Les femmes afghanes en voie d’effacement

Le 8 mars dernier, Journée internationale des femmes, les Nations Unies enjoignaient les « autorités de facto » d’Afghanistan à lever « les restrictions draconiennes imposées aux femmes ». L’ONU considère ce pays d’Asie centrale comme le « plus répressif au monde » pour les droits des femmes, la situation ne cessant de se dégrader depuis l’arrivée au pouvoir des talibans, quand ils sont entrés dans Kaboul, le 15 août 2021, à la faveur du retrait des forces américaines et de l’OTAN.

Depuis, malgré les promesses initiales, les restrictions s’ajoutent aux restrictions, pour exclure les femmes de l’espace public. « Il est affligeant, constate Roza Otunbaya, cheffe de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA), d’assister aux efforts méthodiques, délibérés et systématiques pour écarter les femmes et les filles de la sphère publique, imposant des règles qui laissent la plupart d’entre elles enfermées chez elles ».

L’une des mesures particulièrement symbolique porte sur l’école. Depuis septembre 2021, les filles n’ont plus le droit d’aller au collège et au lycée. En décembre 2022, ce fut au tour des étudiantes d’être écartées des universités. Après la longue coupure hivernale, les cours ont repris début mars dans les universités afghanes. Sans les filles.

Les exigences vestimentaires sont strictes et les manquements même mineurs sévèrement jugés ; la liberté de mouvement des femmes est empêchée : il leur est interdit d’aller dans les parcs et jardins publics, dans les salles de sport. Pour des longs trajets, elles doivent être accompagnées par un « chaperon » masculin. Elles ont été exclues des emplois dans les services publics et il ne leur est plus possible de travailler pour des Organisations non gouvernementales. Les militantes des droits de l’homme et journalistes sont menacées, emprisonnées, parfois victimes de torture ou de disparition, selon une enquête d’Amnesty International. Le système de protection des femmes et des enfants a volé en éclats, entraînant une forte augmentation des violences, des mariages forcés, des mariages précoces, des mariages de jeunes enfants même. Le nombre de suicides de femmes connaît également un fort accroissement.

© Shamsia Hassani

Comme en témoignent les dessins de Shamsia Hassani, que nous publions ici, malgré ce quotidien terrible, des femmes continuent de résister, des écoles plus ou moins clandestines continuent à accueillir des adolescentes… Selon l’Agence France Presse, elles étaient une vingtaine à manifester le 8 mars à Kaboul pour les droits des femmes !

© Shamsia Hassani

Les Afghans subissent en outre les effets d’une grave crise économique et humanitaire. Les causes en sont multiples : les femmes privées d’emploi et donc de revenus, le quasi effondrement du système de santé, le chômage, l’inflation, trois années de sécheresse, mais aussi les sanctions internationales, la suspension de l’aide au développement, le gel des avoirs de la Banque centrale d’Afghanistan aux États-Unis. Les deux tiers de la population afghane (28,3 millions de personnes) auront besoin cette année d’une aide humanitaire d’urgence, selon l’ONU.

En Afghanistan, « on ne punit pas les femmes, on les détruit », témoigne Solène Chalvon-Fioriti, réalisatrice d’un documentaire diffusé sur France 5, le 12 mars dernier. Les talibans le comprendront-ils un jour : cet « apartheid » accable certes prioritairement les femmes, mais, en se privant de leur force, il pénalise l’avenir de tout le peuple afghan. Ces discriminations, confirme l’ONU, « nuisent au redressement du pays ».