Éthique sociale en Église n° 23 août 2020

Nous avions sans doute envisagé un déconfinement progressif, avec le rêve plus ou moins confus de retrouver la vie d’avant, tout en dissertant sur d’autres voies pour l’après Covid.

Ces sentiments ambigus s’affrontent aujourd’hui à une évolution indécise : des foyers de contagion apparaissent ici ou là, les messages de mise en garde se renforcent. Alors oui, il faut faire attention, pour soi et pour les autres.

Nous pouvons en retenir quelques leçons. Tout d’abord, l’humilité : les spécialistes les plus honnêtes disent qu’on ne peut prévoir et qu’il faut donc demeurer prudent. Mais, en même temps, il est bon de cultiver le goût de vivre, au milieu même des incertitudes. Nos décisions concrètes mettent en jeu une orientation éthique : ces ajustements seront-­‐ ils  sous  le  mode  du  sauve-­‐qui-­‐peut  individuel  ou  l’occasion  de  vivre  de  nouvelles solidarités. L’affrontement à la pandémie a montré que nous sommes capables d’engagements responsables et solidaires ; veillons à ce que l’usure du temps et le refrain enjôleur de l’individualisme ne viennent pas éroder ces belles capacités !

2   – Politique

+ Après des hésitations, les élections municipales ont pu aller à terme ; maintenant les maires, adjoints et autres délégués sont désignés. Le verdict des urnes a porté son lot de surprises. Mais avec un faible taux de participation pour un scrutin qui engage la démocratie de proximité. Il faut cependant éviter de suggérer que certains seraient « mal élus » : la confiance dans le résultat des urnes demeure précieuse pour la vie commune, pour que l’autorité des personnes en charge du bien public soit reconnue.

Une campagne électorale met au jour les tensions qui traversent toute société ; c’est justement la force et la faiblesse de la démocratie de rendre publique la variété des points de vue et des projets. Mais il y a aussi le rôle symbolique du vote qui, en désignant les responsables de la collectivité, manifeste l’unité de la communauté et ramène une relative paix civile… jusqu’à la prochaine épreuve électorale ! Aussi, la présence d’une seule liste candidate pour des élections municipales peut être vue comme un appauvrissement démocratique. Une vigoureuse campagne électorale, dans la mesure  où elle nourrit le débat sur des projets et ne se réduit pas à des querelles personnelles, contribue à la qualité de la vie commune.

La crise actuelle de la démocratie, qui se traduit notamment par une désaffection à l’égard des élections, peut être la conséquence d’un individualisme qui l’emporte sur l’esprit citoyen. C’est aussi le résultat d’une tendance à la personnalisation excessive du pouvoir : on encense le vainqueur, quitte à le clouer au pilori juste après.

+ Cette crise a aussi des causes historiques. La chute du mur de Berlin, en 1989, a mis fin à une bipolarisation qui influençait la politique nationale. Mais les débats convenus laissaient dans l’ombre des défis majeurs tels que la mondialisation et l’écologie. Cette bipolarisation avait un aspect trompe l’œil, les partis en présence portaient une même obsession pour la performance économique et la production matérielle, sous le mode du « toujours plus », quel qu’en soit le coût social et écologique. Ce biais idéologique laissait en arrière plan la solidarité avec les plus fragiles et empêchait de voir les dégâts écologiques. On doit travailler pour mettre au jour des politiques lucides et raisonnées.

+ L’éthique sociale, portée notamment en Église, reconnaît les qualités spécifiques de la démocratie et ne la considère pas comme un régime parmi d’autres. La démocratie honore la dignité de chaque personne, en lui reconnaissant la capacité de participer activement à la vie commune. De plus, en prenant en compte la diversité des intérêts, des idées et des projets, elle comprend des procédures d’arbitrage qui permettent d’organiser le bien commun de telle manière que chacun puisse mener une vie digne.

3   – Alerte !

+ Le 22 août, à l’échelle mondiale, nous aurons épuisé notre « droit de tirage » sur la planète terre, en raison du prélèvement de ressources qui ne pourront être restaurées naturellement et du rejet de déchets qui ne pourront être assimilés par la nature. L’alerte est salutaire : nous avançons vite… vers la catastrophe !

+ Il y a 75 ans les armes nucléaires détruisaient Hiroshima et Nagasaki. Évoquant ce drame François a redit : « L’utilisation de l’énergie atomique à des fins militaires est immorale, de même que la possession des armes atomiques ».

La Croix Rouge vient de prendre position pour le désarmement nucléaire déclarant qu’en cas d’attaques elle serait incapable d’organiser des secours.

Dans l’ouvrage publié après sa mort « Relire le relié », Michel Serres élargit le débat.

« Nous avons cru longtemps que les feux de la science produisaient moins de violence que ceux  des  religions ;  je  et  nous  nous  trompions. (…)  La  quasi-­‐extinction  de  ce  point,  plus brillant que chaud, commença par l’éclair d’Hiroshima et celui de Nagasaki, où la science réputée toute bonne et seule bonne commit ces crimes contre l’humanité, ces massacres d’innocents, en un point tragiquement incendiaire. » Cependant, n’oublions pas que ces drames sont le résultat de décisions politiques !

4   – Solidarités mondiales

+ Le 30 juillet : journée de lutte contre la traite des êtres humains. En raison de la pandémie, des travailleurs informels, y compris des enfants, se trouvent davantage soumis à des conditions de travail proches de l’esclavage.

+ Les transferts de fonds des migrants vers leurs pays d’origine ont représenté en 2017 480 milliards de dollars, soit 9% du PIB mondial. Un montant bien plus élevé que toutes les « aides officielles » au développement.

+ Les évolutions démographiques varient fortement selon les continents et les pays. L’excédent des naissances sur les décès est d’environ 83 millions. Cette croissance devrait diminuer à partir de 2050. L’Afrique connaîtra une hausse importante jusqu’à la fin du siècle, même si l’indice de fécondité est en baisse : ce sont les populations nées il y a trente ans qui ont aujourd’hui des enfants (inertie démographique). Des pays d’Asie connaîtront une stagnation, voire une baisse de leur population, c’est déjà le cas pour le Japon et la Corée du Sud ; dans quelques années la population de l’Inde dépassera celle de la Chine. La situation en Europe est contrastée ; des pays entament une baisse de leur population ou en sont proches : Italie, Espagne, Portugal, Allemagne, Pologne, Russie. Dans le cadre de L’UE, la France se situe en haut de tableau pour l’indice de fécondité.

+ Ces disparités, ajoutées aux effets climatiques, conduiront à une amplification des migrations. Des pays vieillissants seront heureux de bénéficier de populations plus jeunes pour faire tourner leur économie et pour soigner leurs anciens… (Source INED)