Le Pape François, le Canada, l’Église et les populations autochtones

Les premières nations n’ont-elles pas quelque chose à nous apprendre de notre avenir ?

« Les ethnies qui ont développé un trésor culturel en étant liées à la nature, avec un fort sens communautaire, perçoivent facilement nos ténèbres que nous ne reconnaissons pas au milieu du prétendu progrès. Recueillir leur expérience de vie nous fera du bien » (Querida Amazonia 36).

Le Pape François a beaucoup pris sur lui pour réaliser cette visite extraordinaire au Canada. Il avait renoncé à se rendre en RDC et au Soudan du sud, deux pays qui ont tant besoin de son élan d’énergie pour la paix et le respect des droits de tous. Alors pourquoi cette priorité aux « premières nations » ?

Le but affiché du voyage était la demande de pardon pour les crimes commis par l’Église au Canada dans le cadre de la colonisation des esprits et des vies des peuples originaires mis en œuvre par l’État à partir du milieu du 19e siècle et jusqu’à il y a peu. Il était aussi une invitation à la réconciliation et à la guérison en regardant l’avenir et en cheminant ensemble pour construire l’Église de demain.

© Ansgar Walk – https://commons.wikimedia.org

Un aspect peu mis en lumière de ce voyage mais qui était bien présent en toile de fond était l’invitation à regarder ce que ces premières nations ont à nous apprendre sur la vie et notre avenir, en contre-point de l’approche coloniale dénoncée et rejetée.

Cette approche est nouvelle, au Canada comme ailleurs. Les cultures dominantes sont aujourd’hui mises en question. Curieusement, c’est le dérèglement climatique qui a mis en lumière le fait que nous avons fait fausse route en surexploitant la terre et ses ressources humaines et matérielles et que nous allons dans le mur si nous continuons ainsi. Certains, dont le Pape François, ont mis en exergue le fait que les peuples qui ont appris à vivre avec la nature, non pas pour l’exploiter mais pour la protéger et en vivre sans la détruire, ont beaucoup à nous apprendre si nous savons prendre le temps de les écouter.

« Les peuples aborigènes pourraient nous aider à percevoir ce qu’est une heureuse sobriété et dans ce sens, ils ont beaucoup à nous enseigner. Ils savent être heureux avec peu, ils jouissent des petits dons de Dieu sans accumuler beaucoup de choses, ils ne détruisent pas sans nécessité, ils prennent soin des écosystèmes et reconnaissent que la terre, en même temps qu’elle est offerte pour soutenir leur vie comme une source généreuse, a un sens maternel qui éveille à une tendresse respectueuse. » (QA 71)

L’encyclique Laudato si’ propose des pistes claires sur cette question, de même que les messages développés par le Saint Père lors de ses voyages. Mais ce sont les travaux du Synode sur l’Amazonie, ainsi que ceux des réseaux ecclésiaux (comme le REPAM[1], le REBAC[2] ou le RAOEN[3]) qui, pour accompagner et éclairer notre conversion écologique, valorisent les expériences des peuples premiers. Ils peuvent nous aider à « retrouver une harmonie entre la modernité et les cultures ancestrales, entre la sécularisation et les valeurs spirituelles, face à la mentalité colonisatrice ».

Devant les jeunes Inuits réunis à Iqaluit, le pape François a salué le mode de vie de leur communauté sur ses territoires : « vous avez su les aimer, les respecter, les conserver et les valoriser, en transmettant de génération en génération des valeurs fondamentales, telles que le respect pour les personnes âgées, un sens authentique de la fraternité et la protection de l’environnement ». Le territoire n’est pas un bien à exploiter, mais un don du Ciel. Il préserve la mémoire des ancêtres qui y reposent et est un espace vital dans lequel comprendre sa propre existence dans un tissu de relations avec le Créateur, la communauté humaine, les espèces vivantes et la maison commune que nous habitons.

Les spiritualités autochtones sont particulièrement vivantes avec une conscience de la relation profonde avec l’environnement naturel, et le dialogue avec elles nous ouvre à ce que pourrait être une spiritualité écologique dans l’Église.

Nous sommes appelés à une conversion de nos cœurs et de nos modèles de production et de consommation, les premières nations qui existent encore tout autour de la planète, peuvent nous y aider. Soyons ouverts, faisons l’effort de les écouter. Elles nous apprendront beaucoup.

 

[1] REPAM : réseau ecclésial panamazonien, https://www.repam.net/es/
[2] REBAC : réseau ecclésial du Bassin du Congo, https://rebaccongobassin.org/
[3] RAOEN : river above Asia and Oceania ecclesial network, https://www.raoen.org/

Ces 3 réseaux et d’autres sont reliés au sein de l’Alliance des réseaux ecclésiaux : ENA, https://ecosocialjustice.wixsite.com/ecclesialnetworks