Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024  (PDF)   

Fin juin 2022, les Nations unies ont accueilli la deuxième Conférence sur les océans à Lisbonne, au Portugal. La première Conférence s’était tenue en 2017 à New York. L’objectif de la Conférence était de faire avancer les travaux sur l’Objectif de développement durable N°14 – « Conserver et utiliser durablement les océans, les mers et les ressources marines pour le développement durable. »

Une délégation ecclésiale de quinze personnes, dont des leaders des Premières Nations, des jeunes, des évêques et des missionnaires d’Océanie, d’Asie, d’Amérique du Nord, d’Afrique et d’Europe ont participé à la Conférence en apportant au dialogue le point de vue de la foi. Les délégués savent de première main comment les États du Pacifique subissent de plus en plus les conséquences écologiques, sociales et culturelles des industries extractives telles que l’exploitation minière des grands fonds marins, l’extraction de sable noir, l’extraction de gravier et la surpêche, entre autres. L’océan Pacifique est un déterminant connu du climat mondial et l’augmentation des températures mondiales exacerbe actuellement les phénomènes météorologiques extrêmes et provoque une élévation du niveau de la mer en Océanie.
En première ligne se trouvent les communautés indigènes locales qui sont résilientes à bien des égards, au-delà de ce qu’apportent les cultures occidentales. Pourtant, beaucoup d’entre elles luttent pour s’adapter aux multiples crises auxquelles elles sont confrontées, causées par les perturbations écologiques, économiques et les crises sanitaires continues qui affectent les vies, les moyens de subsistance et l’intégrité de leurs cultures.

En raison principalement de sa faible population et de sa dispersion, la région de l’Océanie reste l’un des domaines biogéographiques les plus négligés au monde. Cette négligence est inversement proportionnelle à son importance pour le maintien de toute vie sur Terre : un statut défini par son nom même et sa nature. L’Océanie est un océan et les océans sont des systèmes de soutien de la vie pour tous. Nous, dirigeants d’universités, chercheurs scientifiques, praticiens du savoir indigène et organismes ecclésiaux sentons que nous sommes à un point d’inflexion, avec des conséquences qui changent la vie et une responsabilité d’agir. Grâce au processus de narration et de « Talanoa«  (terme local utilisé aux îles Fidji pour décrire un dialogue participatif), il est désormais essentiel d’écouter les histoires et les préoccupations de l’Océanie et d’amplifier les voix locales des plus vulnérables, tant à la conférence des Nations unies sur les océans à Lisbonne que chez nous, en Océanie.

Un événement s’est fait l’écho du mantra de la Conférence des Nations unies « Sauvez notre océan, protégez notre avenir«  à travers les histoires religieuses et culturelles que chaque délégué océanien était invité à partager. S’exprimant à partir de leurs propres expériences au sein des communautés locales, chacun a lancé des appels particuliers à l’action en faveur des océans. Les récits ont également mis en évidence la manière dont les communautés locales et indigènes ont toujours pris soin des océans et de l’immense biodiversité avec laquelle elles sont interconnectées par le biais de croyances, de traditions culturelles, de langues, de connaissances et de pratiques écologiques.

L’invitation à échanger des histoires sur la vie au bord de l’océan à Lisbonne et dans les communautés de l’océan Pacifique a fait écho aux enseignements du pape François dans Laudato si’ sur le soin de notre maison commune. « Qui a transformé le monde merveilleux des mers en cimetières sous-marins dépourvus de couleur et de vie ? Ce phénomène est dû en grande partie à la pollution qui atteint la mer suite à la déforestation, aux monocultures agricoles, aux déchets industriels et aux méthodes de pêche destructrices… Il est aggravé par l’augmentation de la température des océans. Tout cela nous aide à voir que toute intervention sur la nature peut avoir des conséquences qui ne sont pas immédiatement évidentes, et que certains modes d’exploitation des ressources s’avèrent coûteux en termes de dégradation… » (§ 41)

*Jacki Rémond, Responsable écologie intégrale à l’Université Catholique d’Australie,
*Amy Echeverria, Coordinatrice Justice Paix et Intégrité de la Création de la société des Missionnaires de Saint Colomban, USA. 

Le 9 juillet 2011, les Soudanais du sud fêtaient leur indépendance. C’était une immense fête populaire sans grande sécurité, une fête où s’exprimait la liesse de tout un peuple heureux d’en avoir fini avec une guerre civile de « cent ans ». Onze ans plus tard, alors que le Pape François, si ses problèmes de santé ne l’en avaient empêché en dernière minute, l’archevêque de Canterbury et le modérateur de l’Assemblée générale de l’Église d’Écosse allaient se rendre à Juba pour témoigner ensemble dans ce pays à majorité chrétienne de leur sollicitude et de leur engagement répété à œuvrer à la paix, le pays est à feu et à sang. La paix n’a malheureusement duré que deux ans et les conflits inter-ethniques, alimentés par la soif de pouvoir et de possession et les intérêts de l’ancien pays mère, le Soudan, n’ont fait que rebondir au fil des ans, empêchant toute initiative de paix basée sur la reconnaissance et la dignité de tous de se développer en plénitude.

Ce ne sont pourtant pas les initiatives qui ont manqué. L’une qui nous a tous marqués, et qui visait les dirigeants du pays, s’était déroulée au Vatican à Pâques 2019 : une retraite au terme de laquelle le pape François avait embrassé les pieds des dirigeants du Soudan du Sud, les suppliant de faire la paix.

Lors d’un message commun à Noël dernier destiné aux dirigeants du Soudan du Sud, les trois responsables chrétiens catholique, anglican et presbytérien écrivaient : « En cette saison de Noël, nous nous souvenons que notre Seigneur Jésus-Christ est venu au monde parmi les plus petits – dans une étable poussiéreuse avec des animaux. Plus tard, il a appelé ceux qui souhaitent être grands dans son royaume à être les serviteurs de tous. »

Ils évoquaient leur future visite en disant : « Quand nous viendrons vous rendre visite, nous aspirons à témoigner d’une nation changée, gouvernée par des dirigeants … qui se tiennent par la main, unis … comme de simples citoyens pour devenir des Pères (et des Mères) de la Nation ». Ils disaient leur fidélité aux engagements de 2019 : « Nous restons attentifs dans la prière aux engagements pris au Vatican en avril 2019 – les vôtres pour amener votre pays à une mise en œuvre harmonieuse de l’accord de paix, et les nôtres pour visiter le Soudan du Sud en temps voulu, alors que les choses reviennent à la normale. »

Malheureusement, les tensions augmentent à nouveau à l’approche de la fin de la période de paix transitoire du pays et des élections prévues en février 2023, risquant un retour au type d’atrocités généralisées qui ont tué plus de 380 000 personnes depuis 2011. La violence, les déplacements et la faim risquent d’augmenter au cours de l’année à venir.

La mission de maintien de la paix des Nations unies au Soudan du Sud (UNMISS) vient heureusement d’être renouvelée. Mais elle aura besoin d’un soutien bien plus important que prévu si elle veut réussir à équilibrer les demandes accrues pour soutenir la mise en œuvre tardive de l’accord de paix de 2018 dans le pays avant les élections, telles que la rédaction d’une nouvelle constitution ou la formation d’une armée unifiée, avec le besoin plus immédiat de protéger les civils. Le monde ne doit pas non plus ignorer la crise humanitaire croissante, où un tiers de la population (12,4 millions au total) reste déplacé et où deux tiers ont besoin d’une aide humanitaire.

L’accord dit «revitalisé» de 2018 jette les bases d’une société unie, pacifique et prospère, fondée sur la justice, l’égalité, le respect des droits de l’homme et l’État de droit. Mais les retards continus dans la mise en œuvre de l’accord ont des conséquences, comme en témoignent les récents incidents de défections militaires et les affrontements violents qui y ont été associés. Le gouvernement de transition qui doit le mettre en œuvre ne joue finalement pas le jeu. La volonté politique manque et la pression internationale n’arrivera pas à résoudre ce problème fondamental qu’est la création d’un État de droit, où chacun soit respecté, ait voix au chapitre, soit entendu et promu.

© Maria Biedrawa : Sud Soudan : une paix introuvable ?

Une petite lumière brille à l’horizon. Près de la frontière éthiopienne se trouve le village de la Paix, à Kuron, fondé par l’évêque émérite de Torit, Mgr Paride Taban. À 86 ans, il continue d’animer ce qui est devenu au fil des ans un signe d’espoir que la paix est possible entre les communautés, les Toposa, Jie et Murle pour cette région. Auparavant, elles se battaient pour capturer du bétail et enlever des enfants. Aujourd’hui, ils sont réunis par des initiatives communes gérées ensemble comme des écoles et un centre de santé et se réunissent dès qu’une tension apparaît afin de la régler avant qu’elle ne s’envenime. Kuron donne l’idée de ce que pourrait être le Soudan du Sud si les armées venaient à en disparaître.

La visite du Pape François et des responsables religieux anglican et presbytérien est toujours attendue ardemment. Puisse-t-elle enfin avoir lieu et insuffler un autre esprit que celui de la violence comme solution à tous les problèmes.

 

Et le vainqueur est… l’abstention avec 53,8 % des électeurs inscrits…
Interrogés, les abstentionnistes font remarquer que voter ne changera rien à leur vie personnelle. Et l’on pourrait ajouter qu’une fois passées les élections,..