La fin des accords américano-russes de maîtrise des armements : Un danger pour la paix
Deux grands accords de maîtrise des armements ont, de la fin de la guerre froide à l’élection du président Trump, favorisé la stabilité des relations stratégiques entre les États-Unis et la Russie.
Le traité sur les forces nucléaires intermédiaires (FNI) de 1987 et le traité New Start (nouveau traité de réduction des armements stratégiques) de 2010, qui marquait la dernière étape d’un processus de réduction entamé dès le début des années 1990.
Le traité FNI
Le Traité FNI interdisait aux États-Unis et à la Russie de construire et de déployer tout missile terrestre à portée intermédiaire (500 à 5 500 km). Il mettait un terme à la crise des « euromissiles » provoquée par le déploiement, dans les années 1980, de missiles nucléaires soviétiques de moyenne portée (SS20) dirigés contre l’Europe occidentale. Les ÉtatsUnis ont décidé de s’en retirer en octobre 2018 arguant du déploiement, dénoncé depuis 2014 par l’administration Obama, de missiles de croisière terrestres russes d’une portée supérieure à 500 km. Ce faisant, le président Donald Trump refusait d’appliquer les mécanismes de vérification et de conciliation prévus par l’accord. Plus fondamentalement, il se déclarait hostile à l’interdiction des missiles terrestres de portée intermédiaire alors que la Chine, désormais considérée par les États-Unis comme un rival stratégique, déployait un nombre croissant d’armes de ce type, à capacité nucléaire ou conventionnelle, notamment face à Taïwan et au Japon. Pour l’Europe, l’abandon du traité FNI crée une nouvelle vulnérabilité stratégique : il laisse désormais la Russie libre de déployer des missiles ciblant spécifiquement son territoire.
Le traité New Start
Plus préoccupant encore, le traité New Start est menacé, le dernier à limiter au moins partiellement les arsenaux nucléaires américains et russes. Au moment de sa signature, il marquait un réel progrès puisqu’il visait, pour chacune des parties, à réduire de moitié le nombre de leurs lanceurs de missiles nucléaires stratégiques et des deux tiers celui de leurs ogives nucléaires stratégiques déployées. Pour les lanceurs (missiles balistiques et bombardiers lourds) les plafonds étaient de 800 dont 700 déployés et pour les ogives déployées de 1 550. Ces objectifs ont été atteints dès le 5 février 2018. En outre, le traité établit un régime robuste de transparence et de vérification, chaque partie ayant droit à 18 inspections annuelles sur place. Début 2020, Américains et Russes avaient échangé de l’ordre de 19 000 informations et effectué plus de 150 inspections de part et d’autre. Ce traité expire le 5 février 2021, mais il peut être prolongé pour une nouvelle période de cinq ans au plus par simple accord entre les présidents américain et russe.
Or, si la partie russe s’est déclarée en faveur de cette prolongation, l’administration américaine ne s’est toujours pas prononcée. Elle a soulevé deux obstacles à une simple prorogation : l’apparition de nouvelles armes nucléaires russes(arme hypersonique Avangard, missile lourd Sarmat en particulier) et la non participation de la Chine. Le premier obstacle ne paraît pas insurmontable, les Russes acceptant l’intégration de leurs nouvelles armes dans les plafonds existants. En revanche, la demande de participation de la Chine semble peu réaliste, en raison non seulement de la disproportion entre l’arsenal stratégique chinois (probablement de l’ordre de 150 vecteurs) et ceux des États-Unis et de la Russie, mais surtout du refus chinois de comptabiliser leurs forces avec celles d’autres puissances.
Plus fondamentalement, les États-Unis paraissent bien vouloir se libérer de toute contrainte sur leurs armes nucléaires. Le risque est grand, dès lors, que le traité New Start soit abandonné, ce qui mettrait fin, au moins pour les prochaines années, à tout effort de maîtrise de l’armement nucléaire américain et russe.