La Chine de Xi Jinping plonge le monde dans l’incertitude

À l’issue du 20e Congrès du Parti communiste chinois (PCC) en octobre dernier, le sacre de « l’empereur » Xi Jinping pour un troisième mandat de cinq ans ouvre une nouvelle ère d’instabilité où l’idéologie communiste et le nationalisme vont largement déterminer les décisions de la seconde puissance mondiale.

Xi Jinping est devenu le dirigeant le plus puissant de la Chine depuis le « Grand timonier » Mao en son temps. Au terme du très historique 20e Congrès du Parti communiste chinois (PCC) en octobre dernier, le leader Xi Jinping de 69 ans s’est assuré un troisième mandat consécutif à la tête de la Chine. Celui que de nombreux observateurs en Chine et à l’étranger qualifient de « président de tout » a désormais toutes les manettes du pouvoir entre les mains. L’équipe dirigeante, un petit groupe de six personnes appelées « les immortels » a été sélectionnée sur des critères de « loyauté » à Xi Jinping. La « pensée Xi Jinping » est inscrite dans la constitution et le Parti communiste le considère comme « le cœur du pouvoir » envers qui tout le pays doit obéissance, des écoles maternelles aux maisons de retraite. Il ne fait plus aucun doute que Xi Jinping cherche désormais à se maintenir au pouvoir à vie.

Face à un tel pouvoir absolu et un culte de la personnalité jamais vus depuis les années 1950, l’avenir s’annonce encore plus périlleux pour la vie quotidienne, les libertés individuelles et de croyance des Chinois, sur fond de ralentissement économique. À l’étranger, la communauté internationale s’inquiète alors que la guerre en Ukraine déstabilise les équilibres géostratégiques de la planète, et que les tensions avec les États-Unis ne cessent de croître.

Après des décennies de croissance effrénée, le pays fait désormais face à un net ralentissement, accentué par une politique zéro Covid inflexible qui entraîne des confinements à répétition (des dizaines de millions de Chinois sont régulièrement confinés) et pénalise l’activité. Ces difficultés s’ajoutent à celles qui pesaient déjà sur l’économie chinoise : consommation atone, crise de l’immobilier ou encore tour de vis contre les lucratifs secteurs de la tech et du soutien scolaire. Le chômage des jeunes atteint près de 20 %.

Ces difficultés surviennent au moment où les relations entre la Chine et les puissances occidentales se tendent. Reprise en main à Hong Kong, sort de la minorité ouïghoure au Xinjiang (nord-ouest), rivalité technologique avec les États-Unis, guerre en Ukraine…, les différends ne manquent pas. Le monde « subit des changements inédits depuis un siècle », a martelé Xi Jinping à l’ouverture du Congrès du PCC. Le thème de la « sécurité nationale » y a largement surpassé tous les autres, ont relevé des sinologues qui s’inquiètent des priorités chinoises à l’avenir. De fait, le Parti communiste a inscrit pour la première fois dans sa charte une mention sur sa « ferme opposition » à l’indépendance de Taïwan.

« La réunification de la patrie doit être réalisée et sera réalisée » a martelé Xi Jinping au Congrès du Parti communiste chinois. Et il répète depuis des années que l’option militaire n’est pas écartée. Toute invasion chinoise de Taïwan perturberait les chaînes d’approvisionnement mondiales : l’île est le principal fabricant mondial de semi-conducteurs, des composants indispensables à une multitude d’appareils électroniques. Une intervention militaire provoquerait l’indignation des Occidentaux, isolerait la Chine et rapprocherait plus que jamais Pékin et Washington d’une confrontation armée directe. Joe Biden ayant répété que les États-Unis se porteraient au secours de Taïwan en cas d’attaque militaire chinoise.

Pékin considère l’île de 23 millions d’habitants comme partie intégrante de son territoire, bien que Taïwan dispose depuis plus de 70 ans d’un gouvernement propre. Les tensions autour de l’île se sont nettement accentuées avec les États-Unis depuis la visite en août de la numéro trois américaine, Nancy Pelosi. Y voyant une atteinte à sa souveraineté, Pékin avait alors organisé dans la foulée ses plus larges exercices militaires. La reconduction de Xi Jinping « peut être un élément (…) qui augmente le risque de conflit armé » a déclaré, à l’Agence France-Presse, Dan Macklin, analyste établi à Shanghai.

En cas de ralentissement économique prolongé, le Parti communiste pourrait intensifier sa pression sur Taïwan pour renforcer sa légitimité, explique-t-il. Car le PCC tire actuellement sa principale légitimité de l’augmentation du pouvoir d’achat de la population, qui risque d’être mise à mal. Un Xi Jinping vieillissant, entouré d’une équipe à sa solde, augmente par ailleurs « le risque d’erreur de calcul » dans les décisions, prévient l’analyste. Henry Gao, professeur de droit à l’université de gestion de Singapour, prédit quant à lui que Xi Jinping sera « plus conservateur » en politique intérieure mais « plus radical » à l’international lors de son prochain mandat : il « tentera de se confronter à l’Occident ».