épaulés par un salarié de formation ignatienne qui nous aide dans la recherche de sources documentaires dans les domaines que nous traitons. Et nous avons aussi des membres correspondants, comme chez beaucoup des commissions Justice et Paix en Europe.

Quels sont vos liens avec la Conférence des évêques de Malte ?

Ils sont très étroits. En fait, on peut dire que nous sommes presque un service de l’archidiocèse, et moi-même j’ai été directement nommé en 2017 par l’archevêque de Malte. Il n’y a que trois évêques à Malte : l’archevêque métropolitain qui est Monseigneur Charles Scicluna; son évêque auxiliaire; et l’évêque de l’île de Gozo. Nous travaillons en coopération directe avec l’évêque auxiliaire, Mgr Joseph Galea-Curmi, et évoquons fréquemment avec lui le programme de nos activités.

À ce propos, pouvez-vous nous donner un aperçu rapide de l’Église catholique à Malte ?

Malte a une tradition catholique extrêmement vivante. On compte encore 83 % de catholiques parmi la population

(qui est désormais d’un peu plus de 500 000 habitants) et si cette proportion, qui a culminé jusqu’à 95 %, a un peu baissé, c’est plutôt lié à l’apport de travailleurs immigrés en situation régulière venant d’autres continents, par exemple l’Asie, et pratiquant d’autres croyances. Malte compte 70 paroisses, desservies par environ 270 prêtres séculiers, auxquels on peut ajouter de l’ordre de 300 prêtres réguliers. Et n’oublions pas le cardinal Mario Grech qui, à Rome, assume l’éminente fonction de secrétaire général du Synode des évêques.

J’ai constaté que vous aviez un site internet bilingue https://jp.church.mt/the-commission/. Félicitations : il est bien construit, instructif, vivant !

Oui, nous veillons à le maintenir d’actualité ! On y trouve notre vision, nos missions, nos contributions écrites. Nous publions un rapport annuel (2022 Annual Report – Justice and Peace Commission (church.mt)). Nous n’hésitons pas à aller au contact des media et des autorités de notre pays.

Votre site nous donne aussi un aperçu de la langue maltaise : elle est si difficile pour nous ! On dit qu’elle est composée de 33 % de langue arabe, 55 % de langues romanes, 6 % d’anglais : c’est la seule langue sémitique qui soit écrite en alphabet latin. Mais revenons à vos travaux : dans quel esprit les menez-vous ?

Au cœur de la Méditerranée, Malte est évidemment directement concerné par la question des flux migratoires illégaux. Nous rappelons constamment la priorité à donner aux secours en mer. Et nous sommes attentifs aux prises de position du Pape et des services qui, au Saint-Siège, traitent des questions migratoires. Nous en appelons à la transparence, dans le traitement des migrants comme dans bien d’autres domaines où doit s’appliquer la doctrine sociale de l’Église. Nous avons publié en 2022 un document intitulé Yahad qui se veut une réflexion sur les voies possibles pour surmonter les divisions et contribuer à combattre les maux de nos sociétés. Nous avons d’ailleurs pu le présenter au Saint-Père et à notre président de la République.

Vous êtes membre du comité exécutif de Justice et Paix Europe et vous venez de présenter à Paris les résultats d’une enquête que vous avez effectuée auprès d’une vingtaine de commissions nationales. Quels en sont les principaux enseignements ?

En premier lieu, nous avons eu confirmation que les commissions étaient très diverses dans leur organisation, leurs effectifs, leurs ressources. Nous avons aussi noté combien les thèmes qu’elles traitaient pouvaient être variés ; certes, beaucoup se souviennent de la mission voulue par Paul VI : enseigner et diffuser la doctrine sociale de l’Église; mais vers quels domaines en priorité ? C’est là qu’il y a beaucoup de nuances, voire de différences entre les projets, même si chacune se sent une responsabilité de formation à l’égard de la jeunesse. En tout cas, toutes les commissions nationales apprécient de pouvoir être mises en réseau et de se réunir régulièrement, même par visioconférences ; c’est une manière d’exprimer une solidarité européenne. Mais on sent le besoin de continuer à analyser avec discernement ce qui pourrait être un projet commun ou une démarche commune.

Justement, vous avez proposé d’accueillir à La Valette la prochaine assemblée générale de Justice et Paix Europe, à la fin de cette année 2023. C’est un défi, d’autant que la rencontre durera sur quatre jours ?

À bien des égards, oui. Défi matériel, car même si notre pays est une destination touristique appréciée, il nous faudra aussi insuffler un vrai esprit de travail en commun. Défi d’organisation, car, par exemple, nous espérons pouvoir inviter de hautes autorités maltaises, notamment engagées dans les institutions européennes et du Saint-Siège. Et il y aura des décisions à prendre sur la gouvernance de Justice et Paix Europe. Nous proposons également un thème quelque peu nouveau pour nos échanges : une réflexion sur l’évolution du monde du travail, qui, par exemple, a été impacté par la crise sanitaire et l’est également par le recours à l’intelligence artificielle, mais qui doit rester un lieu d’expression de la doctrine sociale de l’Église.

Donc, un programme dense, que nous avons pu évoquer pendant ces journées à Paris. Bon retour à Malte et bon courage à votre sympathique équipe !