Éthique sociale en Église n°69 juin 2024

1 – Quelle justice climatique ?
Au Vatican, durant une session des Académies pontificales des sciences et des sciences sociales, le pape François a retenu des chiffres qui donnent à penser et surtout qui appellent des solutions urgentes et ambitieuses. 1 milliard des habitants de la terre les plus riches produisent plus de la moitié des polluants qui ont un impact sur le climat. 3 milliards des plus pauvres contribuent à ces pollutions pour moins de 10%, mais ils subissent 75% des dommages. Les pays du G 20 produisent 80% des émissions de CO2, tandis que les 46 pays les moins avancés y contribuent pour 1,1%.

On peut parler d’un déni de justice majeur à l’échelle mondiale. Il y a bien une « dette écologique » de la part de ceux qui polluent le plus, ce qui devrait comporter des charges financières. Il faut noter l’hypocrisie des jugements selon lesquels on fait pression sur les populations pauvres afin qu’elles remboursent des dettes monétaires, tandis que l’impact considérable de populations riches sur le dérèglement climatique, pour ne retenir que cet aspect du problème écologique, ne mobiliserait aucune contrepartie ! Le mot justice semble décliné différemment selon qu’il s’agit de puissants ou de ceux dont on ne veut pas entendre la voix.

Durant la session évoquée, il était demandé d’établir un protocole planétaire de résilience climatique, avec des contributions financières à la hauteur des enjeux. Le problème se pose à l’échelle de l’humanité entière, les solutions doivent donc être envisagées à ce niveau sous le mode d’une vraie solidarité : chaque région du monde contribuerait selon ses capacités financières tandis que les populations en danger seraient soutenues en fonction de leurs besoins.

 

2- Peut-on parler de logiques sacrificielles ?
+ On évoque les sacrifices humains comme des pratiques qui, en raison d’une avancée des civilisations, n’auraient plus cours depuis fort longtemps. Une telle vision, qui s’appuie sur la représentation d’un « progrès » linéaire, risque fort de nous empêcher de voir qu’il existe toujours des situations où l’on sacrifie des vies humaines pour en tirer des avantages stratégiques et/ou pécuniaires.

+ À propos des conflits actuels, en Ukraine, les Russes ne semblent pas faire grand cas de la vie de leurs soldats, les exposant en masse pour gagner quelque terrain ; de même, les bombardements sur les populations civiles ukrainiennes visent à saper le moral des habitants. Des actions dans lesquelles le respect de la vie humaine ne paraît pas peser lourd, selon une « logique » coûts/avantages marquée par le cynisme.

Ce mépris, tant de la morale la plus élémentaire que du droit international, se manifeste particulièrement dans le conflit Palestine/Israël à Gaza, avec la violence inouïe de l’attaque du 7 octobre, puis en retour des actions militaires dont les victimes sont très majoritairement des non-combattants, notamment des enfants, sans oublier les obstacles mis à l’accès à la nourriture et aux soins. Trop souvent, « Chacun s’autorise des crimes de l’autre pour aller plus avant. » (Albert Camus)

Infliger des souffrances extrêmes, provoquer des morts atroces apparaît alors comme un moyen de pression parmi d’autres. Au vu des situations en différents lieux de notre monde, on peut s’inquiéter de la régression d’une approche humaniste, d’une propagation du mépris de la dignité humaine. On sacrifie alors des vies humaines pour s’imposer, mais aussi de manière paradoxale pour impressionner les opinions publiques.

+ Sans confondre ces cas extrêmes avec des pratiques plus habituelles, il est bon de nous interroger sur des mentalités courantes qui imprègnent les rapports économiques à l’échelle mondiale. Certaines formes d’une morale « utilitariste », selon laquelle est bon ce qui sert le plus grand bien-être du plus grand nombre, une part de notre humanité se trouve considérée comme une quantité négligeable, voire comme un déchet que l’on laisse derrière soi pour ne plus le voir. Il s’agit bien d’une vision sacrificielle qui légitime l’exclusion des plus faibles, au motif que les autres pourraient ainsi avancer plus vite. On oublie qu’une telle marginalisation d’une part de l’humanité constitue une violence qui engendre d’autres violences.

On peut, à l’inverse, imaginer des pratiques intégrant mieux l’ensemble des citoyens, permettant ainsi aux plus fragiles d’apporter leur contribution propre au bien commun. Il ne manque pas d’exemples positifs, pensons à « Territoire zéro chômeur de longue durée », à la volonté de mieux intégrer les personnes en situation de handicap dans le travail et la vie sociale, et à bien d’autres initiatives.

Résistons à une normalisation de pratiques sacrificielles qui nous enfoncent dans une barbarie déniant la dignité humaine, conduisant au mépris des plus faibles. N’oublions pas que la fragilité fait partie de notre condition humaine. Il vaut mieux alors promouvoir des pratiques de sollicitude mutuelle, c’est une belle affaire que prendre soin les uns des autres !

 

3 – Que devient la peine de mort ?
Pratiquer l’exécution capitale, un signe que la logique sacrificielle est à l’œuvre… Au motif que la mise à mort aurait un effet dissuasif. En fait, il s’agit souvent de pouvoirs autoritaires, voire dictatoriaux, qui cherchent à dominer en terrorisant les populations.

Selon Amnesty international, le nombre d’exécutions capitales en 2023 a crû de 30% par rapport à l’année précédente. Les « champions » en la matière, en ordre décroissant des mises à mort : la Chine, l’Iran, l’Arabie saoudite, la Somalie, les USA. Certains pays restent discrets sur le nombre d’exécutions (un peu de honte ?) ; certains états des USA continuent de pratiquer la peine de mort, le moralisme US apparaît donc à géométrie variable…

Une bonne nouvelle : 144 pays ont aboli la peine de mort, en droit ou en pratique.

 

4 – Quel avenir pour les jeunes ?

+ À l’échelle du monde, les 15-24 ans représentent 16% de la population, soit 1,2 milliard de personnes. Nos sociétés vieillissantes risquent de laisser en marge les plus jeunes qui sont inquiets face aux conflits et à la détérioration de la vie sur terre ; elles peuvent aussi être tentées par le repli sur soi, voyant les jeunes arrivant d’ailleurs comme des envahisseurs.

+ Dans la Lettre de Justice et Paix de juin, Catherine Billet évoque ainsi la maison de la paix à Sainte-Mère-Église : « Alliés et ennemis d’hier marchent main dans la main pour rejoindre les anciens lieux de combats et témoigner que l’amitié et la fraternité entre les peuples sont possibles. Et surtout que la réconciliation et la paix sont une joie. »

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