Éthique sociale en Église n° 61 octobre 2023
1– Même si c’est difficile, voir plus loin que l’immédiat…
* De nouveau, la région Israël/Palestine connaît un déchaînement de violences brutales qui nie les droits humains les plus élémentaires. Nous le voyons encore, à défaut d’une volonté de paix prenant corps en des traités respectés par les différentes parties, l’état de guerre endémique se mue brutalement en conflit meurtrier. Il s’ensuit des drames, avec la mort ou des blessures pour un grand nombre de personnes, la destruction de biens essentiels. L’avenir paraît sombre, la situation actuelle ravive un climat de haine qui ruine la moindre confiance entre les acteurs, qui amplifie le cycle infernal des violences.
* La guerre en Ukraine conduit les pays européens à augmenter fortement leurs dépenses en armement. On ne peut reprocher aux responsables politiques de prendre les moyens d’assurer la défense des citoyens. Un manque de vigilance à l’égard d’emprises dominatrices peut avoir de graves conséquences. Nous avons été naïfs en baissant la garde face aux menées de la Russie pour profiter de ses ressources énergétiques. Nous ne sommes pas à l’abri de nouvelles dépendances à l’égard d’autres pays, en vue de profits à court terme. La volonté démocratique et la promotion des droits humains peuvent se trouver contraintes par des puissances usant de leur pouvoir économique, pensons à nos multiples dépendances vis-à-vis de la Chine…
* Même si on ne peut imaginer des accords dans l’immédiat, il est important d’envisager un équilibre mondial reposant sur le respect du droit international et la recherche de relations justes, afin de permettre aux différents peuples d’avoir une vie convenable et des relations correctes avec les autres. Il vaut la peine de travailler sans tarder pour préparer un tel avenir à moyen terme.
* L’arrivée de migrants, souvent en raison de conflits ou de catastrophes, fait la une des journaux. Ce n’est point par plaisir que des hommes et des femmes, avec des enfants, prennent le risque de partir loin de leur pays. Selon l’UNICEF, entre juin et août de cette année, environ 1000 personnes migrantes, dont 300 enfants, sont mortes en Méditerranée. Elles partent en raison de conflits internes et de guerres, de situations politiques et économiques désastreuses, sans oublier les problèmes liés au dérèglement climatique ; autant de motifs qui ne leur permettent pas d’envisager un avenir dans leur pays. Les programmes d’aide à la gouvernance, mais aussi au développement social et économique, en mobilisant des compétences locales qui ne manquent pas, ne sont pas au rendez-vous. S’il est nécessaire de prévoir solidairement un accueil digne aux réfugiés et aux migrants, il importe surtout d’envisager des soutiens pour que ces personnes puissent faire des projets dans leur propre pays.
* Nous restons trop souvent prisonniers du court terme, en raison de peurs collectives et de discours populistes, sur fond de collusions dangereuses avec des pouvoirs autoritaires et de crispations sur nos intérêts immédiats. Il nous faut prendre collectivement les moyens de raisonner, afin d’organiser un développement humain dans le long terme. N’oublions pas de le rappeler à nos responsables politiques ; et, sans attendre, prenons notre part dans l’advenue d’un monde plus solidaire et fraternel.
2 – Un bien élémentaire : l’eau !
À l’échelle du monde, 2 milliards d’humains n’ont pas accès à l’eau potable, parce qu’elle est rare, mais aussi en raison de pollutions. Sur ce point également se jouent des rapports de force : des activités minières et industrielles se développent au détriment de l’accès à une eau saine pour les populations locales. Ou encore, l’eau disponible est utilisée pour des productions agricoles destinées à l’exportation, au détriment d’une agriculture nourricière et d’un accès à l’eau potable. Nous savons que la qualité de l’eau et que l’accès à des ressources limitées fait débat aussi chez nous. Or nous entretenons un rapport particulier à l’eau, elle constitue une part importante de notre corps ! La portée symbolique de l’eau se trouve liée à des enjeux techniques, économiques et politiques…
3 – Vulnérabilité, réflexions d’un théologien !
En conclusion d’un colloque, Alain THOMASSET jésuite, parle de vulnérabilité. Extraits :
La vulnérabilité fait partie de notre condition, « celle de la réalité humaine de notre finitude et de notre fragilité, dans la possibilité d’être blessé. Elle est en même temps une capacité de rester ouvert aux influences extérieures, aux autres, et aux changements possibles qui peuvent nous enrichir. Une « porosité » au mal mais aussi à la relation à l’autre pour le soin, l’amitié, la coopération. » « Les plus affectés par l’exclusion et le malheur nous apprennent que ce sont les relations qui nous font vivre, des relations qui appellent à l’existence, au-delà (ou en deçà) des relations de calcul. » « Si l’amour est commun à toutes nos relations vivifiantes, son fond d’être pourrait-on dire, alors aimer est vital. Or aimer est fragile et difficile. » « La moralité ne peut plus se penser en termes d’obéissance figée à une règle irréformable. Elle est prise dans l’histoire d’un sujet fragile, vulnérable c’est-à-dire ouvert à la relation à l’autre dans ce qui peut être négatif ou bien source de croissance. La vie morale est un chemin jamais achevé, toujours risqué, mais porté par un horizon d’espérance : Dieu n’abandonne jamais l’alliance qu’il a conclue avec son peuple et avec chacun de nous, il nous accompagne sur ce chemin. » Revue d’éthique et de théologie morale, août 2023, p. 159-163.
4 – Un message percutant du pape François sur l’écologie
Le 4 octobre, la fête de St François d’Assise a été marquée par la publication de l’Exhortation apostolique Laudate Deum. Voici quelques mots de présentation empruntés à l’intervention de Dominique COATANEA lors de la soirée intitulée « De l’éthos du déchet à la culture du soin ».
Un texte percutant publié 8 ans après l’encyclique Laudato si’ pour alerter sur les lenteurs dans les changements de modes de vie. Il y a urgence à changer de cap, le nier est un mensonge mortifère. Il nous faut sortir du paradigme technico-scientifique qui nous berce de l’illusion de toute-puissance.
Un message mobilisateur qui, à la manière de Laudato si’, s’adresse à un public très large pour nous mettre au défi de répondre à l’appel de la terre et des pauvres qui crient face aux prédations dont nous sommes les auteurs. Nous manquons de courage alors qu’il faut engager toutes les forces dans la co-construction d’un nouveau cadre porteur de mesures efficaces.
François ouvre une perspective d’avenir en proposant de comprendre l’humain comme intimement lié à tous les êtres qui peuplent l’univers. Il invite à s’engager sur un chemin de réconciliation avec le monde qui nous accueille afin de l’embellir par nos contributions. Ce qui suppose des changements culturels et des engagements durables.
DIÈSE reviendra sur ce message de François afin d’en présenter les grandes lignes.
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