Le droit d’alerte, conforté, jamais acquis
L’exercice de l’alerte relève d’une notion formée au XVIIIe siècle, la redevabilité, et de l’intérêt général. En 1972, Ralph Nader publiait un rapport whistle blowing en définissant l’alerte comme l’exercice de la responsabilité professionnelle pour une personne qui considère que l’intérêt général prévaut sur l’intérêt de l’organisation qui l’emploie, en signalant que cette dernière est engagée dans une activité corrompue, illégale, frauduleuse ou dangereuse.
Le droit d’alerte est traduit en droit du travail par la loi Sapin II. Les salariés sont en effet souvent les premiers témoins d’abus ou d’actes illicites. En valorisant des paliers de subsidiarité (sauf danger grave et imminent) au sein des organisations, la loi cherche à constituer un « statut » de lanceur d’alerte.
Mais légalisé, le droit d’alerte est disputé : la sécurisation des canaux d’alerte internes reste très insuffisante pour rendre la mise en œuvre de ce droit réellement opérationnelle pour tous.
La protection et l’accompagnement des auteurs de signalements restent faibles en pratique, exposant parfois les lanceurs d’alerte à de grandes difficultés.
Le statut « lanceur d’alerte » n’est pas encore arrivé à maturité tant du point de vue de la protection contre les représailles que de l’efficacité des dispositifs de recueil et de traitement. La loi donne ainsi au supérieur hiérarchique, direct ou indirect, la mission de recueillir le signalement.
Cet objectif correspond à la volonté de faire des entreprises elles-mêmes les garantes de leur probité. Malheureusement, les responsables peuvent être placés en situation de conflit d’intérêts ou de loyauté vis-à-vis de leur propre hiérarchie ou bien être eux-mêmes concernés par l’alerte.
La question de l’indépendance du canal interne est primordiale, ainsi que la formalisation interne d’une méthode d’alerte, avec des paliers de signalement avant décision d’ouverture d’enquête.
Pour les expatriés, ces droits d’alerte sont cruciaux mais les multinationales restent lentes à signer des accords « droit d’alerte » rendant possible l’expression des salariés ou dirigeants.
Les sanctions contre les « étouffeurs d’alerte » peuvent être désormais plus lourdes : les entreprises ou administrations qui tentent de faire taire les lanceurs d’alerte par des mesures de représailles encourent désormais 3 ans de prison.
Le Comité économique et social européen (CESE) considère que la protection des lanceurs d’alerte constitue, en sus de cette fonction première, un instrument important pour aider les entreprises à mieux traiter des actes illicites ou contraires à l’éthique.
Dans l’Union Européenne, 10 États sur 27 possèdent aujourd’hui une réglementation visant à protéger les lanceurs d’alerte.
Et demain ?
L’Europe pourrait rendre obligatoire, comme le préconise le CESE, la publication périodique des rapports sur les lanceurs d’alertes des États membres. Elle prévoit aussi une campagne de sensibilisation notamment à destination de la jeunesse pour faire évoluer la perception des lanceurs d’alerte.
En France, une « Maison des lanceurs d’alerte » créée en 2018, rassemble syndicats, associations pour les libertés, avocats et journalistes. Signal que l’accès à l’alerte devient plus répandu, la Maison des lanceurs d’alerte a vu le nombre de dossiers augmenter de 108 % en 2020 !
Le droit d’alerte est traduit en droit du travail par la loi Sapin I
Anne-Florence Quintin, Justice et Paix France
Illustration : Les trois personnes représentées sont Edward Snowden, Julian Assange et Chelsea Manning. La chaise vide permet de prendre la parole pour défendre les lanceurs d’alerte.
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