Une Conférence internationale appelle les catholiques à s’engager davantage pour le désarmement nucléaire
La Commission pour la Justice et la paix internationales de la Conférence épiscopale des Etats-Unis et l’Institut de recherche pour la paix de l’Université catholique américaine Notre-Dame ont organisé à Londres, les 24 et 25 mai 2016, une conférence sur « les approches catholiques de la prolifération et du désarmement nucléaires ».
Des représentants des conférences épiscopales des États-Unis, d’Angleterre et du Pays de Galles, d’Allemagne, de France et des universitaires d’Instituts de recherche sur la paix y ont participé, soit au total 40 évêques et spécialistes des relations internationales provenant de 9 pays. Cette initiative a été appuyée par l’ONG Nuclear threat initiative animée par Desmond Browne, ancien ministre britannique de la Défense. La Conférence des évêques de France était représentée par Mgr Marc Stenger, évêque de Troyes et président de Pax Christi France. Deux membres de Justice et Paix France y ont également participé.
Les débats ont porté sur les enjeux éthiques et politiques de l’élimination progressive et contrôlée de l’arme nucléaire. Desmond Browne a fait valoir que, si la sécurité nationale relève des responsables politiques, les religions ont le devoir de s’engager lorsque sont en cause le bien commun et même la survie de l’humanité. Pour sa part, le Cardinal Vincent Nichols, président de la conférence épiscopale d’Angleterre et du Pays de Galles a reconnu que le débat stratégique sur le désarmement devait aussi être guidé par des considérations morales.
En matière de désarmement nucléaire, « le débat politique est très en avance sur le débat éthique » a regretté Mgr Oscar Cantú, président de la Commission des évêques américains sur la Justice et la paix internationales. Les nouvelles générations de responsables catholiques doivent être mieux informées sur les arguments politiques et éthiques qui militent en faveur de la réduction et, à terme, de l’élimination des armes nucléaires.
Pour sa part, Mgr Stenger a rappelé les graves objections morales qui pèsent sur l’arme nucléaire elle-même. Comment accepter sans discussion une arme destinée à détruire des villes entières et une grande partie de leurs habitants ? Il a remarqué que, selon les experts, la puissance d’une seule des 300 têtes nucléaires françaises est supérieure de 10 à 20 fois à celle de la bombe d’Hiroshima. Après avoir souligné que l’armement nucléaire ne répond à aucun des critères qui conditionnent la moralité du recours à la force selon la doctrine de la guerre juste développée par l’Église, il a relevé que l’emploi de cet armement serait également incompatible avec le droit international humanitaire.
En conclusion, il a insisté sur la nécessité d’intégrer les questionnements éthiques sur l’armement nucléaire dans une réflexion globale sur le fonctionnement de nos sociétés contemporaines, devenues à la fois incertaines de leurs finalités, fragiles, dures et parfois violentes. Il a cité Mgr Bernardito Auza, observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations Unies, selon qui « les armes nucléaires ne peuvent pas créer un monde stable et sûr ». Au contraire, « la paix doit être construite sur la justice, le développement socio-économique, la liberté, le respect des droits de l’homme, la participation de tous dans les affaires publiques et la construction de la confiance entre les peuples » D’autres intervenants, notamment universitaires, ont souligné que le désarmement nucléaire devait être intégré dans une perspective plus vaste : celle d’un système international fondé sur le règlement pacifique des différends et la lutte contre les facteurs structurels de guerre tels que les inégalités et exclusions sociales, le mal-développement ou la violation des droits fondamentaux.
La conférence s’est accordée sur un constat décevant : alors que les négociations sur le désarmement nucléaire ne progressent plus et que les forces nucléaires existantes sont sans cesse « modernisées », les chrétiens manifestent peu d’intérêt pour ces questions. De plus, le désarmement nucléaire, contrairement au développement durable ou à la lutte contre les changements climatiques, ne semble plus faire partie des priorités de l’agenda international. Les risques de guerre nucléaire représentent pourtant une menace majeure pour l’humanité et la Création.
La conférence s’est ainsi conclue sur la nécessité d’un éveil des consciences. Elle a appelé à un plus grand engagement catholique en faveur du désarmement nucléaire. Les chrétiens français se doivent d’entendre cet appel en approfondissant leur questionnement éthique et politique sur la stratégie nucléaire de leur pays.