« Non plus esclaves, mais frères »
Le message du Pape François pour la Journée mondiale de la Paix est dans le droit fil de celui de 2014, intitulé : « La fraternité, fondement et route pour la paix ».
Le style est plus incisif encore puisque l’esclavage porte un coup mortel à cette fraternité universelle et, par conséquent, à la paix.
L’homme, être relationnel, s’épanouit et se réalise en tissant des rapports interpersonnels inspirés par la justice et la charité. Ainsi, « la fraternité constitue le réseau de relations fondamentales pour la construction de la famille humaine » (2,3)
L’esclavage n’est-il pas aboli ? Si, dans le passé, l’institution de l’esclavage a pu être acceptée et régulée par le droit, ce crime de lèse-humanité est aujourd’hui fermement condamné par le droit international. Or il prend de nos jours des formes nouvelles et multiples, lorsque « des millions de personnes sont contraintes à vivre dans des conditions assimilables à l’esclavage » (3,3).
Le Pape énumère un certain nombre de situations : « travailleurs et travailleuses, même mineurs, asservis », « les conditions de vie souvent inhumaines de nombreux migrants » contraints à un « travail esclave », « les personnes contraintes de se prostituer et les esclaves sexuels », « les mineurs et adultes qui sont objet de trafic et de commerce pour le prélèvement d’organes », ceux qui sont « enrôlés comme soldats ou pour des activités illégales comme la production et la vente de stupéfiants », « ceux qui sont tenus en captivité par des groupes terroristes »… La liste est longue, comme pour mieux secouer « l’indifférence générale » et nous convaincre « de résister à la tentation de nous comporter de manière indigne de notre humanité » (1,1).
Quelles en sont les causes ? « A la racine, il y a la conception de la personne humaine qui admet de la traiter comme un objet », et donc « la négation de l’humanité dans l’autre ». Parmi les causes, il y a d’abord la pauvreté : les victimes de trafic ne sont-elles pas le plus souvent des personnes qui ont cherché à sortir d’une situation de précarité extrême, et qui sont tombées entre les mains de criminels qui gèrent le trafic des êtres humains ? (4,2) Il y a évidemment la corruption, « quand au centre d’un système économique se trouve le dieu argent et non la personne humaine ». S’ajoutent encore les conflits armés, la criminalité et le terrorisme, au sein de réseaux qui utilisent habilement les technologies informatiques pour appâter les victimes.
Après avoir souligné le travail effectué par « de nombreuses congrégations religieuses, surtout féminines » en faveur des victimes, le Pape appelle à un engagement commun de tous les acteurs de la société pour éliminer la culture de l’asservissement. Ceci, en trois domaines prioritaires : la prévention, la protection des victimes et l’action judiciaire à l’égard des responsables. Aux Etats d’édicter des lois justes qui défendent les droits fondamentaux de la personne humaine, et qui ne laissent pas prise à la corruption et à l’impunité. Les organisations intergouvernementales doivent se coordonner pour combattre les réseaux de crime organisé. Les entreprises sont invitées à la vigilance, et le Pape en appelle à la responsabilité sociale du consommateur : « acheter est, non seulement un acte économique, mais toujours aussi un acte moral ». La Saint-Siège, pour sa part, prend des initiatives pour briser l’indifférence et susciter des collaborations.
« Reconnaître en l’autre, quel qu’il soit, un frère et une sœur en humanité », « faire des gestes de fraternité à l’égard de ceux qui sont tenus en état d’asservissement », et surtout « ne pas se rendre complices de ce mal » : résister à « la mondialisation de l’indifférence » en nous mobilisant pour « une mondialisation de la solidarité et de la fraternité » qui donne l’espérance ! Tel est l’appel du pape François qui ne manque pas de nous rappeler la question ultime : « Qu’as-tu fait de ton frère ? »