Climat : la responsabilité des chrétiens

Le pétrole, le gaz, le charbon, sont la sève de nos sociétés industrialisées : l’épuisement de ces énergies bouleverserait nos modes de déplacement, de chauffage, d’alimentation, de production industrielle.

A plus ou moins brève échéance, il est programmé. Difficile d’estimer avec précision les réserves de ressources fossiles, mais, paradoxalement, une chose est sûre : il y en a trop ! Car l’urgence n’est pas tant leur raréfaction que le dérèglement climatique. L’exploitation des énergies fossiles est à l’origine de l’essentiel de nos émissions de gaz à effet de serre. Or la longue durée de vie de ces gaz dans l’atmosphère en fait une bombe à retardement.

Nos sociétés conditionnent l’écosystème dans lequel vivront nos descendants. Que l’on continue à brûler ces énergies au rythme qui est le nôtre, et la température moyenne de notre planète aura augmenté de 6° d’ici 2100 – une année que connaîtront peut-être mes filles… Cette moyenne cache des variations, dans l’espace comme dans le temps. La France, qui n’est pas la plus menacée, verrait, entre autres effets, la culture viticole fortement affectée, et des canicules comme celle de 2003 (10 000 morts) devenir l’habitude.

L’urgence climatique est là, et bien là. Et nous ne bougeons pas, ou si peu. Faire confiance au marché ? Quand les cours de l’énergie augmentent, ils donnent une indication –mâtinée de spéculation – de la rareté de la ressource disponible à court terme (des facteurs géopolitiques entrent en compte), non de leur impact sur le climat. Et le prix ridicule du carbone n’y change rien. D’ailleurs le boom des gaz de schiste outre-Atlantique a fait chuter le cours du gaz, et incidemment celui du charbon. Les politiques ? Eux ont la clé. Mais les questions sociales, budgétaires ou sécuritaires relèguent bien loin le climat dans la hiérarchie de leurs préoccupations. L’Union européenne a certes pris quelques engagements à l’horizon 2030. Mais combien de reculades au nom de la compétitivité ? Quel budget pour opérer les transitions nécessaires ?

Il est commode, pour se dédouaner, de faire du climat une préoccupation de « bobos ». Pourtant, « ce sont certains pays en développement qui font les frais des controverses [sur l’origine humaine des changements climatiques ou l’ampleur des conséquences] dans les pays développés  »[1], rappelle le Malien Youba Sokona, qui co-préside un des groupes du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Car des dizaines de millions de personnes, dans l’hémisphère Sud, seront contraintes de quitter leurs terres devenues infertiles ou inondées. Le dérèglement climatique pose d’ores et déjà de lourdes questions de justice : « Les pays développés doivent baisser leur consommation d’énergie afin de permettre aux pays qui doivent se développer d’améliorer leurs conditions d’existence », poursuit Sokona. Comment ne pas entendre cette interpellation ?

L’année 2015 sera décisive. En décembre, Paris accueillera la COP21, la Conférence des États parties, pour fixer un cap et répartir les responsabilités afin de limiter le réchauffement moyen à 2° d’ici la fin du siècle[2]. Pays hôte, la France joue un rôle clé dans cette négociation (qui se prépare dès à présent à Lima). Les chrétiens ont une voix à faire entendre. Tous les monothéismes se rejoignent sur ce point : la planète ne nous appartient pas ; elle nous est confiée comme un trésor à transmettre, plus belle encore. Si l’annonce de la catastrophe paralyse souvent plus qu’elle ne mobilise, les chrétiens ont pour tradition de déceler un sens dans l’épreuve. Et pour responsabilité de faire vivre l’espérance. Non pas une contemplation béate des catastrophes qui viennent, mais une espérance dans l’action : donner aux dirigeants politiques le courage qui parfois leur manque pour assumer le leadership qui leur échoit ; montrer qu’un mode d’être au monde plus sobre, plus solidaire, est possible en entrant nous-mêmes sur ce chemin de conversion.

[1] Youba Sokona, « Climat : et si l’Europe se souciait des pays du Sud ? », Revue Projet n°343, déc. 2014.

[2] Pour une description précise de l’état des connaissances sur le climat et du processus de négociation, Cf. Martin Kopp, « Climat : de la science à la politique », Revue Projet n°342, octobre 2014.