Sainte-Mère-Église, une maison pour la paix

Le cycle de commémorations du 80e anniversaire de la Libération, inauguré le 7 avril dernier en Savoie par le Président de la République durera plus de sept mois en divers lieux. C’est faire mémoire des combats, mais c’est avant tout se souvenir des femmes et des hommes dont le courage a permis à notre pays de retrouver tant sa liberté que sa dignité. La reconstruction et la naissance de l’Europe viendront ensuite…

Un des moments forts de ces célébrations sera le 6 juin à Sainte-Mère-Église. Petit village de 1 600 habitants en 1944, il a été le premier village français libéré lors du débarquement des alliés en Normandie. Ce village, rendu célèbre par le film « Le jour le plus long » en 1962 est devenu un symbole de la Libération mais aussi des combats sanglants du débarquement. Avec son parachutiste accroché au clocher, ses musées qui rassemblent quantité d’engins de combat, ses nombreuses boutiques de surplus militaires, il accueille plus de 700 000 touristes par an.

Sur une carte, on est frappé aussi par l’emplacement de Sainte-Mère-Église, situé presque à équidistance entre deux grands cimetières militaires, l’un Allemand et l’autre Américain. Le cimetière américain d’Omaha Beach, sur le lieu même du débarquement, regroupe les tombes de 9 387 soldats morts au combat. Le général Théodore Roosevelt Jr, fils du président Théodore Roosevelt et cousin du président alors en fonction Franklin Roosevelt, y est inhumé, parmi ses hommes et près de son frère abattu par deux chasseurs allemands en 1918. Le Président Eisenhower dira là quelques années plus tard : « Je hais la guerre comme seul peut le faire un soldat qui l’a vécue ». Cette phrase restera gravée sur un des piliers du mémorial. Un peu plus loin, beaucoup plus sobre, se trouve le cimetière allemand de la Cambe où reposent 12 000 soldats allemands. Le petit musée à l’entrée donne à voir des lettres de soldats allemands, des pères, des époux qui attendent le retour au foyer. Mais parmi eux se trouve aussi la sépulture du général SS Adolf Diekmann qui a donné l’ordre du massacre d’Oradour sur Glane.

Qu’ils soient Alliés ou Allemands, beaucoup sont très jeunes : 18, 19 ou 20 ans. Tous sont morts sur cette terre normande. Et comme un trait d’union entre Omaha Beach et la Cambe, les sépultures de ceux qui se sont entretués hier, se trouve Sainte-Mère-Église. Pour ses habitants, leur village est avant tout un lieu de mémoire. Un lieu de souffrance où l’histoire personnelle s’inscrit dans la grande Histoire. Pour l’un, c’est sa naissance dans un fossé alors que ses parents tentent de fuir dans cette aube de feu et de sang. Pour l’autre, c’est un père, un frère, sortis de la maison et jamais revenus ou bien encore un collège qui met sur la route tous ses pensionnaires : « Rentrez chez vous, on ne peut pas vous garder ». À 11 ans, seul, au milieu des combats, il faut trouver le chemin de la maison. Aujourd’hui très âgés, ils sont là, ils en témoignent encore…

Pour tous ceux-là et pour d’autres, Sainte-Mère-Église ne pouvait être seulement un lieu de commémorations internationales à chaque « grand anniversaire », un lieu de tourisme qui ne parle que de combats, ou pire, de parade pour les nostalgiques de la guerre qui défilent en tenue sur des Jeep camouflées.

Alors est née la « Maison de la Paix ». Située au centre du village, cette maison abrite une communauté de religieuses, à l’origine internationale pour être signe et témoin de la paix entre les peuples. Mais trop de difficultés sont venues à bout de la persévérance des religieuses. On peut, entre autres, se souvenir d’une jeune sœur allemande mal acceptée par les personnes de passage et souvent victime de propos acerbes. Peu à peu, chacune est repartie dans son lieu d’origine. La paix est fragile, il ne suffit pas de la vouloir. Elle est toujours à construire, une autre communauté a pris la suite.

Une association « Amis de la maison de la paix » a ainsi été créée. Chaque année, ils organisent, autour du 6 juin, une marche internationale pour la paix qui rassemble autour de 1 000 personnes, de toutes générations. Alliés et ennemis d’hier marchent main dans la main pour rejoindre les anciens lieux de combats et témoigner que l’amitié et la fraternité entre les peuples sont possibles. Et surtout que la réconciliation et la paix sont une joie.

La grange réaménagée, au bout du jardin, permet d’accueillir des groupes de jeunes. Un programme pédagogique est en place et fonctionne bien. On rencontre aussi des pèlerins, des touristes, ceux qui sont venus sur les tombes de leurs proches restés sur cette terre normande, tous ceux qui cherchent autre chose. Quoi ? Ils ne le savent pas toujours mais ils repartent avec un message d’Espérance et de Paix.