L’Église catholique en Chine populaire

Au moment où se terminait le 20e Congrès du Parti Communiste Chinois, qui confirmait la ligne politique dure « à la Mao » du leader suprême Xi, le Saint-Siège renouvelait l’accord provisoire avec la République Populaire de Chine sur la nomination des évêques, et le cardinal Joseph Zen était convoqué au tribunal pour son soutien au mouvement prodémocratie de Hong Kong.

Cette concomitance d’événements a fait de ce mois d’octobre un moment marquant de l’histoire de l’Église catholique en Chine. Dans ce pays de 1,4 milliard d’habitants, le plus peuplé de la planète avec l’Inde voisine, et qui fait de l’athéisme la religion officielle, on compte pour autant encore 362 millions de croyants, principalement bouddhistes, chrétiens, musulmans, taoïstes. Leur vie de foi est devenue difficile, tant la pression est forte pour qu’ils l’abandonnent. La voie choisie par le Parti est de « siniser » les religions, c’est-à-dire d’en faire des expressions au service de la pensée Xi Jinping. Ce dernier a insisté pour que les religions se « conforment mieux » aux « réalités chinoises » et à la « société socialiste ». Le Congrès national des catholiques de Chine du mois d’août dernier a ainsi très officiellement réaffirmé la primauté du patriotisme et du socialisme. L’Église doit être un instrument de l’État et soutenir le Parti. Cette ligne de toujours a été réaffirmée avec force depuis 2017. Les chrétiens, qu’ils soient protestants pour la majorité d’entre eux (environ 70 millions) ou catholiques (12 millions) ont la chance d’appartenir à une communauté de croyants universelle, qui les rattache à des frères et sœurs de partout. Ils se savent soutenus et entourés. Cela leur donne une force que les croyants bouddhistes ou taoïstes n’ont pas.

La persécution est sournoise mais réelle. C’est ainsi que les enfants et les jeunes n’ont pas le droit d’entrer dans les églises pour les offices. Si dans les années 80, on a reconstruit des églises, aujourd’hui il faut l’autorisation des autorités locales, de plus en plus difficile à obtenir, et si on ne la demande pas, l’église sera détruite. Dans certains endroits, les enfants sont utilisés comme espions contre leurs parents. Une pression est exercée sur les familles chrétiennes avec des menaces sur les études de leurs enfants. En janvier dernier, 5 chrétiens ont été condamnés à une peine de 6 à 8 mois de prison pour avoir participé à une conférence chrétienne internationale. À partir du 1er mars, les chrétiens de Chine n’ont plus le droit de diffuser du contenu religieux sur internet sans autorisation. Les camps pour les jeunes sont interdits. Des évêques de l’Église non officielle, comme Mgr Joseph Zhang Weizhu de Xinxiang, ont été arrêtés et emprisonnés sans que l’on sache où ils sont.

La liste des brimades et persécutions est longue, l’espace de vie de l’Église ne cesse de se rétrécir. C’est clairement la transmission de la foi qui est visée. Cela rappelle la Révolution culturelle des années 66-76.

Pour autant, la persécution n’arrive pas à museler et bannir la pratique des croyants. Au contraire, elle est source d’inventivité. Les maisons et les appartements sont devenus les lieux de la catéchèse, de la prière commune, parfois de célébrations liturgiques comme le baptême ou la messe. « Chaque famille continue de célébrer sa foi à la maison et reste proche de Dieu. Peu importe le niveau de persécution, cela ne pourra jamais l’emporter sur notre foi dans le Seigneur. »

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Statue de saint François-Xavier devant la cathédrale de l’Immaculée-Conception  de Pékin

Le Saint-Siège avait mis de l’espoir dans l’accord provisoire qu’il avait signé avec la RPC, le voyant comme une porte qui s’ouvrait sur l’essentiel : la communion pleine et entière des évêques avec le Saint Père à travers le choix et la nomination des évêques, sur la proposition de l’Association Patriotique des Catholiques Chinois, organisation liée au Parti Communiste. En réalité, peu a été fait : en 5 ans, 6 nouveaux évêques ont été nommés dans une liste soumise au pape et 6 évêques patriotiques ont été reconnus par le pape, ce qui a parfois exigé le retrait d’évêques clandestins de leur mission. Le nombre de diocèses vacants reste important, et l’accord n’a pas vraiment permis de retour à l’unité avec les persécutions qui se sont multipliées.

Le procès du cardinal Zen s’est ouvert ce 26 octobre 2022. Il lui est reproché d’avoir aidé à la constitution d’un fonds de soutien aux manifestants de 2019. Né à Shanghai il y a 90 ans, il a toujours défendu la démocratie à Hong Kong. Son procès est symbolique de ce que l’Église de Chine est en train de vivre : face aux exigences de la vie de foi qui promeut l’engagement pour l’avènement d’une société juste et fraternelle, et quelles que soient les circonstances et les persécutions, l’espérance est toujours vive.