Enjeux et défis écologiques pour l’avenir : L’Eglise parle et agit

La Conférence des Evêques de France vient de publier un document intitulé Enjeux et défis écologiques pour l’avenir, présentant une lecture chrétienne de la crise écologique et des propositions pratiques afin d’agir en faveur d’un développement durable et solidaire.

L’Eglise catholique souvent accusée d’être restée silencieuse, ou pire encore, d’avoir promu un développement prédateur de la nature, prend le contrepied de cette attitude.

Une parole d’Eglise

Au moment où la crise financière et économique semble avoir éclipsé les problèmes écologiques, la Conférence des évêques de France se saisit des questions d’environnement et publie le fruit de ses réflexions. Des services de la Conférence s’étaient déjà prononcés auparavant : la Commission Sociale a publié en 2000 un message sur « le respect de la création » ;  Justice et Paix – France a publié « Notre mode de vie est-il durable ? » en 2005, « Mobilité durable » en 2007 et « Oser un nouveau développement » en 2010.

La nouveauté du document qui vient de sortir réside dans le fait qu’il s’agit du résultat d’une réflexion menée par un groupe d’évêques[1] accompagné d’experts, et débattue à trois reprises en assemblée plénière des évêques. Après deux années d’auditions, de réflexions et de débat, l’assemblée plénière des évêques a décidé que ce rapport serait publié, afin que toutes les communautés catholiques et ceux qui voudront bien s’y intéresser intègrent ces enjeux dans leur perspective et dans leurs actions. Cette parole d’Eglise sur le développement durable a de ce fait un statut particulier : elle résulte d’une réflexion réalisée avec l’ensemble des évêques. Elle n’est pas une prise de position ponctuelle, mais le résultat d’un processus d’élaboration collective.

Il s’inscrit par ailleurs dans une démarche qui a commencé bien avant, au niveau de l’Eglise en général et de l’Eglise de France en particulier, et qui vise à se poursuivre et s’approfondir dans le futur. Une résolution a été prise au terme de l’assemblée des évêques en novembre dernier : que la question écologique devienne une préoccupation permanente de l’Eglise de France. D’une part, le travail sera poursuivi et amplifié par le service « Famille et Société » qui comprend depuis peu de temps un département « Environnement et Modes de Vie ». D’autre part, cette préoccupation a vocation à être portée à tous les niveaux de la vie d’Eglise, au plan national, dans les diocèses, dans les communautés paroissiales, dans les mouvements et services. Se donner des moyens de prendre cette question en compte au plus proche du terrain est une manière de signifier aux chrétiens que l’engagement écologique n’est pas seulement un travail de spécialistes ou de passionnés, mais la responsabilité de chacun. C’est également l’occasion de se rapprocher d’autres acteurs de la société, eux aussi mobilisés sur les questions d’environnement.

Ce rapport n’est pas un précis d’écologie chrétienne. Il offre une lecture chrétienne de la crise écologique. Il présente des propositions. Il ouvre à la dimension spirituelle.

Une lecture chrétienne de la crise écologique

L’Eglise a une parole spécifique à dire sur la crise écologique, car la solution n’est pas à considérer seulement du côté des renouvellements technologiques, ni même des réorganisations économiques : elle est à chercher dans l’homme lui-même. L’homme est au cœur de la nature. Nous, chrétiens, disons volontiers qu’il est acteur dans le projet créateur de Dieu. Il ne doit pas se contenter de subir les dégradations de l’environnement dans lequel il vit. Il est l’artisan de ce qu’il devient par ses choix de vie, par son rapport aux hommes et aux choses et par la vision de l’avenir qu’il développe. Il l’est aussi par sa volonté de maîtriser l’usage qu’il fait des biens dont il dispose, et par son attention à ne pas accaparer pour lui-même ces biens, mais à les partager avec ses frères humains, actuels et ceux des générations futures.

L’Eglise a quelque chose de fort à dire sur l’homme et sa manière d’être au monde, sur l’usage des ressources dont il peut disposer, sur la solidarité à laquelle il est appelé avec ses frères humains. C’est ce que le pape Benoît XVI désigne sous le terme de « développement humain intégral »[2] en appelant l’être humain à devenir protagoniste de la construction d’un monde différent, juste, équilibré, harmonieux, respectueux de la nature et des humains.

L’apport spécifique d’une lecture chrétienne de l’écologie se situe dans un regard différent sur les grandes expériences constitutives de toute vie humaine, tels que le rapport au temps, le rapport à l’espace et le rapport à autrui. Le regard chrétien doit être inspiré par sa vision de ce qu’est l’homme dans le projet créateur de Dieu. Cette vision est exprimée dans la « théologie de la création ». Le croyant doit savoir replonger son existence dans le don de vie qui lui a été fait et qui ne lui appartient en aucune manière. C’est un gage de liberté et de dépassement de toutes les contraintes immédiates qui pèsent sur l’homme, lui-même inscrit dans le temps, dans l’espace et dans un rapport avec autrui.

Des actions en faveur du développement durable

Le document appelle au dialogue avec les principaux acteurs de la société : chercheurs, politiques, philosophes, économistes, techniciens.

Mais une Eglise bien insérée dans le monde est une Eglise qui prêche d’exemple dans ses choix, dans ses actes, dans ses recommandations. C’est la raison pour laquelle le document accompagne la réflexion de fond d’une liste de propositions pratiques. Elles sont le signe des résolutions que toute communauté chrétienne consciente des enjeux et des défis écologiques peut prendre. Elles se veulent incitation à  la créativité, au courage et à la persévérance des chrétiens.

Les propositions concernent les différents domaines de la vie d’une communauté chrétienne : la formation (développer une catéchèse de la création), la liturgie (célébrer Dieu créateur), les choix d’organisation (déplacements, tri des déchets, etc.), le partenariat avec les autres acteurs de la cité. L’initiative prise dans le cadre de « Diaconia 2013 » est,  en ce sens, une bonne illustration.

L’enjeu spirituel associé au rapport à la nature

Au-delà de l’aspect technique et même théologique des questions de l’environnement, la place que l’homme prend dans le monde est une question spirituelle. Il est destinataire permanent d’un appel à « convertir » son rapport à la nature, à l’homme, à Dieu. C’est  le plus structurant de ce qu’il est et le plus déterminant de son comportement. La dimension spirituelle de l’engagement écologique est ainsi présentée sous forme de relations nouvelles à tisser : relations entre tous les hommes, relations avec Dieu et relations avec la Création. Le chrétien est ainsi appelé à devenir « jardinier » de cette Création qui nous a été donnée mais qui est inachevée. La crise écologique actuelle constitue ainsi une chance pour renouveler la manière d’être présent dans le monde en tant que chrétien. C’est à ce renouvellement que le document des évêques nous invite.

Un engagement exemplaire de l’Eglise en faveur du développement durable Diaconia 2013

La  démarche Diaconia suscite un intérêt croissant dans et hors de l’Eglise : 90 mouvements et services d’Eglise, ainsi que de nombreuses congrégations religieuses ont décidé de s’engager pour mettre la diaconie au centre de leur action et de leur  réflexion dans les deux années à venir. Dans la quasi totalité des diocèses des équipes diocésaines,Diaconia 2013 se sont mises en place. Des rassemblements, sessions, événements se préparent  dans cette dynamique. A l’échelle de la France, cette démarche engendrera  des milliers de réunions, de rencontres, de rassemblements de tailles diverses

Dans la suite de lettre de Benoit XVI pour le 1er Janvier 2010,  « Si tu veux construire la paix, protège la création », et dans le contexte des réflexions que mène la Conférence des Evêques de France sur l’écologie, l’équipe responsable de Diaconia 2013 a souhaité d’accorder une attention particulière à la minoration de  l’impact des rencontres prévues sur l’environnement. Pour cela, des outils existants ont été recensés et adaptés à la démarche Diaconia et proposés sous forme de fiches pratiques, http://diaconia2013.fr .

Mais  une équipe travaille déjà sur la préparation du rassemblement en mai 2013 à Lourdes pour qu’il intègre le plus possible cette dimension. La Ville de Lourdes est très intéressée par cette approche. Elle souhaite élaborer une charte des événements éco-responsables qui puisse servir de cadre pour des manifestations futures. Un calendrier de réunions de  travail a été établi avec les personnes en charge du développement durable à la mairie. Quatre axes de travail ont été  définis : réduction des déchets, gestion de l’eau, alimentation et gestion des déplacements urbains. Concernant la diminution des déchets par exemple, une des idées est de doter, à l’arrivée, tous les participants d’une bouteille d’eau personnalisée aux couleurs de l’événement. Cette bouteille  sera réutilisée pendant  les trois jours et  chacun la remportera  en souvenir. La Ville soutient cette démarche exemplaire de réduction de déchets plastiques, en fournissant  les rampes à eau pour remplir ces bouteilles. Ce sont ainsi entre 80 et 100 000 petites bouteilles d’économisées !

Si cette démarche est exemplaire, ce n’est pas seulement à cause de son impact ponctuel, quiest déjà très important, mais surtout à cause de ce partenariat original entre Eglise et pouvoirs publics autour de la question environnementale, qui vise à élaborer ensemble des protocoles qui devront être respectés par tous les rassemblements futurs organisés à Lourdes.

[1] Groupe de travail « Ecologie et environnement » présidé par Mgr Marc Stenger et composé de : Mgr Jean-Claude Boulanger, Mgr Pierre-Marie Carré, Mgr Jean-Pierre Grallet, Mgr Gilbert Louis, Mgr Jean-Louis Papin, Mgr Pascal Wintzer, Gildas Kerhuel (secrétaire général adjoint de la Conférence des Evêques de France), Jean-Pierre Chaussade (Pax Christi), Elena Lasida et André Talbot (Justice et Paix France), et Jacques Paoletti (Collège des Bernardins).

[2] Encyclique « Caritas in veritate » 2009, §5, 9, 30, 34, 44, 48, 51, en particulier.