Défaites et réarmements

Le 18 mars 2022

Si on essaie de prendre un peu de distance face au drame de la guerre déclenchée par le clan Poutine, il apparaît que les derniers mois multiplient les défaites des forces armées.

Une des plus énormes est celle d’Afghanistan où après dix ans de guerre et X milliards de $ , les Etats-Unis se sont retirés. Il faut dire que sur un plus long terme, pour n’avoir pas connu de paix depuis la seconde guerre mondiale, les prodigieuses capacités des forces militaires étasuniennes n’ont connu que des défaites, du moins des défaites politiques si l’on refuse de considérer l’écrasement des armées irakiennes comme une victoire compte tenu des buts de guerre affichés. La focalisation du discours de propagande sur le sort des femmes afghanes depuis le départ des forces étasuniennes (ou si l’on veut de l’OTAN) tenu pendant quelques semaines a masqué un constat : l’échec politique (voire militaire) face aux talibans.

On peut rapprocher cet échec des opérations extérieures françaises. Après une intervention décidée par le Président Sarkozy et son allié Cameron contre le dictateur Kadhafi et son assassinat, la Libye a sombré dans le chaos et les radicaux islamistes se sont répandus au Sahel munis de stocks d’armes incontrôlés. D’où une intervention française, piteusement soutenue par quelques pays européens, qui vient de se terminer par un retrait difficile sous les huées organisées de populations autrefois favorables. Si les buts de guerre, mal définis consistaient en l’éradication des radicaux islamistes, difficile de parler de victoire. Politiquement en tout cas, il s’agit bien d’une défaite.

Par chance, l’analyse de ces échecs est largement masquée par la stupéfiante ‘intervention poutinienne en Ukraine. On peut certes se référer aux opérations en Tchétchénie et surtout en Géorgie et en Crimée en 2014, voire en soutien au régime de El Hassad à Damas, et les considérer après coup comme des avertissements dans une visée de reconstitution de l’empire russe avec la Biélorussie et l’Ukraine. Seulement depuis quatre semaines, la Blitzkrieg marque le pas, et s’il est aventureux d’en prévoir les déroulements, on peut déjà considérer que cette catastrophe isole la Russie, déchire le continent européen et ses interdépendances et soude pour longtemps une identité politique ukrainienne jusqu’alors indécise. En route vers une nouvelle défaite, sinon de tous, du moins assurée pour le peuple russe.

Or quelle première réaction majeure (à l’ouest) à ce dernier événement ? Il faut réarmer !

En quelques jours, c’est bien moins l’OTAN qui est intervenue, cette OTAN que Poutine dit tant craindre que les Etats les plus proches des frontières russes, Finlande, Suède, Baltes, qui inversant une politique militairement prudente ont décidé de livrer des armes, comme les Etats occidentaux, pendant que les pays de l’Alliance s’engageaient dans des augmentations considérables de dépenses militaires,et en premier lieu l’Allemagne ! La politique poutinienne disait vouloir une neutralité (ou le vieux «non-alignement») qui devient une voie de sortie de l’agression. Mais non seulement celle-ci  met fin pour longtemps à l’interdépendance pacifique avec l’Europe mais elle provoque surtout un durcissement durable des positions et  la hausse maintenant programmée des capacités militaires. Loin de suggérer une remise en cause de la force militaire, ces défaites entraînent déjà une nouvelle course aux armements. Course technique vers de nouvelles armes , course commerciale avec les premières victoires du complexe militaro-industriel étasunien qui vient de vendre à l’Allemagne son coûteux et douteux F35. (Et si l’Allemagne les avait eus il y a trois semaines, les aurait-elle utilisés pour défendre l’Ukraine ? )

Ce « réarmement » soudain considéré comme nécessaire et précipité par Poutine donnera-t-il au moins lieu à une réflexion sur les différentes missions des forces armées : protéger leurs populations, se projeter à l’extérieur de leurs territoires, et pour les Etats nucléaires dissuader un agresseur par l’ampleur des risques ?

Les efforts pour le désarmement sont gelés pour un bon moment. Les critiques de la course aux armements et du constat des défaites multiples sommés de se taire. Attaquons, attaquons, attaquons comme la lune !