Conférence du Conseil sur les Approches chrétiennes de la défense et du désarmement, à Paris

Le Conseil (CCADD) rassemble des fonctionnaires civils, des militaires, des experts et des théologiens catholiques et protestants depuis 1963. Il se réunit une fois par an.

La réunion qui vient de se tenir à Paris a été organisée par Justice et Paix- France avec le soutien du Secours Catholique ‑ Caritas France.

53 participants, catholiques et protestants représentaient, outre la France, les pays suivants : Allemagne, Autriche, Belgique, États-Unis, Irlande, Pays-Bas, Pologne, Royaume-Uni, Slovaquie, Ukraine.

Deux évêques ont participé aux travaux : Mgr Michel Dubost, évêque d’Évry-Corbeille-Essonnes, ancien président de Justice et Paix- France et Mgr Marc Stenger, évêque de Troyes, président de Pax Christi France. Un ancien ministre de la Défense, Paul Quilès, et Pierre Morel, ancien ambassadeur à Moscou, Pékin et auprès du Saint-Siège ont également participé aux travaux, du côté français. Du côté américain, étaient présents Thomas Graham et Pierce Corden, qui ont exercé d’importantes responsabilités dans les négociations de désarmement nucléaire de l’immédiat après-guerre froid. Dans la délégation allemande figuraient des professeurs à l’Université de la Bundeswehr (Friedrich Lohmann) et à la Führungsakademie (école de formation des officiers supérieurs et généraux), Hartwig von Schubert.

Denis Viénot, Patrick Hénault, André Talbot, Nayla Haddad et Michel Drain ont participé à la Conférence. Françoise Damour a assuré son organisation pratique.

Quatre causes d’instabilité ont été identifiées : une diffusion de la puissance ; un affaiblissement relatif des États-Unis ; une présence croissante des acteurs non étatiques de toute nature ; une affirmation des identités au détriment des unités politiques constituées. Les liens qui s’établissent entre les crises, l’affaiblissement des acteurs régionaux et le renforcement des lignes de fracture, notamment religieuses, contribuent à l’aggravation des conflits. Les blocages du Conseil de sécurité compliquent leur règlement. Dans un tel contexte, la politique étrangère semble se résumer à un choix « entre le préférable et le détestable », avec d’inévitables risques d’erreur en cas d’intervention militaire, comme par exemple en Libye.

En ce qui concerne la responsabilité de protéger, Cécile Dubernet (maître de conférences à l’Institut catholique de Paris) a reconnu que cette notion suscitait moins d’intérêt qu’au moment de son adoption par l’ONU en 2005. Son renouveau suppose de la prendre dans sa dimension civile et de prévention, de l’inscrire dans une vision de long terme de l’avenir des sociétés concernées et de prendre appui sur les capacités d’organisation des victimes elles-mêmes.

Sébastien Dechamps (responsable des urgences internationales au Secours catholique) a fait état de la multiplication des crises au plus haut niveau de gravité humanitaire.  4 crises ont actuellement atteint ce stade : en République centrafricaine, au Soudan du Sud, en Syrie et en Irak. Présentant les principes de l’action humanitaire (humanité, impartialité, indépendance, neutralité), il a souligné l’absolue nécessité d’une distinction claire entre action humanitaire et intervention militaire.

Les participants se sont inquiété des difficultés nouvelles de la gouvernance mondiale à laquelle les puissances émergentes, notamment la Chine, sont mal associées. Il a été remarqué que la Chine avait abandonné dans son discours stratégique la notion « d’ascension pacifique ».

La crise ukrainienne et l’avenir de l’OTAN ont été au centre des débats sur la sécurité européenne. Dominique David (Directeur exécutif de l’IFRI) a, avec d’autres, plaidé pour que l’Union européenne définisse mieux ses objectifs de long terme dans une situation très complexe. Un intervenant a exprimé la crainte que le Donbass occupé par les forces hostiles à Kiev devienne une nouvelle Transnistrie. Les participants ukrainiens ont surtout appelé à la fermeté de l’Occident face à une intervention russe qu’ils ont qualifiée d’invasion. S’agissant de l’OTAN, le soutien aux mesures prises au sommet du Pays de Galles a été assorti d’un souhait que le dialogue politique soit maintenu avec la Russie.

De nombreux participants ont exprimé la crainte d’une impasse du désarmement nucléaire. Soulignant que les actuelles tensions avec la Russie étaient d’une tout autre nature que l’affrontement bloc à bloc de la guerre froide, Paul Quilès a estimé que les puissances nucléaires avaient, en dernière analyse, un intérêt commun à réduire progressivement la place de l’arme nucléaire dans leurs dispositifs de défense, particulièrement en Europe.

Enfin la Conférence s’est intéressée aux menaces liées aux nouvelles technologies: les fragilités des systèmes d’information (l’offensive dispose-t-elle en ce domaine d’un avantage structurel sur la défensive ?) et l’utilisation par les mouvements terroristes des réseaux sociaux (aucune parade technique efficace ne semblant pouvoir être trouvée).