Éthique sociale en Église n°86 novembre 2025

1 – Le travail des enfants
Nous ne manquons pas d’informations concernant l’origine des produits nécessaires à la fabrication d’outils qui nous sont familiers : smartphones, ordinateurs, etc. Il faut entre autres du lithium, du cobalt, du cuivre, de l’argent, de l’or… Nous devons savoir que l’extraction de ces produits a des conséquences en Afrique, tout particulièrement en RDC ; des conflits meurtriers sont liés aux trafics concernant ces biens, des milices et des pays voisins font en sorte d’en tirer profit. De nombreux enfants travaillent à cette extraction, avec les risques que cela comporte pour leur santé et parfois leur vie, sans oublier la difficulté d’aller à l’école. De grandes entreprises, notamment chinoises, profitent de ces acquisitions à bas coût, sans se soucier des répercussions sur la vie des personnes, y compris les enfants.

Une telle situation résulte du libéralisme économique qui prévaut à l’échelle du monde. Le critère financier apparaît comme le seul principe d’évaluation, quel qu’en soit le coût humain en termes de sécurité et d’avenir, notamment pour les enfants. Concernant ce problème, le pape Léon a évoqué « la dictature d’une économie qui tue » et le cardinal Ambongo a dénoncé « les minerais sanglants ». L’appât du gain à tout prix est une violence.

Chacun de nous n’est pas maître des processus de fabrication concernant ces outils du quotidien, mais nous pouvons nous informer et dénoncer de telles politiques à courte vue. Même si le thème n’est pas très habituel dans les médias, il faut plus que jamais parler d’un développement humain à l’échelle mondiale : c’est un chemin de paix, une voie d’avenir pour des populations qui restent jusqu’à maintenant confinées dans la misère.

 

2 – Les mots de la paix
Le 11 novembre rappelle la fin de la « grande guerre ». Au vu du massacre, ceux qui l’avait connue voulaient que ce soit la « der des der » et qu’on renonce à la guerre. Mais la 2ème guerre mondiale fut encore plus atroce et destructrice. Une forme de réaction a conduit à l’instauration d’institutions internationales, à commencer par l’ONU ; même si elles sont aujourd’hui bousculées, elles peuvent aider à régler des problèmes et même des conflits. Retenons de ces épisodes tragiques du siècle passé qu’il ne suffit pas de désirer la paix, il faut surtout la légitimer avec justesse et la construire sérieusement, pas à pas.

Certains adages peuvent être pernicieux, notamment l’un qui est devenu banal : « Si tu veux la paix, prépare la guerre. » Un jésuite congolais qui, durant son enfance, a connu les fuites en pleine nuit et la mort de proches dénonce ceux qui se réfèrent à un tel adage depuis un bureau, loin des souffrances liées aux conflits. Nous avons suffisamment d’informations concernant la guerre à Gaza et la mort des enfants pour en saisir l’abomination, sans oublier les atrocités qui ont cours au Soudan. L’aspect unilatéral de l’expression évoquée rétrécit dangereusement notre vison de la paix, or celle-ci ne se réduit pas au silence des armes. On ne peut mettre sa confiance dans le seul équilibre de la terreur, par exemple avec la dissuasion nucléaire : une faille dans les systèmes ou un acte de folie ne peuvent être exclus, avec des conséquences catastrophiques pour une grande partie de l’humanité. Les grandes puissances font actuellement de la surenchère en termes de course aux armements, y compris nucléaires.

On sait qu’une préparation de la défense face à d’éventuels agresseurs doit être envisagée, mais la résistance ne se réduit pas au seul usage de la force armée. Il importe de travailler à construire une paix positive et durable. Celle-ci repose d’abord sur la prise en compte d’une justice à l’échelle mondiale. Justice selon laquelle chaque peuple, mais aussi chaque humain, doit pouvoir mener une vie convenable, sur la base du respect mutuel et de la coopération internationale. Une telle perspective ne relève pas d’une naïveté coupable, mais d’une vision qui ne reste pas collée au court terme, qui envisage des collaborations à long terme.

Un regret : le beau mot d’alliance se confond trop souvent avec des accords de défense armée (ex. l’OTAN), alors qu’il suggère le projet d’une vie commune relativement pacifiée grâce à des solidarités actives. Une telle culture de paix, reposant sur des accords de coopération, permet aussi de relever ensemble les défis majeurs auxquels nous sommes exposés : l’accès aux biens élémentaires pour des populations en détresse, la sauvegarde de notre planète en danger.

« Cherchons à créer des structures coopératives plutôt que compétitives et à partager équitablement les ressources. Imaginons des alternatives à la logique perverse des armes, car le retour au bellicisme est inacceptable. » Marc STENGER, coprésident de Pax Christi international.

 

3 – La fleur de saison : le chrysanthème
Le plus souvent, les cimetières sont bien entretenus, les élus savent que la population y est sensible, mais ils ont quand même un petit air triste. Il y a pourtant une exception : quand le temps se fait morose, entre froid et crachin, les cimetières se parent de couleurs pour préparer la fête de Toussaint : on ne les reconnaît plus, ils deviennent presque joyeux. Une catégorie de plante s’étale, profitant de son avantage puisqu’elle a le bon goût de fleurir à cette saison. Pourtant, malgré cet épanouissement de couleurs, le chrysanthème reste parfois déconsidéré. Est-ce en raison de son omniprésence auprès des tombes qui le ferait passer pour prétentieux ? Est-ce parce qu’il est associé au souvenir des morts. Je prends le parti de défendre ce végétal lumineux et même de le magnifier : éclatant de multiples formes et couleurs, il nous invite à visiter le cimetière, il suggère une certaine espérance. En fleurissant les sépultures de nos proches, nous pouvons accueillir une certaine paix intérieure. Le chrysanthème a déjà connu des mutations de formes et de couleurs, souhaitons qu’il continue de nous surprendre.

Un passage par le cimetière, porteur ou non de fleurs, nous rappelle que nous nous inscrivons dans une longue histoire et que nous ne nous sommes pas faits tout seuls. Nous ne pouvons donc pas nous réduire à des individus solitaires, polarisés exclusivement sur l’instant présent. La vie nous a été donnée, comme une grâce, il nous revient alors de donner à vivre à notre tour. Un tour de cimetière peut être l’occasion d’une heureuse méditation : comment suis-je acteur social au service de solidarités intergénérationnelles et internationales ?

 

Une voie : oser la sobriété ! Alors que la COP30 se réunit à Belèm (Brésil) l’évocation de la sobriété n’est pas hors de propos. La course aux bien matériels peut nous aliéner, au sens de nous détourner de ce qui vaut vraiment, d’appauvrir la qualité humaine de nos existences et de mettre en danger la vie sur notre terre. La pauvreté des uns fait que pour eux la quête des biens essentiels demeure un tracas quotidien. Pour d’autres, la sobriété (ne pas rester esclave des biens) peut représenter une libération qui ouvre au bonheur du partage fraternel. Osons résister aux mirages…

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