François et l’écologie
La question écologique est apparue dans l’espace public au début des années 1970. À cette époque le pape Paul VI mettait l’accent sur le développement des peuples. Jean-Paul II et Benoît XVI ont abordé le thème de l’écologie, mais sans produire des documents majeurs.
Un véritable tournant est opéré avec le pape François qui publie l’encyclique Laudato si’ (LS) en mai 2015 : il adresse son message « à chaque personne qui habite cette planète » (§ 3). Il en fait un acte politique, ayant poussé les équipes de travail pour une parution en amont de la COP 21 réunie à Paris à l’automne de la même année. L’écho de ce texte majeur déborde largement les frontières de l’Église, il est reçu de manière positive, notamment par tous ceux qui considèrent l’écologie comme un défi vital de notre temps. Huit ans après, François a publié l’exhortation apostolique Laudate Deum centrée sur la question du changement climatique. Premier pape formé au temps du concile Vatican II, ordonné prêtre en 1969, il a bien intégré que « Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs des disciples du Christ » (Gaudium et Spes § 1). Il note d’ailleurs « l’intime relation entre les pauvres et la fragilité de la planète ; la conviction que tout est lié dans le monde » (LS § 16). Ce thème « tout est lié », les questions sociale et écologique, reste un marqueur central du message.
Tout en s’adressant à un public très large, François déploie les ressources propres de la foi chrétienne (LS ch. 2) pour fonder une critique de certains aspects de notre modernité et surtout présenter une perspective positive : face aux fragilités qui marquent notre planète, mais aussi notre condition humaine, nous pouvons décider que la responsabilité éclairée consiste à prendre soin tant des humains souffrants que de notre terre. La critique du paradigme technocratique porté par l’idée d’une croissance infinie, apparaît centrale : l’efficacité affichée se montre destructrice, il faut donc envisager une autre politique, respectueuse de la durabilité et de la qualité de la vie. François interroge directement les croyants afin que leurs actions ne viennent pas contredire leur foi en s’adonnant « au mauvais traitement de la nature, à la domination despotique de l’être humain sur la création, aux guerres, à l’injustice et à la violence » (LS § 200).
La critique est radicale « plus le cœur de la personne est vide, plus elle a besoin d’objets à acheter, à posséder et à consommer », mais non désespérée : « il n’y a pas de systèmes qui annulent complètement l’ouverture au bien, à la vérité, à la beauté, ni la capacité de réaction que Dieu continue d’encourager du plus profond des cœurs humains » (LS § 205). Un rebond est possible grâce à une éducation qui contribue à développer des habitudes positives, par exemple, « se couvrir un peu au lieu d’allumer le chauffage ». L’enseignement se fait donc tout à fait concret.
Mais cela suppose une conversion à la fois personnelle et communautaire, afin de « promouvoir une protection généreuse et pleine de tendresse. En premier lieu, elle implique gratitude et gratuité » (LS § 220). « Cette même gratuité nous amène à aimer et à accepter le vent, le soleil et les nuages, bien qu’ils ne se soumettent pas à notre contrôle » (Ls § 228). Notre capacité d’amour se trouve ainsi mobilisée au service de la justice sociale et d’un rapport pacifié et durable à notre environnement, elle prend aussi la forme d’une prière à Dieu : « Apprends-nous à découvrir la valeur de chaque chose, à contempler, émerveillés, à reconnaître que nous sommes profondément unis à toutes les créatures sur notre chemin vers ta lumière infinie ».
Le pape François restera dans la mémoire du monde et de l’Église, d’abord par son nom en référence à la grande figure de François d’Assise : un homme toujours en quête du dialogue avec les humains, dans une proximité joyeuse et pacifiée avec la nature. L’enseignement de François aide à discerner la racine du mal qui conduit aux guerres et à la destruction de notre terre. Il met en lumière une fascination pour la puissance qui conduit à des dominations dévastatrices, à des emprises qui dénient la dignité humaine et mettent en cause la qualité de la vie sur terre. Son attention à la cause écologique et aux risques du dérèglement climatique se trouve en phase avec le souci des plus démunis, notamment les migrants.
On peut parler d’une voix prophétique qui n’en reste pas à des dénonciations générales, mais qui porte l’attention sur le mal être et le mal vivre qui marquent notre monde. L’heure est aussi aux souhaits : que l’Église continue de manifester un prophétisme concret, à la manière de François, par une attention aux peines et aux joies en ce monde ; que celui qui sera élu évêque de Rome et donc pape continue de relier étroitement annonce du salut en Jésus Christ et engagement au cœur des enjeux humains les plus prégnants.
par André Talbot, Justice et Paix France