Pour les Mélanésiens qui l’habitent depuis des millénaires, c’est le Kanaky.

Pour les français de métropole, c’est un territoire d’outre-mer, avec son statut particulier qui lui accorde beaucoup d’autonomie. Mais c’est aussi, et en particulier pour les dirigeants français, un des signes de la grande puissance française dans le monde.

Pour des raisons aujourd’hui essentiellement géopolitiques (garder la Chine à distance et posséder des eaux territoriales immenses), les autorités semblent vouloir en faire un territoire définitivement partie intégrante de la France. Les Mélanésiens s’opposent à cette vision qui les éloigne de leur souveraineté.

Le projet de réforme électorale a rallumé les braises d’un conflit refoulé. Et le transfert et l’incarcération en métropole de leaders indépendantistes plus radicaux ne peuvent manquer de rappeler ceux du général haïtien Toussaint Louverture emprisonné au fort de Vaux ou en sens inverse ceux de militants kabyles réclamant l’indépendance et envoyés en Nouvelle Calédonie.

On peut craindre d’y voir le signe d’une résurgence coloniale. L’avenir du Kanaky peut encore être pensé de manière harmonieuse entre les leaders mélanésiens traditionnels et la puissance coloniale pour un pays souverain associé à la France.

Encore faut-il commencer à écrire cette nouvelle page.

Télécharger la Lettre n°304 septembre 2024  (PDF)   

1 – Une notion ambiguë : le « progrès »
La référence au progrès a perdu de sa superbe, mais elle resurgit de temps en temps. Elle a dessiné un clivage entre ceux qui mettaient l’accent sur les héritages du passé (les conservateurs) et ceux qui privilégiaient les découvertes et les avancées (les progressistes). L’idée de progrès fut largement partagée, considérant souvent le passé, et tout spécialement le moyen âge, comme un temps de ténèbres, ce qui est simpliste et injuste. Elle induisait une confiance dans l’avenir et une vision positive du changement, avec des appréciations naïves et souvent irresponsables : « tout nouveau, tout beau » !

Un coup décisif fut porté au mythe de progrès par la Grande Guerre : des nations qui se présentaient comme « civilisées » s’enlisaient en un conflit meurtrier ; les avancées techniques servaient d’abord à détruire les biens et les hommes. La deuxième guerre mondiale a amplifié ces capacités destructrices, avec notamment l’arme nucléaire, tout en diffusant des idéologies porteuses de mort.

Nous prenons conscience de la manière dont les activités humaines, grâce aux « progrès », menacent l’avenir de la vie sur terre. La référence au progrès paraît bien simpliste et n’incite guère à résister aux dangers qui nous menacent. Mais est-il pertinent de jouer au blasé revenu de tout, de s’abandonner à un réalisme désespéré ? Non ! Il vaut la peine de solliciter notre intelligence, pour cultiver notre esprit critique et soumettre nos projets à de vrais débats, en vue d’humaniser notre vie commune.

2 – Des avancées  pour mieux servir la vie
* Des leçons concernant les déviances ravageuses ont été retenues, mais d’autres menaces appellent notre vigilance. Notons que des réalisations positives méritent d’être appréciées à leur juste valeur et soutenues aujourd’hui encore. Le préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) fait référence aux tragédies liées à la guerre. En Europe, une génération de responsables a eu le courage de travailler à l’union entre des pays ennemis, au lieu d’entretenir un esprit de revanche. Et il y eut bien sûr la création de l’ONU ; c’est dans ce cadre que s’élabore un droit international, en précisant ce qui doit être dénoncé comme crime de guerre, crime contre l’humanité, génocide, sans oublier la mise en place de la Cour pénale internationale (CPI).

* Récemment il y eut les prises de conscience sociétales afin que la dignité et les capacités des femmes se trouvent effectivement reconnues. Notons encore la prise en compte de la souffrance des victimes d’inceste, de pédocriminalité. Il est important de considérer les avancées concrètes concernant le respect de la dignité humaine, notamment des plus fragiles. Mais il reste encore beaucoup de chantiers à ouvrir.

* Veillons à ce qu’une dénonciation de naïvetés coupables liées à l’idée de progrès n’induise pas un esprit défaitiste, incapable de reconnaître les indéniables avancées en matière de droits humains. Plutôt que favoriser un désespoir stérile, il vaut mieux dénoncer les atteintes à la dignité humaine, de manière à favoriser la reconnaissance mutuelle et la solidarité face aux défis de la vie. Des situations indignes appellent un sursaut de responsabilité commune : le soutien aux victimes de la grande pauvreté (dans notre pays et dans le monde), la prise en charge du grand âge, la lutte contre l’exclusion sociale, l’accueil des réfugiés et des migrants, etc. Les associations jouent un grand rôle en ces domaines, mais les instances politiques, qui ont en charge la promotion du bien commun, doivent assumer leur propre responsabilité.

* Pour servir la vie, il est bon de cultiver une utopie positive : le rêve réaliste d’une humanité plus solidaire et fraternelle, plus pacifique et respectueuse de l’environnement. Évitons surtout de sombrer dans le cauchemar d’un monde sans projet et sans avenir, d’une nostalgie désespérée et souvent violente.

3 – Un « oubli » dans le débat électoral : la dissuasion nucléaire
* Nous vivons un temps fort démocratique, mais les politiques manifestent une timidité redoutable pour éviter d’aborder des sujets graves, tandis que les médias préfèrent s’enflammer à propos d’une phrase ambiguë ou d’un raté des pouvoirs publics. Or la possession et la modernisation de l’arme nucléaire nous concernent comme citoyens ; mais comme la loi du silence prévaut, on en déduit que « ça n’intéresse personne ».

* Pour en savoir plus, on peut consulter « Initiatives pour le désarmement nucléaire » (IDN), une instance créée à l’initiative de personnalités telles que Paul Quilès, ancien ministre des armées, aujourd’hui décédé, ou le général Bernard Norlain. IDN a commandé un sondage dont les résultats peuvent interroger : 70% des Français (78% des 25-34 ans) considèrent que l’arme nucléaire met en péril la sécurité du monde.

* Cessons d’infantiliser les citoyens, ils sont capables d’entendre les questions difficiles, surtout quand leur vie et celle de leurs enfants se trouvent en cause. On peut regretter que notre pays soit peu actif pour promouvoir un désarmement nucléaire général et progressif. Certes, la situation actuelle conduit à envisager une défense européenne pour faire face aux menaces. Mais il faut aussi redire que la course aux armements mobilise des richesses considérables qui ne sont pas consacrées au développement des pays les plus pauvres ; la famine est une violence faite à des populations, la misère engendre des troubles qui entravent une amélioration des conditions de vie ; une telle spirale négative appelle à un sursaut collectif.

* Reparlons donc d’avancées désirables : faire reculer la grande pauvreté en ravivant les objectifs du développement durable (ODD) qui vont de 2015 à 2030 ; promouvoir des négociations en vue de juguler la course aux armements.

4 – Une humanité en souffrance
* Actuellement, dans le monde, 100 millions de personnes se trouvent déplacées (dont 4/5 dans leur propre pays), en raison de conflits divers ou de guerres ouvertes. On peut imaginer la souffrance de devoir fuir en abandonnant ses quelques biens et ses relations habituelles. Il y aura aussi de nombreux réfugiés climatiques ; plutôt qu’ériger des murs et cultiver la peur de l’étranger, il vaut mieux se préparer à accueillir fraternellement.

* Selon Amnesty international, il y eut plus de 600 exécutions capitales au cours de l’année 2021, dont plus de la moitié en Iran. Un pays qui passe actuellement sous les radars médiatiques, même quand il s’adonne à des pratiques condamnables.

* On en parle peu, mais 360 millions de chrétiens (de différentes confessions) subissent des brimades et des persécutions dans plus de 50 pays. Durant l’année 2021, environ 6000 personnes ont été tuées en raison de leur appartenance chrétienne. Pensons notamment aux dizaines de victimes dans une église catholique, au Nigéria, le jour de la Pentecôte.

André Talbot

Télécharger le n°45 juin 22     

Rendez-vous dans un mois pour le prochain numéro de # DIÈSE,
Un demi-ton au dessus du bruit de fond médiatique

 

La guerre en Ukraine et les tensions persistantes dans les Balkans et dans le Caucase nous invitent à repenser à nouveau la sécurité en Europe.
C’est pourquoi, lors de ce colloque, nous voulons découvrir la réflexion

Repenser la sécurité – Rethinking Security

lancée et portée par l’Église protestante de Bade, en Allemagne, depuis 2019.
Convaincus avec le Pape François que « toute guerre laisse le monde pire que dans l’état où elle l’a trouvé […], elle est toujours un échec de la politique et de l’humanité, une capitulation honteuse et une déroute devant les forces du mal »,
Convaincus avec Gandhi que « la fin est dans les moyens comme l’arbre est dans la semence », nous nous interrogerons sur la façon de faire aujourd’hui de la non-violence active le cœur d’un projet de société européenne,

-en recherche de sécurité commune,
-encourageant la résistance non-violente civile,
-engagé pour une paix préventive et juste,
-faisant preuve d’un réalisme politique courageux.

*Télécharger le programme en  français, ou en anglais

Lieux :
9h30 – 12h30 (accueil à 9h00),
Couvent Saint François
7, rue Marie-Rose (Paris, 14ème).
M° Alésia – Bus n°62, 68, 92, 38.
14h00 – 17h30
Maison Anne-Marie Javouhey,
57, rue de Fbg Saint Jacques (Paris, 14ème).
M° Denfert Rochereau ou Saint Jacques.

Inscriptions:
https://www.eventbrite.fr/e/billets-repenser-la-securiteen-europe-rethinking-security-in-europe-299115361097
Participation aux frais: 15 €

 

Selon les modalités actuelles, les élections législatives ont lieu juste après la présidentielle, au risque d’être vampirisées par celle-ci. D’une part, s’ensuit un double dommage pour la vie démocratique : une concentration des pouvoirs sur le président de la République et, généralement, un alignement des députés majoritaires qui parasite les débats parlementaires. D’autre part, le scrutin par circonscription ne facilite pas la représentation du paysage politique en sa diversité. Ces risques peuvent être atténués, les électeurs restant maîtres de leurs suffrages.

L’élection de représentants du peuple constitue un temps fort de la démocratie. Des députés proches du terrain peuvent être témoins et acteurs d’un saine articulation entre la démocratie participative, qui comprend l’engagement des citoyens, et la démocratie représentative. L’unité nationale se forme alors, non autour d’un personnage central, mais dans la recherche d’un bien commun qui assume les tensions du corps social et qui passe par des compromis.

Le bien commun n’est pas le résultat d’un brutal rapport de force au bénéfice des plus puissants, il prend corps dans le respect de la dignité humaine et la promotion de la justice sociale. Pour préparer notre vote, nous pouvons être attentifs à deux points : – la situation des membres les plus fragiles de notre société, ceux qui subissent durement les effets de la pandémie et les conséquences de la guerre qui endeuille l’Europe, – l’avenir de la vie sur notre terre, défi auquel les plus jeunes sont très sensibles.

La période électorale met au jour les tensions qui traversent le corps social ; c’est justement la force de la démocratie de construire l’unité du peuple à partir des différences. Mais la fraternité inscrite sur les édifices publics nous sollicite aussi en vue du respect mutuel, y compris à l’égard d’un adversaire. Une telle fraternité basée sur les droits humains ne s’arrête pas aux frontières : les drames actuels nous rappellent que l’hospitalité et la solidarité sont des ferments de paix.