Tribune : Conflans-Sainte-Honorine

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Attentat de Conflans-Sainte-Honorine : aux racines du mal

19 octobre  2020

Le terrorisme islamiste a des cibles désignées. Il y eut la communauté juive à Toulouse et à Vincennes, des soldats et des policiers, les dessinateurs de Charlie Hebdo, les lieux de loisirs et de convivialité du Bataclan et des cafés alentour. Il y eut le P. Hamel dans son église. Aujourd’hui, c’est un enseignant d’histoire qui a été sauvagement assassiné par un jeune homme, au nom de l’islam. Ces cibles, ce sont les modes de vie de nos sociétés occidentales : une liberté, une mixité, une laïcité, une égalité, bien imparfaites certes mais profondément nécessaires. Une société où l’individu est libre de croire ou de ne pas croire. Où les domaines du politique et du religieux sont bien distincts, au risque, parfois, de ne pas accorder de place à la parole des croyants.

Peu importe que ces attentats soient très organisés, par des réseaux puissants et complexes, ou qu’ils soient l’œuvre d’un homme seul, excité par les paroles entendues sur les réseaux sociaux ou dans la bouche de quelque imam radical ; la propagande des mouvements islamistes extrémistes imprègne les cerveaux de certains de nos concitoyens, jusqu’à en faire des bourreaux.

Il n’est pas question de trouver quelque excuse à l’acte ignoble perpétré vendredi  16 octobre devant un collège de banlieue parisienne. Il faut désigner et juger les responsables, les propagateurs de haine, les financeurs coupables, ceux qui regardent les photos atroces par voyeurisme ou par véritable soutien, ceux qui laissent faire… Mais peut-être faut-il s’interroger sur nos propres responsabilités, nos limites. Pourquoi cette porosité entre des idées extrémistes et des jeunes vivant dans notre pays ? Pourquoi ont-ils été séduits ? Se sentent-ils exclus ? La dénonciation de l’islamophobie tend à victimiser les musulmans et risque de les convaincre que les lois de la République ne sont pas faites pour eux. Mais il s’agit de regarder en face les réalités : mal logement, difficultés scolaires, accès à l’emploi compliqué, contrôles policiers parfois discriminatoires…

La lutte contre l’islamisme radical est nécessaire. Mais soyons attentifs, malgré l’émotion et la colère, sous la pression des surenchères politiques, à ne pas donner à la communauté musulmane –horrifiée dans sa grande majorité de l’image que ces terroristes donnent de leur foi– le sentiment d’un acharnement, d’une suspicion généralisée.  Soyons attentifs à préserver un juste équilibre entre sécurité et liberté, à ne pas en rester aux sanctions et à la répression, à travailler sur l’éducation, l’accompagnement des parents… Le pape François et le grand iman d’Al-Azhar, en février 2019, l’ont affirmé d’une même voix : « Nous déclarons adopter la culture du dialogue comme chemin ; la collaboration commune comme conduite ; la connaissance réciproque comme méthode et critère ».  Ces mots, qui s’adressent d’abord aux croyants (mais pas seulement), sont difficiles à entendre quand l’horreur vous saisit. Mais ils proposent un chemin.