Laudato si’ : Héritage et défis
L’un des héritages les plus importants du pontificat intense et mouvementé du pape François est son engagement passionné en faveur de la protection de notre maison commune. Sa lettre encyclique Laudato si’, publiée en 2015, a eu un impact
remarquable sur la façon dont les gens perçoivent et prennent soin de notre planète. À peine deux semaines après sa publication, Dale Jamieson, de l’université de l’État de New York, l’a décrite comme « le texte environnemental le plus important du XXIe siècle »[1]. En regardant rétrospectivement l’impact de la lettre encyclique historique du pape François, la déclaration prophétique de Jamieson semble s’être réalisée.
Il n’est pas exagéré de dire que c’est probablement la communauté scientifique qui a réservé l’accueil le plus enthousiaste à l’encyclique. Des revues scientifiques renommées ont publié des éditoriaux favorables avant et après la publication de l’encyclique[2]. Un article publié en 2019 dans la prestigieuse revue scientifique Biological Conservation attribuait l’intérêt croissant pour les questions environnementales au cours des dernières années à la publication de Laudato si’ ![3] Plus récemment, à la suite du décès du pape François, un éditorial publié dans Nature a rendu hommage au leadership remarquable de François, qui a présenté la protection de notre maison commune comme « un impératif moral », et a salué Laudato si’ comme « une déclaration opportune d’un leader important »[4].
La contribution la plus importante de l’encyclique Laudato si’ au processus politique sur la scène internationale a été son impact sur la signature de l’accord de Paris sur le climat en 2015, largement reconnu par de nombreuses personnes, à commencer par le secrétaire général de l’ONU de l’époque, Ban Ki-moon. L’encyclique Laudato si’ continue d’inspirer l’action politique aux niveaux international, national, régional et local dans le souci de notre maison commune.
Laudato si’ a été saluée comme une source d’inspiration et de potentiel changement radical pour les quelque 1,4 milliard de catholiques, plus largement pour la communauté chrétienne et les autres grandes traditions religieuses du monde. Après la publication de l’encyclique, plusieurs conférences épiscopales ainsi que des évêques à titre individuel ont publié des lettres pastorales sur la protection de la création à la lumière de Laudato si’. L’année spéciale Laudato si’ 2020-2021, annoncée par le pape François et promue par le Dicastère pour la promotion du développement humain intégral, a été marquée par de nombreuses initiatives visant à promouvoir et à mettre en œuvre l’encyclique dans les communautés catholiques du monde entier[5]. Il convient de mentionner tout particulièrement l’ambitieuse plateforme d’action Laudato si’, qui vise à impliquer les familles, les communautés et les institutions dans un parcours de sept ans vers la durabilité totale sur la voie de l’écologie intégrale[6].
Il est important de noter que Laudato si’ a également eu un effet d’entraînement au sein de la communauté interconfessionnelle. En juin 2015, une Lettre rabbinique sur la crise climatique, signée par plus de 330 rabbins juifs, a été publiée. En août 2015, la Déclaration islamique sur le changement climatique mondial a été présentée lors du Symposium islamique international sur le changement climatique à Istanbul, suivie de la Déclaration bouddhiste sur le changement climatique adressée aux dirigeants mondiaux, publiée par le Collectif bouddhiste mondial sur le changement climatique en octobre 2015, et de la Déclaration hindoue sur le changement climatique Bhumi Devi Ki Jai ! publiée en novembre 2015. En février 2024, la Fondation islamique pour l’écologie et les sciences environnementales a publié Al-Mizan : Covenant for the Earth, considéré comme l’équivalent musulman de Laudato si’.
Laudato si’ reste toutefois une mission inachevée ! Le cheminement vers la conversion écologique auquel François a invité l’Église et le monde semble être largement resté lettre morte. Comme le reconnaît le pape François lui-même dans l’exhortation apostolique Laudate Deum de 2023 : « Avec le temps, j’ai pris conscience que nos réponses n’ont pas été à la hauteur, alors que le monde dans lequel nous vivons s’effondre et pourrait bien être proche du point de rupture » (Laudate Deum, 2). La détérioration croissante de notre maison commune et le « cri de la Terre et des pauvres » rendent plus pertinent que jamais l’appel passionné du pape François à prendre soin de notre maison commune dans Laudato si’.
Père Joshtrom Isaac Kureethadam, sdb [7]
[1] Dale Jamieson, “Why Laudato si’ Matters” Environment: Science and Policy for Sustainable Development 57/6 (2015), 19.
[2] Voir éditoriaux dans : Nature 522 (391), “Hope from the Pope” (25 June 2015); Science 345 (6203), “The Pope Tackles Sustainability” (19 September 2014).
[3] Voir : Malcom L. McCallum, “Global Country-by-Country Response of Public Interest in the Environment to the Papal Encyclical, Laudato Si’, Biological Conservation 235 (2019), 209-225.
[4] “Powerful People” (Editorial), Nature 15 (May 2025), 459.
[5] Voir : Joshtrom Isaac Kureethadam et al., (eds.), Laudato si’ Reader: An Alliance of Care for Our Common Home (avec une préface du Pape François) (Vatican City: Libreria Editrice Vaticana, 2021).
[6] Voir : https://laudatosiactionplatform.org/
[7] Coordinateur du secteur « Écologie et Création » au sein du Dicastère pour la promotion du développement humain intégral du Vatican de 2017 à 2023, président du département de philosophie des sciences et directeur de l’Institut des sciences sociales et politiques de l’Université pontificale salésienne de Rome.