Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024  (PDF)   

Le spectacle offert au monde le dimanche 8 janvier 2023 a été surprenant : dans le paysage de carte postale du complexe architectural monumental de Brasilia, la capitale du Brésil, des milliers de personnes vêtues des couleurs de la nation et du drapeau du pays – de loin, on aurait dit un énorme essaim de fourmis – ont commencé à envahir, sans que rien ne les retienne, les bâtiments abritant les trois Pouvoirs de la République.

Quelques heures plus tard, des policiers et des soldats vêtus de noir ont commencé à apparaître sur cette même scène. On a appris par la suite que de nombreux envahisseurs avaient été arrêtés à l’intérieur des bâtiments. Mais ce n’est que le lendemain que l’on a vu les dégâts causés dans les bâtiments et appris que les manifestants étaient arrivés à Brasília les jours précédents. Il s’agissait de partisans de l’ancien président Bolsonaro, venus des coins les plus divers du pays, acheminés par plus d’une centaine de bus affrétés ou par d’autres moyens de transport.

Nous, les Brésiliens, étions spectateurs d’une tentative de coup d’État au moment même où elle se déroulait, une semaine à peine après l’investiture du président élu. Une tentative qui visait non seulement le président, mais la tête de tout le pouvoir politique du pays, par une attaque directe et simultanée dirigée contre les trois Pouvoirs.

Il est important de raconter ce qui s’est passé le lendemain, lundi 9, qui a été moins diffusé par les télévisions mais qui est extrêmement significatif : il y a eu presque automatiquement une énorme réaction de rejet de ce qui s’est passé à Brasília, de la part de la société brésilienne et des institutions politiques. Des milliers de citoyens ont organisé de grandes manifestations de rue dans les capitales du pays, à l’appel de mouvements de la société civile ; et, à l’invitation du président Lula, une grande réunion s’est tenue dans une salle du Palais présidentiel non atteinte par les casseurs, au cours de laquelle toutes les personnes présentes ont pris un engagement collectif solennel pour défendre la démocratie. Tous les ministres du gouvernement, les gouverneurs des 27 États du pays, les présidents de la Chambre des députés et du Sénat, le président de la Cour suprême présents à Brasília ont participé à cette réunion.

Puis toutes les personnes présentes ont fait un geste hautement symbolique : elles ont marché depuis le Palais présidentiel jusqu’au bâtiment de la Cour suprême, le plus touché par le vandalisme, qui se trouve de l’autre côté de la Place des Trois Pouvoirs.

L’avenir n’est pas écrit mais cette tentative de coup d’État a rendu possible la construction d’un grand front en défense de la démocratie, unissant les Trois Pouvoirs de la République et la société civile autour du slogan Reconstruction et Union. Puissions-nous réussir !

 

« C’est un fait reconnu que la paix sur terre, en tout temps désirée avidement par des hommes du monde entier, ne peut se fonder ni perdurer sans respecter scrupuleusement l’ordre établi par Dieu, l’établissement d’une paix universelle dans la vérité, la justice, la charité, la liberté »

Pacem in terris est une encyclique du pape Jean XXIII signée le 11 avril 1963. C’est une des plus célèbres encycliques du XXe siècle. Elle pose des principes repris ultérieurement, en premier lieu par Vatican II et ensuite par les encycliques du pape François, Laudato si’ et Fratelli tutti.

Pacem in terris est une première encyclique que le pape n’adresse pas aux seuls catholiques mais plutôt « à tous les hommes de bonne volonté ». En plein contexte de guerre froide, le pape explique que les conflits ne devraient pas être résolus par les armes, mais plutôt par la négociation. Il souligne l’importance du respect des droits de l’Homme comme conséquence essentielle de la compréhension chrétienne du respect de l’être humain. L’encyclique établit clairement que « … chaque homme a le droit à la vie, à l’intégrité physique et aux moyens de subsistance nécessaires à un développement de vie correcte. » (11).

Il est indéniable que le Saint pape Jean XXIII a apporté une contribution prophétique à l’analyse du monde de l’époque, de ses conflits, de ses espoirs. En rejoignant les soucis de l’humanité, et en l’occurrence le lien essentiel de la paix, l’Église s’est ouverte au monde et positionnée en défenseur de chaque personne humaine dans les grands combats du présent, efforts de développement sans lequel la paix est impossible, recherche des moyens de la paix, droits de l’Homme, indépendance des pays du Tiers Monde, combats qui connaissent un regain d’actualité aujourd’hui.

Aujourd’hui comme hier, Pacem in terris constitue une véritable synthèse sur laquelle pourrait s’appuyer à la fois les pourparlers et les organismes internationaux dans une recherche de solutions pacifiques aux nombreux conflits qui surgissent sur la planète. La pertinence de Pacem in terris repose sur des éléments incontournables, centralité de la personne humaine, sujet de droits et de devoirs, égalité et dignité inhérents de toutes les personnes sur terre, ordre moral fondé sur Dieu et requis des personnes, des pouvoirs politiques et des organisations internationales, développement intégral des personnes et des sociétés, ouverture et dialogue, vérité, solidarité, justice et liberté.

Le droit à émigrer est proclamé. « Tout homme a droit à la liberté de mouvement et de séjour à l’intérieur de la communauté politique dont il est citoyen ; il a aussi le droit, moyennant des motifs valables, de se rendre à l’étranger et de s’y fixer. Jamais, l’appartenance à telle ou telle communauté politique ne saurait empêcher qui que ce soit d’être membre de la famille humaine, citoyen de cette communauté universelle où tous les hommes sont rassemblés par des liens communs. » (25). Il s’agit donc d’un droit humain fondé sur l’idée de fraternité universelle. Dans Pacem in terris, le pape distingue trois traits qui caractérisent son époque, qu’il appelle « signes des temps » : la promotion économique et sociale des classes laborieuses, l’entrée de la femme dans la vie publique et plus de peuples dominateurs et de peuples dominés.

On peut dire que cette encyclique est une source d’inspiration pour le pape François dans sa volonté de souligner les problèmes majeurs que rencontre le monde d’aujourd’hui. Depuis son installation en 2013, il a appelé à plusieurs reprises à la paix, à la fin de toutes les guerres et des préparatifs de guerre, à la culture de la vérité et du dialogue, à la justice, à la solidarité et à la réconciliation qui sont le « mortier de l’édifice de la paix » (25/11/2019). Ce changement de paradigmes, le pape François nous y invite dans ses encycliques, dans ses déclarations, dans ses écrits et dans ses actions.

Pacem in terris est une clef contre le système vécu aux périphéries : le défi mondial aux individus et aux systèmes qui perpétuent la violence de l’Amazonie à l’Ukraine, le défi d’une approche d’une paix juste. La question qui est posée à notre monde : quelle réponse donner à des contextes de violence et d’injustices aigus, quel engagement envers la paix comme essentiel à tous ceux qui profitent des cultures de violence et la conversion des systèmes qui alimentent ces violences ?

 

Quand le cardinal Ratzinger fut élu pape, je me souviens d’opinions contraires. Sa réputation de « défenseur de la doctrine de la Foi » qui s’était opposé frontalement à la théologie de la libération semblait laisser peu de place à l’ouverture.