À quoi sert le Parlement européen ?

L’enjeu des élections européennes est souvent sous-estimé. Ces élections qui peuvent éveiller chez certains électeurs la tentation d’un vote de protestation sans risque sont pourtant de nature à modifier sensiblement les conditions de fonctionnement des institutions européennes.

Elles auront des conséquences significatives sur un grand nombre de politiques qui affectent directement nos conditions de vie, qu’il s’agisse, par exemple, d’environnement, de santé ou de sécurité alimentaire.

Il est donc utile, à quelques semaines des élections européennes, de rappeler la raison d’être et les missions du Parlement dont nous allons désigner les membres français.

 

Le Parlement européen, instrument de démocratisation des institutions européennes.

L’article 10 du Traité sur l’Union européenne dispose que « le fonctionnement de l’Union européenne est fondé sur la démocratie représentative » et que « les citoyens sont directement représentés, au niveau de l’Union, au Parlement européen ». En conséquence, le Parlement européen dispose de pouvoirs étendus : il exerce conjointement avec le Conseil, où sont représentés les gouvernements des États membres, les fonctions législatives et budgétaires. Il assure également des fonctions de contrôle politique, tout particulièrement en ce qui concerne l’action de la Commission.

Avant d’entrer dans le détail de ces attributions, on rappellera que, dans la prochaine législature de cinq ans, le Parlement comptera 751 membres. Cet effectif est réparti entre les États membres selon une règle de proportionnalité dégressive. Aucun État ne peut élire moins de 6 ou plus de 96 députés européens. L’Allemagne, par exemple, élira 96 députés, la France 74, le Royaume-Uni 73 et Malte 6. Les suffrages n’auront donc pas le même poids selon qu’ils seront émis dans un « grand » ou un « petit » État. Cette inégalité garantit le droit de tous les pays membres, même les moins peuplés, à une expression politique diversifiée. Elle réduit toutefois la légitimité démocratique du Parlement européen.

Cette légitimité résulte plutôt de l’accord du Parlement et du Conseil. On notera à ce propos que, si la composition du Parlement européen ne reflète que très imparfaitement les équilibres démographiques de l’Union, les règles de vote au sein du Conseil en tiennent plus exactement compte : la majorité qualifiée requise pour les principales décisions du Conseil doit en effet réunir les voix de 55% des États membres représentant au moins 65% de la population de l’Union.

Par contraste avec le Conseil, le Parlement européen rend toutefois possible un débat politique supranational, qui pourrait à terme favoriser la naissance d’un espace public européen transcendant les limites nationales. Les députés au Parlement européen ne siègent pas en effet comme délégués de leur pays mais comme membres de groupes politiques européens, eux-mêmes émanations de regroupements au plan européen des différents partis nationaux. Dans le Parlement sortant, les députés se répartissaient entre les sept groupes politiques suivants : Parti Populaire européen (Démocrates-Chrétiens) (PPE) (275 députés), Alliance progressiste des Socialistes et des Démocrates (S et D) (194 députés), Alliance des Démocrates et des Libéraux (ADLE) (85 députés), Verts/Alliance libre européenne (56 députés), Conservateurs et Réformistes européens (conservateurs britanniques et droite eurosceptique modérée) (57 députés), Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique (gauche radicale) (35 députés), Europe de la liberté et de la démocratie (FED) (nationalistes de droite) (32 députés).

C’est au sein de ces groupes que les intérêts nationaux s’expriment : chaque groupe est en effet organisé en délégations nationales. S’agissant des 74 députés européens français sortants, ils se répartissent entre les groupes PPE (30 membres UMP et UDI), Verts (14 membres EELV), S et D (11 membres PS), ADLE (6 membres MODEM ou apparentés), Gauche unitaire (5 membres Front de gauche ou apparentés), FED (1 membre du Mouvement pour la France), les autres (Front national) étant non inscrits.

Les groupes politiques jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement du Parlement européen. Les présidences et vice-présidences du Parlement et de ses commissions sont réparties en fonction de leurs effectifs respectifs. Les groupes fixent collectivement l’ordre du jour du Parlement ; les amendements sont déposés en leur nom. Il serait donc très souhaitable que l’électeur puisse, lors de son vote pour une liste de candidats au Parlement européen, connaître le groupe politique européen auquel ces candidats envisagent de s’inscrire. Ce n’est cependant pas toujours possible, étant donné que les députés sont élus dans un cadre national par des partis qui peuvent se réserver la possibilité de choisir leur groupe européen de rattachement après l’élection. Mis à part le Front national, les principales listes présentées en France lors des prochaines élections devraient toutefois défendre chacune les couleurs d’un groupe européen déterminé (PPE, S et D, Verts, ADLE et Gauche unitaire).

 

Le Parlement européen, législateur et autorité budgétaire, à égalité avec le Conseil.

Représentant direct des citoyens européens, le Parlement européen exerce les fonctions de base d’une assemblée parlementaire en régime de démocratie représentative : il vote les lois et adopte le budget.

Le vote des normes européennes.

Dans la plupart des domaines intéressant le marché unique (libre circulation des biens et services) mais aussi en matière d’agriculture, d’énergie, d’immigration et de développement régional le Parlement européen et le Conseil sont à égalité pour l’adoption des normes européennes qu’il s’agisse de règlements (lois) ou de directives (lois-cadres fixant des objectifs dont les États membres fixent eux-mêmes les modalités de mise en œuvre). La procédure applicable en pareil cas, dénommée procédure législative ordinaire se déroule comme suit : le Parlement se prononce en première lecture sur une proposition de la Commission puis soumet sa position au Conseil. Si le Conseil approuve tous les (éventuels) amendements du Parlement, l’acte est adopté. Mais si le Conseil adopte une autre position, le Parlement dispose d’un délai de trois mois, éventuellement prolongé d’un mois, pour se prononcer en deuxième lecture. Il peut alors décider soit d’accepter la position du Conseil, soit de la rejeter soit de l’amender à nouveau en rétablissant sa position antérieure ou en proposant un compromis. Si le Conseil n’accepte pas les amendements du Parlement, un comité de conciliation paritaire comprenant des représentants des deux institutions est convoqué pour élaborer un texte commun. Si le comité de conciliation ne parvient pas à un accord le texte est rejeté. Dans cette procédure, aucun texte ne peut donc être adopté sans accord complet entre le Conseil et le Parlement. Dans la période récente, le Parlement a ainsi joué un rôle déterminant dans l’adoption des règles européennes supprimant la surtaxation des communications électroniques entre États membres (roaming) ou encadrant le détachement des travailleurs d’un État membre à l’autre.

À côté de cette procédure législative ordinaire subsistent cependant encore des procédures législatives spéciales dans lesquelles le Conseil est seul législateur. Le Parlement est alors seulement associé à la procédure. Son rôle se limite en principe à la consultation. C’est par exemple le cas dans le domaine de l’harmonisation fiscale, qui relève d’ailleurs d’une décision unanime des États membres. Toutefois dans le cas particulier des traités d’adhésion ou d’approbation, le Parlement dispose d’un droit de veto. Il approuve ou rejette le texte sans pouvoir l’amender.

S’agissant de l’initiative des normes européennes, les traités la réservent en principe à la Commission, sauf en matière pénale et policière, la politique extérieure et de sécurité commune relevant d’un régime dérogatoire. Le Parlement a toutefois la faculté de demander à la Commission de présenter une proposition législative.

Le vote du budget.

Le Parlement européen partage à présent, avec le Conseil, le pouvoir d’adopter le budget annuel de l’Union européenne. Il a en cette matière le dernier mot.

La Commission présente au Parlement et au Conseil le projet de budget pour l’année suivante vers le début du mois de mai. Ce projet est examiné par le Conseil puis par le Parlement. En général, les deux institutions sont en désaccord et le projet est soumis à un comité de conciliation paritaire en vue de l’élaboration d’un texte commun. Si la procédure de conciliation échoue ou si le Parlement rejette le projet commun, la Commission doit présenter un nouveau projet de budget. Si le projet commun est rejeté par le Conseil, le Parlement a la possibilité de faire prévaloir son point de vue sur les dispositions réunissant la majorité de ses membres et des 3/5èmes des suffrages exprimés. S’il ne réunit pas cette majorité qualifiée, c’est le texte du comité de conciliation qui est considéré comme adopté.

Si aucune des deux institutions ne parvient à se mettre d’accord avant le 31 décembre, le budget de l’année précédente est reconduit mois après mois (système des douzièmes provisoires). Le Conseil, traditionnellement défavorable aux augmentations budgétaires s’accommode plus volontiers de cette situation que le Parlement, ce qui lui donne un pouvoir de pression non négligeable.

Le Parlement fixe en outre conjointement avec le Conseil le cadre financier pluriannuel qui établit des plafonds pour les grandes catégories de dépenses pour une période d’au moins cinq ans. Il contrôle par ailleurs l’exécution des budgets annuels.

 

Le Parlement européen, enceinte de débat public dans tous les domaines de l’action européenne.

Comme tout parlement, le Parlement européen exerce, outre ses missions normatives et budgétaires, un pouvoir de contrôle de l’action des exécutifs européens : Commission d’abord mais aussi Conseil européen réunissant les chefs d’État et de gouvernement et Conseil où siègent les ministres.

Son contrôle sur les décisions du Conseil européen reste limité : il consiste essentiellement en un débat sur les résultats de chaque sommet européen. Le Parlement tient également un débat sur le programme de chacune des présidences du Conseil ainsi que sur les rapports que lui soumet le Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Ses membres peuvent poser des questions écrites et orales au Conseil. Les pouvoirs de contrôle du Parlement à l’égard de la Commission sont beaucoup plus étendus : il doit approuver sa composition. Il peut la contraindre à démissionner collectivement en adoptant une motion de censure à la majorité de ses membres et des deux tiers des suffrages exprimés (cas de figure qui ne s’est jusqu’à présent pas présenté). Le Parlement et ses commissions suivent par ailleurs au jour le jour l’action de la Commission. Les commissaires sont régulièrement entendus par les commissions du Parlement. Les députés ont également le pouvoir d’interroger la Commission en lui posant des questions écrites et orales.

 

Les élections européennes permettront-elles de désigner le futur président de la Commission ?

C’est au Parlement qu’il reviendra d’élire le Président de la Commission sur proposition du Conseil européen. Aux termes du Traité de Lisbonne cependant, le Conseil européen doit formuler sa proposition « en tenant compte des élections au Parlement européen ». Si le Conseil européen applique de bonne fois les traités, le président de la Commission sera donc le candidat proposé par le parti vainqueur des élections. La plupart des partis européens ont d’ores et déjà désigné leur candidat et son programme. Pour la première fois les électeurs auront donc à faire un véritable choix de politique européenne. Le débat électoral doit en porter la marque.