« Caritas in veritate » : un appel urgent à la responsabilité.
Nous attendions l’encyclique depuis deux ans. Nul doute, maintenant, que le Pape ait voulu prendre acte des effets de la crise économique qui s’annonçait. Une crise mondiale. Car c’est une vision renouvelée de l’économie qu’il nous présente, faisant par là œuvre d’anticipation.
Elle est écrite pour le vingt et unième siècle débutant comme Rerum novarum l’avait été pour le dix-neuvième finissant, faisant la synthèse des questions posées par une industrialisation qui prenait sa vitesse de croisière pour aborder le vingtième siècle. Ici nous ne sommes plus à l’aménagement des conditions de travail, au juste salaire ou au droit d’association des travailleurs, Caritas in veritate se situe dans une dynamique interactive, dans une économie systémique, mondialisée, ouverte au politique, au social et au spirituel.
Il n’est pas sans signification, d’ailleurs, qu’alors que les encycliques sociales du vingtième siècle faisaient toutes mémoire de Rerum Novarum, celle-ci s’inscrit dans le quarantième anniversaire de Populorum Progressio de 1967. C’est dire qu’elle questionne nos modèles de croissance quant à leur impact sur le « développement de l’homme, de tout l’homme et de tous les hommes », selon la formule de Paul VI., elle ouvre des perspectives universelles, mais intègre aussi toutes les dimensions de la personne humaine.
Alors, particulièrement en son deuxième chapitre, Benoît XVI ne craint pas de faire un bilan très critique d’une suite de déséquilibres qui ont généré la crise actuelle : « les forces techniques employées, les échanges planétaires, les effets délétères d’une activité financière mal utilisée et, qui plus est, spéculative, les énormes flux migratoires (…)l’exploitation anarchique des ressources de la terre, nous conduisent aujourd’hui à réfléchir sur les mesures nécessaires pour résoudre des problèmes qui ont (…) un impact décisif sur le bien présent et futur de l’humanité (…) la crise devient une occasion de discernement et elle met en capacité d’élaborer de nouveaux projets ».
Et le Pape, fidèle à son titre, de souligner que si Paul VI avait fait observer qu’alors la question sociale était devenue mondiale, aujourd’hui elle se révélait « radicalement anthropologique », car il s’agit de se prononcer sur la qualité primordiale de la personne humaine et la valeur transcendante des normes naturelles ».
L’encyclique aborde de multiples réalités de la vie économique et sociale qui mériteront des échanges et des témoignages sur l’entreprise, la finance, les relations syndicales, la subsidiarité et la démocratie dans cette activité économique. Mais il donne à ce que nous appelons la « doctrine sociale de l’Eglise une vocation autre que morale ou éthique. Elle est théologique- sinon théologale- afin de lier par là la Révélation à l’histoire et nos relations à la Trinité. Loin d’un spiritualisme désincarné ou d’un fondamentalisme sectaire, c’est dans le mystère du Christ que nous sommes conduits à penser l’avenir comme étant celui de la famille humaine dans la fraternité des différences et des quêtes de la transcendance. Et Benoît XVI de conclure : « le développement a besoin de chrétiens qui ont les mains tendues vers Dieu ».
Cette encyclique est impressionnante par la qualité de ses analyses économiques ; elles auront demandé de multiples expertises de professionnels, sans doute, mais aussi par l’ardeur intellectuelle et spirituelle d’un enracinement au plus vital de la foi catholique. Ainsi elle renouvelle nos idées sur la « doctrine sociale » et ouvre le débat sur nos actuelles responsabilités pour faire naître demain.